Le chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a annoncé hier soir que le CPL œuvrait à trouver une solution au nœud sunnite entravant la formation du gouvernement, estimant que « personne ne peut accaparer la représentation d’une communauté ». Une phrase qui a été interprétée comme allant dans le sens contraire du refus opposé par le Premier ministre désigné Saad Hariri à l’entrée dans son gouvernement d’un ministre issu des rangs des députés sunnites pro-8 Mars. « N’ayez crainte pour le gouvernement car il va naître, mais inquiétez-vous du temps qui a été perdu », a lancé M. Bassil lors d’un dîner des pharmaciens affiliés au CPL. « Nous avons commencé à œuvrer pour régler le nœud sunnites-chiites, et la solution commence par le retour aux critères définis et au principe selon lequel personne ne peut accaparer la représentation d’une communauté », a-t-il ajouté.Les propos de M. Bassil sont intervenus à l’issue d’une journée au cours de laquelle les députés sunnites du 8 Mars avaient été reçus par le chef de l’État, tandis qu’on apprenait, parallèlement, que le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, habitué des médiations, avait quitté Beyrouth pour Paris, où il doit s’entretenir avec M. Hariri du dossier du « nœud sunnite ». Aucun communiqué n’a cependant confirmé cette information.
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Cartes brouillées
La déclaration de M. Bassil a un peu brouillé les cartes, à la fin d’une journée où, avec beaucoup d’assurance, les députés sunnites pro-8 Mars avaient affirmé depuis Baabda, où ils étaient reçus par le président Michel Aoun, que « la seule et unique solution au dernier nœud qui empêche la formation d’un nouveau cabinet est que l’un de nous entre au gouvernement ».
Avec la même assurance, que le chef de l’État n’avait en rien encouragée, le porte-parole de la délégation sunnite, Abdel Rahim Mrad, avait affirmé: « Nous avons demandé au président Aoun d’essayer de convaincre Saad Hariri de revenir sur sa position. » M. Mrad s’exprimait au nom d’une délégation, qui comprenait en outre Fayçal Karamé, Walid Succariyé, Kassem Hachem, Jihad Samad et Adnan Traboulsi. « Le président Aoun comprend notre point de vue et a appelé à ce que cette question soit traitée dans le calme », a-t-il ajouté.
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Comprendre n’est pas approuver
De source proche de la délégation, on rapportait cependant en privé que l’entretien a été « poli, mais plutôt sec », et que les députés, malgré leur assurance, n’ont pas obtenu du chef de l’État plus que la promesse qu’il transmettra leur demande au Premier ministre désigné.
Selon notre correspondante au palais présidentiel, Hoda Chédid, l’attitude du président de la République au cours de l’entretien avec les six députés se résume en une phrase : « Comprendre n’est pas approuver. »
On rappelle que les six députés affirment comptabiliser à eux six 30 % des voix sunnites, et réclament leur droit à être représentés par un ministre, oubliant qu’ils relèvent, chacun, d’une mouvance politique bien définie, et qu’ils sont, par conséquent, dûment représentés par le bloc auquel ils appartiennent.
C’est exactement ce que leur a répondu le chef de l’État, précisant que lors des consultations précédant la désignation de M. Hariri, ils s’étaient présentés à lui en ordre dispersé, Fayçal Karamé et Jihad el-Samad avec le bloc des Marada, Walid Succariyé avec celui du Hezbollah, Kassem Hachem avec le bloc de M. Berry et Adnan Traboulsi avec les Ahbache, sur la liste du Hezbollah à Beyrouth. Par ailleurs, le président a détrompé M. Mrad en affirmant que le chef druze Talal Arslane a obtenu d’être représenté au gouvernement parce qu’il avait rejoint le bloc du CPL avant les élections législatives, ce qui n’est pas le cas des députés sunnites du 8 Mars.
Du reste, selon le courant du Futur, les votes préférentiels obtenus par ces députés sont loin de représenter 30 % des voix sunnites, comme ils le prétendent, et ne représentent au mieux que 8,9 % de la totalité des votes préférentiels sunnites. On rappelait aussi, de source informée, que de grandes et moins grandes pointures de la communauté sunnite comme Nagib Mikati, Oussama Saad, Bilal Abdallah et Fouad Makhzoumi ont refusé d’entrer dans les calculs du bloc des députés sunnites du 8 Mars.
Forts de l’appui du Hezbollah, ces derniers ont insisté pour être représentés par l’un d’eux, refusant que toute autre personnalité les représente.Aux membres de la délégation qui se sont dit prêts à s’entretenir de leur cas avec M. Hariri, l’un des membres de son bloc, Moustapha Allouche, devait déclarer à L’Orient-Le Jour que ce dernier, qui se trouve à Paris depuis la fin de la semaine dernière, et qui a reçu sur ce point le soutien tacite du chef de l’État, n’envisage pas de les recevoir, et ne voit aucune raison pour que ces députés soient représentés deux fois, une fois en leur qualité de sunnites et une autre en leur qualité de membres de divers courants, blocs et partis. Ce serait bâtir un Sénat et non plus former un gouvernement, a-t-on fait valoir dans les milieux gouvernementaux. On va même, dans ces milieux, jusqu’à caricaturer leurs prétentions, en affirmant qu’il y a 18 députés chrétiens du Parlement qui peuvent être considérés comme des électrons libres, et qui pourraient suivre leur exemple et réclamer à leur tour un ou plusieurs sièges gouvernementaux.
De source bien informée, on apprenait aussi en soirée que les députés sunnites du 8 Mars ont l’intention d’expliciter leur position au chef de l’Église maronite. Toutefois, le patriarche Raï est en ce moment engagé dans le suivi des travaux d’une nouvelle institution patriarcale à vocation économique et sociale, et pourrait ne pas être libre pour les recevoir.
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commentaires (11)
CES MESSIEURS SONT ROULENT POUR BACHAR ÇA C'EST CLAIR, MAIS DE L'AUTRE CÔTÉ HARIRI ET LES AUTRE ROULENT POUR QUI ? POUR LE CÈDRE ? LES ALLÉES/RETOURS DE HARIRI VERS L'ARABIE SAOUDITE C'EST POUR LE LIBAN ?
Gebran Eid
16 h 29, le 10 novembre 2018