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Lifestyle - Patrimoine

Le musée Nabu : 300 battements de cœur sur 1 500m2

Le chef d’orchestre de ce projet, l’homme d’affaires Jawad Adra, assure à « L’OLJ » que « la provenance des pièces est certifiée et bétonnée ».

La magnifique façade du musée Nabu.

Il avait brisé un tabou en publiant sa collection de stèles funéraires phéniciennes, en 2014. Aujourd’hui, Jawad Adra récidive en exposant 300 pièces archéologiques, qui font partie d’un ensemble riche de 2 000 objets témoins d’un passé plurimillénaire. Il fallait un lieu pour stocker cette collection. Ça sera le musée Nabu, dont le coût s’élève à plus de huit millions de dollars.

Baptisé du nom du dieu mésopotamien du savoir et de l’écriture, il est posé en bord de mer, sur un terrain de 2 500 mètres carrés. En forme de cube, sa magnifique structure en acier brun roux à motifs abstraits a été réalisée d’après un dessin de l’artiste irakien Dia Azzaoui. Seule sa façade arrière exclusivement en verre s’ouvre sur le large, l’horizon. C’est là, sur une surface de 1 500 mètres carrés, que sont exposées 300 pièces antiques. Cette sélection ne révèle pas toutes les merveilles amassées par M. Adra, dont la collection compte 2 000 objets provenant de l’ensemble du bassin méditerranéen, et comprenant la collection de Moshe Dayan achetée lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à New York. Le général borgne était un orfèvre en la matière et un grand passionné : « Quand je commence à fouiller, je me trouve en transe, je découvre des objets qui ont été utilisés par nos ancêtres et cela m’émeut profondément », dit-il, dans Les 18 qui ont fait Israël, un livre de Freddy Eytan publié en 2007 aux éditions Alphée. Il y a aussi les 66 stèles funéraires du premier millénaire avant J.-C. exhumées au Liban-Sud. Un trésor d’autant plus précieux que seulement une centaine de ces pierres tombales ont été découvertes à ce jour, alors que les stèles puniques se comptent par milliers. Ces stèles ont fait l’objet d’un ouvrage paru aux éditions Kutub, présenté par deux spécialistes : Gaby Abousamra, professeur à l’UL et membre de l’équipe de recherche sur le monde ouest-sémitique ancien de l’UMR 7192 (Collège de France), et André Lemaire, épigraphiste et historien du Levant ancien, et membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles lettres.

M. Adra promet de révéler ses autres réserves. « Chaque année ou tous les six mois sera l’occasion de remettre en lumière une nouvelle sélection », précise-t-il, interrogé par L’Orient-Le Jour.


Un cortège de statuettes votives
En attendant, les salles de Nabu offrent leur lot de merveilles. Modelées dans l’argile et peintes de lignes horizontales, des figurines féminines nues aux formes voluptueuses, assises, les bras repliés autour de leur poitrine volumineuse, qu’on aurait pu confondre avec les femmes de Botero. Mais on les appelle les idoles de fertilité. Elles proviennent de Tell Halaf, au nord de la Syrie, à la frontière turque, et datent du VIe millénaire avant J.-C. Leur voisine est une figurine syro-hittite à deux têtes (terracotta, fin du IIIe début IIe millénaire avant J.-C.) ; de la même période, sculptée toutefois dans la pierre calcaire, une statuette anthropomorphe dont la silhouette aux larges hanches est surmontée de larges yeux. C’est l’idole à lunettes de Tell Brak en Syrie, un des sites les plus étendus et les plus importants de la Mésopotamie, où l’archéologue anglais Max Mallowan, époux d’Agatha Christie, a mis au jour entre 1936 et 1939 un temple à offrandes datant du IVe millénaire, qui a livré plus de deux cents figurines aux larges yeux. Non loin, une Dea Gravida en terrottaca, remontant à l’âge du fer et une statue d’une jeune fille amputée de ses deux bras (âge du fer II). Une autre déclinant son un mètre cinquante est plus chanceuse : elle a gardé sa main levée inlassablement depuis le VII-VIe siècle avant J.-C.

Provenant toujours des sites du Proche-Orient ancien, une profusion de témoignages issus de différentes civilisations antiques, comme le dieu Baal en bronze décoré de feuilles d’argent (18 centimètres de hauteur, bronze tardif) ; la tête d’un Babylonien âgé de 2 250 ans avant J.-C. ; la statuette romaine en bronze qui met en scène Aphrodite et Éros ; la Yéménite en albâtre du IIIe millénaire ; ou le relief funéraire de Palmyre représentant des personnages à un banquet (calcaire, 1er siècle avant J.-C). Ou encore ce cortège d’Oushebtis égyptiens en faïence vert turquoise, d’époque ptolémaïque (323 à 30 avant J.-C.). Ces petites statuettes funéraires finement ciselées étaient déposées dans les tombes pour servir le mort dans l’au-delà.

Au menu également, une magnifique collection de tablettes cunéiformes; des céramiques grecques à figures noires, ou rouges ; un kylix attique pour la dégustation du vin (Ve siècle avant l’ère chrétienne) ; des amphoriskos (du grec petite amphore) pour parfum ou huile de toilette (1550-1200 avant J.C.), ainsi qu’une collection de céramiques islamiques datant du XIVe et XVIe siècles. La liste est longue. Il y a toutefois un gros hic : rares sont les précisions sur les lieux de fouille où ont été découvertes les pièces.


Entrée gratuite
Le Nabu n’abrite pas uniquement des objets archéologiques. Le nouveau temple propose aussi une plongée dans un siècle de peinture et de sculpture. Les cimaises offrent une très belle sélection d’œuvres libanaises et arabes allant de Khalil Gibran à Katia Traboulsi, en passant par Saliba Doueihy, Moustapha Farroukh, Chaker Hassan al-Saïd, Yvette Achkar, Chafic Abboud, Paul Guiragossian, Hélène el-Khal, Adam Honein, Louaï Kayali, Amine el-Bacha, Fateh al-Moudarress, Mahmoud Hamad, Ismaïl Fattah, Samir Sayegh, Jamil Molaeb, et d’autres.

L’initiateur du projet est l’homme d’affaires Jawad Adra, cofondateur et directeur d’Information International SAL, cabinet en conseil de gestion, de services d’information et de documentations thématiques, éditeur du magazine The Monthly, et président de l’Association de développement social et culturel INMA. L’homme a travaillé dans les pays de la péninsule Arabique avant de s’installer au Liban à la fin de la guerre civile. Avec ses partenaires Badr el-Hage et Fida Jdeed, il a concrétisé un rêve caressé depuis longtemps : « Créer une institution tournée vers les arts et l’archéologie, et partager ma collection avec le public. » M. Adra, qui a bénéficié d’un soutien sans faille du ministre sortant de la Culture Ghattas Khoury, assure que « la provenance des pièces est certifiée et bétonnée. Avant l’acquisition de ces antiquités, nous avons mené des enquêtes dans les diverses listes rouges (Interpol, Unesco) pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un objet volé ou issu de pillages. Toutefois, nous restituerons tout objet revendiqué par un pays, si celui-ci prouve qu’il lui appartient, et sans réclamer de compensation financière ». Il assure de même que sa collection a été « portée à la connaissance de la communauté scientifique et de la Direction générales des antiquités, avec laquelle nous entretenons de bonnes relations », et conclut en précisant bien que l’entrée au musée Nabu est gratuite.


*Le musée se situe dans la localité d'el-Heri, dans le caza de Batroun, au Liban-Nord. Il est ouvert au public de mercredi à dimanche, de 10 à 19 heures.


NDLR : L'article a été édité le 15 octobre à 10h47.


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commentaires (8)

"متحف" يارض قطع مسروقة من لبنان، سوريا، اليمن، العراق ومصر. يرجى التحقق من المعلومات قبل نشر هكذا مقالات. وشكراً

Nelly Abboud

16 h 43, le 01 décembre 2018

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Commentaires (8)

  • "متحف" يارض قطع مسروقة من لبنان، سوريا، اليمن، العراق ومصر. يرجى التحقق من المعلومات قبل نشر هكذا مقالات. وشكراً

    Nelly Abboud

    16 h 43, le 01 décembre 2018

  • TRES INTERESSANT A VISITER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 57, le 15 octobre 2018

  • Le musée a l'air très intéressant mais le bâtiment c'est de l'architecture à motifs abstraits qui ne me plaît pas. C'est dommage de voir que l'architecture semble regresser et de nos jours on construit des choses bizarres d'édifices. C'est aussi un phénomène internationnal, ca serait injuste de dire que c'est la faute de ce cas spécifique. Enfin cette architecture contemporaine ne me plaît pas mais il faut avouer que la belle architecture du Liban (les vieux maisons) c'était peut être aussi considéré comme laid à leur époque. L'ironie c'est ici qu'on met maintenant des objets de l'antiquité dans un cube abstrait ...

    Stes David

    12 h 35, le 15 octobre 2018

  • le site du musee aurait du etre mentionne dans le titre de l'article!!!! ...

    Bibette

    12 h 00, le 15 octobre 2018

  • J'ai hâte de le visiter. Il me semble que l'adresse du musée manque dans l'article: El-Heri, Qada’ Al-Batroun, Tel : (+961) 6 541 341,

    Shou fi

    09 h 46, le 15 octobre 2018

  • Dommage que cet article ne mentionne pas l’adresse de cet endroit apparemment magnifique dont ...l’entrée est gratuite. C:est, malheureusement, souvent le cas dans les articles de l’Orient Le Jour.

    Georges BEKHAZI

    08 h 42, le 15 octobre 2018

  • Excusez moi mais..... il est où ce musee ? Au Liban?

    Marie-Hélène

    08 h 04, le 15 octobre 2018

    • Chers lecteurs, merci pour vos commentaires et votre fidélité. L'adresse du musée a été ajoutée en bas de l'article. Bien à vous

      L'Orient-Le Jour

      10 h 54, le 15 octobre 2018

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