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À La Une - Arabie saoudite

Riyad face au meurtre de Khashoggi : de la dénégation à l'aveu

Retour sur les différentes versions saoudiennes concernant la mort du journaliste dissident dans le consulat saoudien à Istanbul.


"Où est Khashoggi ?". Photo prise lors d'une manifestation pour des sanctions contre l'Arabie saoudite, le 19 octobre 2018, devant la Maison Blanche, à Washington. REUTERS/Leah Millis/File Photo

Il aura fallu 17 jours pour que Riyad finisse par admettre, dans la nuit du 19 au 20 octobre, que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, critique du pouvoir saoudien et exilé aux Etats-Unis, avait été tué à l'intérieur du consulat du royaume à Istanbul, niant dans le même temps toute préméditation. Malgré cet aveu, beaucoup de questions restent sans réponses ce qui a poussé l'ONU, plusieurs pays et ONG, à réclamer une enquête approfondie. 

Le président turc Recep Tayyip Erogan a, lui, promis de révéler "toute la vérité" sur la mort de Khashoggi. A la veille de cette intervention très attendue, retour sur la gestion par les autorités saoudiennes de cette affaire, depuis l'annonce de la disparition M. Khashoggi le 2 octobre à Istanbul.


Dénégation
Le 3 octobre, c'est la Turquie qui annonce qu'un journaliste saoudien critique du pouvoir de Riyad est porté disparu depuis plus de 24 heures. C'est à dire depuis qu'il est entré dans le consulat de son pays à Istanbul où il s'était rendu pour des démarches administratives en vue de son mariage. Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, affirme que le journaliste, "se trouve toujours à l'intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul". Mais le lendemain, l'Arabie saoudite affirme que Jamal Khashoggi a quitté le consulat. "Nous n'avons rien à cacher", assure, le 5 octobre dans un entretien à l'agence Bloomberg, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. "Il est entré et est ressorti après quelques minutes ou une heure. Je ne suis pas sûr", dit MBS. Deux jours plus tard, le consulat saoudien dément sur son compte twitter les informations "dénuées de fondement" selon lesquelles le journaliste y aurait été tué. 

Le 13 octobre c'est au tour du ministre saoudien de l'Intérieur de démentir les allégations qui "circulent sur des ordres pour tuer le journaliste dissident Jamal Khashoggi", dénonçant dans une déclaration officielle des "mensonges sans fondement". Le prince Abdel Aziz ben Saud ben Nayef, cité par l'agence officielle SPA, assure que son pays est "attaché à ses traditions de respect des règles et des conventions internationales".






L'annonce officielle
A partir de là, la pression ne cesse de croître sur Riyad. Alors que les médias turcs distillent chaque jour des informations de sources anonymes décrivant, par le détail, comment M. Khashoggi aurait été tué au sein du consulat,plusieurs pays exhortent Riyad à lever le mystère sur cette affaire. Après de multiples dénégations de toutes les informations circulant quant à une implication saoudienne, coup de tonnerre : dans la nuit du 19 au 20 octobre, le procureur général Saoud al-Mojeb, cité par l'agence de presse officielle saoudienne SPA, confirme la mort de Jamal Khashoggi. "Les enquêtes préliminaires sur la disparition du citoyen Jamal Ben Ahmad Khashoggi ont montré que les discussions entre lui et les personnes qui l'ont reçu alors qu'il se trouvait au consulat du royaume à Istanbul ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing, ce qui a conduit à sa mort", affirme Saoud al-Mojeb. Il ne précise toutefois pas où se trouvait le corps de M. Khashoggi.

Un haut responsable du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, et un important conseiller à la cour royale, Saoud al-Qahtani, deux proches collaborateurs du jeune et puissant prince héritier, surnommé MBS, sont destitués. Dix-huit suspects sont arrêtés, tous Saoudiens, précise le parquet.


(Lire aussi : Khashoggi: qui sont les deux hauts responsables saoudiens limogés?)



"Étranglement"
Si le procureur général parle d'"une rixe à coups de poing", le directeur d'un centre de réflexion proche du pouvoir saoudien, Ali Shihabi, affirme que M. Khashoggi est mort étouffé des suites d'un "étranglement". "J'ai compris d'une source saoudienne haut placée que Jamal Khashoggi est décédé d'un étranglement au cours d’une altercation physique, et non d’une rixe à coups de poings, qui a été mal traduite par les médias étrangers", écrit Ali Shihabi, le 20 octobre, sur son compte twitter. 





Une nouveau récit détaillé
Le lendemain, une source saoudienne haut placée donne une version détaillée à l'agence Reuters qui diffère en plusieurs points des premières explications données par Riyad. D'après le nouveau récit, une équipe de 15 agents saoudiens a été mise sur pied par le directeur adjoint de la Direction générale du renseignement, Ahmed al-Assir pour rencontrer Khashoggi au consulat et s'efforcer de le convaincre de rentrer en Arabie saoudite. Le commando prévoyait d'enfermer Khashoggi dans un lieu sûr à l'extérieur d'Istanbul "pendant une certaine période de temps" mais de le relâcher si ce dernier persistait à refuser de revenir dans le royaume. 

Jamal Khashoggi a été conduit dans le bureau du consul général où un agent nommé Maher Moutreb a tenté de le convaincre de rentrer en Arabie. Khashoggi a déclaré à Moutreb qu'il violait les règles diplomatiques et ajouté : "Qu'allez-vous faire de moi ? Avez-vous l'intention de me kidnapper ?" Maher Moutreb aurait répondu, selon la source interrogée par Reuters : "Oui, nous allons vous droguer et vous kidnapper." Khashoggi a alors élevé la voix et l'équipe a paniqué. Les agents ont tenté de le maîtriser en lui faisant une clé d'étranglement, a déclaré le haut responsable. "Ils ont essayé de l'empêcher de crier mais il est mort. Ils n'avaient pas l'intention de le tuer".

Il a alors été roulé dans un tapis et confié à un "coopérateur local" chargé de s'en débarrasser. Il s'agit d'un habitant d'Istanbul, indique-t-il refusant de préciser sa nationalité. L'un des membres de l'équipe spécialisé en médecine légale, Salah Tubaigy, a tenté d'effacer toute trace de l'incident, a encore expliqué le haut responsable saoudien tout en indiquant que "les résultats préliminaires de l'enquête n'indiquent pas que Jamal Khashoggi a été torturé et décapité".


(Lire aussi : Pourquoi l’affaire Khashoggi est loin d’être terminée)


Un membre de l'équipe, nommé Moustafa Madani, a, lui, enfilé les vêtements de Khashoggi, emprunté ses lunettes et sa montre Apple puis quitté le consulat par une porte de derrière afin de faire croire que le journaliste était bien sorti du bâtiment. Les agents ont ensuite rédigé un faux rapport à leurs supérieurs en disant avoir autorisé Khashoggi à quitter le consulat car il menaçait de prévenir les autorités turques.

Cette dernière version en date des autorités saoudiennes ne répond toujours pas à la question de savoir pourquoi tant d'agents, parmi lesquels des officiers de l'armée et un expert en médecine légale, faisaient partie de l'opération, si celle-ci n'était destinée qu'à tenter de convaincre le journaliste de rentrer dans son pays.


La réaction de Jubeir 

Enfin, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir réagit, dimanche en affirmant "ne pas savoir où se trouve le corps" du journaliste, qualifiant sa mort d'"erreur monumentale". "Nous avons découvert qu'il a été tué au consulat. Nous ne savons pas comment, dans le détail. Nous ne savons pas où se trouve le corps", déclare le chef de la diplomatie saoudienne, depuis Riyad, dans un entretien à la chaîne américaine Fox News. "Les individus qui ont fait cela l'ont fait en dehors du champ de leurs responsabilités. Une erreur monumentale a été faite, qui a été aggravée par la tentative de la cacher", ajoute M. al-Jubeir, assurant que MBS n'était "pas informé" de l'opération, non-autorisée par le pouvoir.


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commentaires (2)

MBS n’y est pour rien c’est mon avis mais juste pour remettre les choses dans le bon ordre ... au moins l’arabie Saoudite le reconnaît ... la Syrie elle n’a rien reconnu même si les preuves l’accablait De A a Z

Bery tus

18 h 32, le 22 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • MBS n’y est pour rien c’est mon avis mais juste pour remettre les choses dans le bon ordre ... au moins l’arabie Saoudite le reconnaît ... la Syrie elle n’a rien reconnu même si les preuves l’accablait De A a Z

    Bery tus

    18 h 32, le 22 octobre 2018

  • UNE HISTOIRE POUR NIAIS. MAIS ATTENDONS LA REVELATION COMPLETE DES FAITS POUR SAVOIR LES RESPONSABILITES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 10, le 22 octobre 2018

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