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Liban - Patrimoine

Les sculptures d’Echmoun, volées pendant la guerre, font leur entrée en grande pompe au musée de Beyrouth

Le Liban récupère en grande pompe les cinq pièces archéologiques restituées par les autorités américaines.

Les cinq sculptures restituées après leur vol en 1981. Photo Michel Sayegh

Grande cérémonie hier au musée national de Beyrouth, où le Liban a récupéré cinq pièces archéologiques d’une valeur inestimable volées pendant la guerre civile et qui se trouvaient aux États-Unis et en Allemagne. Le ministre de la Culture, Ghattas Khoury, l’ambassadrice des États-Unis au Liban Elizabeth Richard, le colonel Matthew Bogdanos du bureau du procureur du district de Manhattan à New York, expert de renommée mondiale dans la lutte contre le trafic des antiquités, ainsi que l’archéologue suisse Rolf Stucky ont tenu une conférence de presse pour l’occasion. La manifestation a revêtu un caractère exceptionnel, puisqu’elle a réuni les ambassadeurs de Chine, du Japon, de Suisse, d’Italie, de France, ainsi que les membres de la Fondation du patrimoine, présidée par Mouna Hraoui, un grand nombre d’archéologues et les membres de la presse. 

Datant de diverses périodes, ces pièces archéologiques proviennent du sanctuaire phénicien d’Echmoun, situé à trois kilomètres au nord-est de Saïda. Elles font partie d’un lot de 600 objets archéologiques mis au jour dans les années 60 et 70 par le Français Maurice Dunand. Tous ont été dérobés en 1981 du dépôt de la Direction générale des antiquités à Byblos, et écoulés sur les marchés européens.


« Attention particulière » 

Rolf Stucky a présenté ces sculptures qu’il connaît comme sa poche. C’est lui, en effet, qui a publié les fouilles de Dunand et documenté les objets par des fiches et des photos pour faciliter leur identification par Interpol. Elles sont toutes sculptées dans du marbre importé de Grèce. Tout d’abord, une tête de taureau qui a fait couler beaucoup d’encre dans nos colonnes depuis juillet 2017. L’objet prêté par un couple de collectionneurs américains était exposé au Metropolitan Museum de New York. C’est l’un des conservateurs du Met qui s’est rendu compte de la provenance potentiellement douteuse de la tête et a alerté le musée et les autorités libanaises, qui ont affirmé que l’objet, originaire du temple d’Echmoun, avait été dérobé en 1981 de l’entrepôt de Jbeil. La tête du taureau a été saisie par les services du procureur de Manhattan, Cyrus Vance Jr. 

Datant du VIe siècle avant J.-C., la statue rapatriée avec la tête du taureau a été retrouvée chez le même couple américain, en octobre dernier. Elle représente une figure masculine vêtue d’un chiton transparent (tunique de la Grèce antique), qui tient un veau dans sa main gauche, probablement une offrande au dieu guérisseur Echmoun. À L’Orient-Le Jour, Stucky affirme que cette statue « sculptée à la grecque n’a pas sa pareille au Liban. Elle mérite une attention particulière ». Cette pièce a été identifiée dans un article consacré à la maison du couple par le magazine House & Garden, en juin 1998. 


(Pour mémoire : Retour de trois œuvres phéniciennes précieuses : le happy end d’une âpre bataille juridique et sécuritaire)


Une autre sculpture, datant du IVe siècle avant J.-C. et exhumée en 1972, évoque le corps athlétique d’un mâle nu. Le Art Loss Register (registre des œuvres d’art perdues), grande base de données contenant les informations sur les œuvres d’art et les antiquités, qui joue un rôle important dans la restitution d’objets volés, auprès des collectionneurs, galeries, assureurs et différents corps policiers, a signalé à la DGA la présence de cette œuvre dans une collection privée new-yorkaise. Le ministère libanais de la Culture a alerté le bureau du procureur de New York. 

C’est également grâce au Art Loss Register qu’a été retrouvé le torse (Ve siècle avant J.-C.) d’un autre athlète nu dont la musculature est traitée en une masse épaisse, qui suggère l’imminence du mouvement. Il a été repéré suite à un coup de fil d’une galerie berlinoise à ALR, qui voulait s’assurer que la sculpture proposée par un vendeur n’était pas inscrite sur la liste rouge. 


SOS Dunand 

Last but not least, la statue votive d’un enfant (Ve siècle avant notre ère) découverte en 1964. Elle a été tout récemment saisie au port de Tripoli par les inspecteurs des douanes. Selon l’archéologue Stucky, la sculpture reposait sur un socle sur lequel est gravée en phénicien une supplique au dieu guérisseur Echmoun. Mais l’assise semble avoir disparu. 

Prenant à son tour la parole, le colonel Matthew Bogdanos a affirmé qu’il mènera jusqu’au bout sa lutte contre le trafic illicite des antiquités. « Le pillage du patrimoine mondial est une tragédie et le commerce de vestiges volés constitue un crime », a-t-il dit, incitant à la vigilance les musées, maisons de ventes aux enchères, marchands et collectionneurs. « Agir autrement, c’est tolérer implicitement une pratique criminelle, destructrice, qui dégrade l’intégrité des sites historiques et le patrimoine de l’humanité », a-t-il ajouté. Il a exhorté tout citoyen à s’élever en rempart contre tout acte de destruction du patrimoine en aidant les autorités concernées à identifier et récupérer les biens culturels. « Nous espérons également travailler en étroite collaboration avec nos partenaires dans l’application de la loi internationale, et avec les gouvernements étrangers en vue de nous assurer que ces articles seront restitués à leurs propriétaires légitimes », a-t-il noté. 

De son côté, l’ambassadrice des États-Unis Elizabeth Richard a rendu hommage aux efforts déployés au fil des ans par les fonctionnaires du ministère libanais, les responsables de la Direction des antiquités, mais aussi l’armée, les services de sécurité et les douaniers, pour avoir réussi à saisir de nombreux objets archéologiques provenant de Syrie et d’Irak, et de les avoir conservés dans des lieux sûrs avant de les remettre à leur pays d’origine. 

Pour conclure, le ministre Ghattas Khoury a remercié vivement les autorités américaines et l’ambassadrice des États-Unis, le procureur de New York et son équipe, le ministère libanais des Affaires étrangères, ainsi que le bureau d’avocat Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, Art Loss Register et Rolf Stucky, pour leur coopération et leur appui qui ont permis d’aboutir à la restitution des cinq précieuses pièces. Il a enfin rappelé la campagne intitulée « Notre patrimoine n’est pas à vendre », qu’il avait lancée récemment avec l’Unesco et qui vise à s’opposer au trafic illicite d’antiquités.



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