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Culture - Événement

Le plus vieux musée du Liban célèbre ses 150 ans

Une salle du musée après son lifting en 2006.

Mercredi 31 janvier, le musée archéologique de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), troisième plus ancien musée du Proche-Orient, fêtera ses 150 ans. Rien que cela...

Si l’honorable révérend Daniel Bliss revenait sur Terre, il serait très étonné par les proportions importantes prises par l’institution muséale de l’université. Alors que tout a commencé par un lot de poteries offert en 1868 par le consul américain à Chypre, le général Luigi Palma di Cesnola, les collections du musée constituent aujourd’hui un véritable trésor : une synthèse de toute la culture de l’Orient ancien : Irak, Iran, Syrie, Phénicie, Chypre, Égypte et Palestine, depuis la préhistoire jusqu’à la période islamique. 

Les premières pièces archéologiques étaient conservées dans une salle du College Hall, premier bâtiment construit sur le campus. La salle abritait également les collections d’histoire naturelle, qui regroupent des variétés botaniques et zoologiques, une importante collection de spécimens d’insectes, ainsi que des moulages d’éléphant et de dinosaure. En 1870, 24 bustes funéraires de Palmyre, datant des Ier et IIe siècles de l’ère chrétienne, intègrent la collection. Puis, au fil des années, sont venues s’ajouter des acquisitions et autres donations par des institutions ou des privés. Ainsi, il devenait urgent de consacrer un véritable local à ces précieuses antiquités. L’administration de l’AUB décide alors de construire le bâtiment Post Hall où se posera le musée. C’était en 1902. Plusieurs conservateurs, sorte de gardiens du temple, vont se succéder au Post Hall. On retiendra de cette liste Harold Nelson (1922-1927), deuxième conservateur et égyptologue, qui enrichira la collection égyptienne du musée. Et entre 1931 et 1938, Harald Ingholt, quatrième conservateur, a acquis 1 300 objets de la collection George Ford, issus des fouilles de Aïn el-Heloué. Parmi lesquels une pièce considérée « comme le plus ancien exemple connu des techniques de soins dentaires » : une mâchoire avec son bridge de plusieurs dents reliées par un fil d’or, retrouvée dans une tombe du Ve siècle avant J.-C.






Les shekels de Judas
Siégeront à leur tour au Post Hall Mrs Bayard Dodge (la fille de Daniel Bliss) qui, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, emballe les objets archéologiques dans des caisses pour les mettre à l’abri, ou encore Dorothy Mackay (1948-1951), qui les déballera à la fin de la guerre et en publiera un catalogue en 1951. Il faut toutefois attendre l’archéologue et numismate Dimitri Baramki, qui officiera au musée de 1951 à 1975, pour agrandir l’espace, rénover les vitrines et renvoyer les collections d’histoire naturelle vers un bâtiment du Lower Campus. Signalons au passage qu’au cours de ce déménagement, la maquette du dinosaure s’est cassée en plusieurs morceaux. Le mandat de Baramki est également lié à des achats de vestiges importants et à des échanges avec les musées d’Irak et d’Égypte, qui ont permis de doter l’établissement d’un ensemble d’artefacts et de pièces appartenant aux civilisations régionales.
En 1966, à l’occasion des cent ans de cette institution, le numismate publie un catalogue consacré aux monnaies anciennes exposées au musée, et qui ne représentent qu’une partie de sa très riche collection de 10 000 pièces, parmi lesquelles 30 shekels en argent. Selon les spécialistes, ces pièces sont identiques à celles reçues par Judas pour trahir Jésus-Christ. Par ailleurs, Barmaki donnera les premiers coups de pioche en investissant Tell el-Ghassil, en 1956. Le site, situé dans la ferme de l’université, à 16 km au sud-ouest de Baalbeck, a fait l’objet de 12 campagnes de fouilles archéologiques. Il sera relayé entre 1972 et 1974 par l’archéologue et directrice actuelle du musée, Leila Badre.


(Lire aussi : La plus grande collection au monde de sarcophages anthropoïdes désormais à Beyrouth)


Le grand tournant …
Leila Badre, qui tient les rênes du musée depuis 1976, incarne une nouvelle génération de conservateurs. Dotée d’une approche moderne de cette discipline, elle a tenu à la faire partager autour d’elle, en lançant des séries d’activités, allant des conférences aux expositions à thèmes, en passant par les excursions au Liban et en Syrie, les programmes spécialisés pour enfants et les voyages archéologiques. En 1980, elle crée la société des Amis du musée de l’AUB, dirigée tour à tour par Hoda Khoury, Josette Kettaneh, Rima Schéhadé, May Richani, Samir Tabet, Nora Joumblatt et l’actuel président Nabil Nahas. À tous, on doit un grand nombre d’expositions plébiscitées par le public, comme « La calligraphie dans le monde arabe et islamique », à laquelle avait participé la reine de Jordanie Noor al-Hussein, invitée par Leila Badre et May Richani ; « La naissance de l’écriture », avec la collaboration du musée du Louvre (1985) ; « Les bijoux : ornements et amulettes », prêtés par les musées de Damas et de Jordanie ; « Ariche, ou le jeune Phénicien de Birsa/Carthage (VIe siècle avant J.-C.) », dont le squelette a été exhumé en 1994 dans une chambre funéraire et dont la dermoplasticienne française Élisabeth Daynès, spécialiste de la reconstitution de personnages, a restitué la forme humaine la plus proche de sa réalité.
Dans la panoplie des événements qui ont dopé la fréquentation du musée, s’inscrivent aussi et surtout les conférences données par des sommités internationales et libanaises. Dans ce cadre, le musée a accueilli Paolo Matthiae (Ebla), Jean-Claude Margueron (Mari), Michel Eddé (les monnaies), Jean-Paul Thalman (Tell Arqa), Sami Karkabi (le Yémen), Rolf Stucky (Echmoun), David Whitehouse (le verre), ainsi que Nina Jidejian et Helen Sader, pour ne citer que quelques noms.
Au cours des décennies, Andrée Fattal, Maud Khayat, Jacqueline Ayoub, Antonia Kanaan, Claude Issa et aujourd’hui Anne Adaïmi ont été chargées d’organiser des voyages archéologiques pour les amis du musée. Au programme, des visites guidées loin des chemins battus en Chine, en Birmanie, au Vietnam, au Mexique, au Yémen, en Éthiopie, dans le désert égyptien, les pays baltiques, etc. Les récits de ces voyages sont relatés dans la Newsletter, publication biannuelle du musée.

Les grands chantiers
Entre-temps, Leila Badre, qui rêvait de donner fière allure au musée en lui offrant un système de contrôle de l’humidité et de la température, un nouvel éclairage et une muséographie moderne, lance au début des années 2000 une campagne de collecte de fonds pour réaliser ce grand projet, qui inclura aussi la boutique ouverte en 1981. Les travaux sont confiés à l’architecte et designer Nada Zeineh. Le 2 juin 2006, le musée inaugure en grande pompe ses nouvelles salles d’exposition et sa mezzanine dotée d’un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite. Près de quatre mille objets, regroupés suivant un ordre chronologique et thématique, sont exposés dans 74 vitrines. La collection fournit une vue d’ensemble des civilisations anciennes et couvre des pays allant de Chypre à l’Iran, à travers plusieurs millénaires, c’est-à-dire depuis la préhistoire jusqu’à la période islamique. Fiches explicatives, illustrations et système audio relatent la fascinante histoire de chaque objet. 

La rénovation du musée ne sera pas le seul chantier de Mme Badre. La directrice du musée va remuer des siècles de poussière en investissant un nombre de sites avec son équipe. Une aventure scientifique qui les mènera à Tell Khazel, en Syrie, mais aussi au centre-ville de Beyrouth, où ils ont exhumé le tell ancien et son fameux glacis phénicien, conservé sur sept mètres de haut et 160 mètres de long. Une importante découverte qui apportera un éclairage nouveau sur la présence des Phéniciens à Beyrouth. Ces archéologues occupent ensuite le site Beyrouth 125, où se dresse actuellement l’immeuble d’an-Nahar, avant d’entreprendre des fouilles à la cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes, au centre-ville. Là, leurs travaux ont révélé huit couches d’occupation, et les vestiges de six églises successives, dont les vestiges ont été conservés dans un magnifique musée/crypte sous la cathédrale. Et à Tyr, Mme Badre et son équipe ont mis au jour le premier temple phénicien et un autre sanctuaire hellénistique.
Des siècles d’histoire sortis de l’oubli...


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commentaires (3)

Je n'ai pas compris comment ils ont fait durant la guerre?

Eleni Caridopoulou

13 h 08, le 29 janvier 2018

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Commentaires (3)

  • Je n'ai pas compris comment ils ont fait durant la guerre?

    Eleni Caridopoulou

    13 h 08, le 29 janvier 2018

  • L'apport culturel et éducatif de l'université américaine à notre pays n'est plus à démontrer, il est incontestablement le plus fertile et le plus dynamique de la région, C'est avec une grande joie et une grande émotion, que je découvre la rénovation du musée de l'UAB c'est certainement un évènement d’une grande portée culturelle, politique et "moral", au vu de son importance, c'est un patrimoine à préserver jalousement, respectueusement pour les transmettre aux futures générations. C'est un lieu qui manifeste un autre regard sur le génie des peuples et des civilisations de la région et d'orient et particulièrement phénicienne, sommes-nous à la hauteur pour préserver leur mémoire  de cette infinie richesse ? Je constate que nous sommes aujourd'hui marginalisés, fragilisés, menacés dans notre existence par l’érosion du temps et d'une histoire tumultueuse, mais nous sommes aussi un peuple (avec toute sa diversité), qui veut voir sa dignité restaurée, La préservation de ce musée et son enrichissement au fil du temps ,,, est une vraie leçon d’humanité indispensable à notre temps et à notre peuple libanais. Vive le Liban et cette belle institution qui est l'université américaine de Beyrouth.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 29, le 29 janvier 2018

  • Fierté du Liban d’avoir ainsi le plus vieux musée et c’est grâce à l’Université américaine de Beyrouth que tout a été bien conservé sinon , ces trésors auraient connu le même sort que d’autres muses.

    Antoine Sabbagha

    07 h 40, le 29 janvier 2018

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