Le quatrième colloque mondial Global Museum Leaders Colloquium (GMLC), initié par le Metropolitan Museum of Art (Met) de New York, a donné l’occasion à Anne-Marie Maïla Afeiche, directrice du Musée national de Beyrouth, de mettre cette institution aux « côtés des grands ». « La participation du Liban à ce programme témoigne de la place que tient désormais le Musée national de Beyrouth au sein du réseau international muséal. Elle offre, par conséquent, un exemple pertinent de la volonté des Libanais de se reconstruire et d’activement prendre part aux symposiums internationaux, aux côtés des grands », confie-t-elle dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, à New York.
Ce colloque mondial des leaders des musées, qui s’est déroulé du 16 au 25 avril, a rassemblé douze directeurs d’institution de collections nationales, municipales et privées de divers horizons et tailles. Ensemble, ces institutions détiennent plus de deux millions d’objets dans leurs collections et attirent des millions de visiteurs chaque année. La France, l’Allemagne, Hong Kong, l’Irak, la Jordanie et le Sénégal sont nouveaux dans ce réseau. Douze directeurs de musée ont été invités au GMLC de 2018 pour un dialogue international sur la gestion des musées. Notamment le Musée des arts appliqués et des sciences (Sydney, Australie), la Pinacothèque de São Paulo (Brésil), le Musée d’art moderne de Medellin (Colombie), le Musée des arts décoratifs (Paris), le Staatliche Kunstsammlungen de Dresde (Allemagne), le Musée de Hong Kong, le Musée indien (Kolkata), le Musée de Sulaymaniyah (Irak), le Musée de Jordanie (Amman), le Musée national de Beyrouth, Museo Nacional de Antropologia (Mexico), le Garage-Musée d’art contemporain (Moscou) et le Musée Théodore Monod d’art africain (Dakar, Sénégal).
« Les musées continuent de croître et de proliférer dans le monde entier et font face à des opportunités et des défis sans précédent. Nous pouvons tirer profit du partage d’expériences et des meilleures approches pour gérer les institutions et établir les liens dans ce domaine dans le monde entier. C’est aussi l’occasion de réfléchir ensemble sur le travail et les innovations », avait souligné Daniel H. Weiss, président du Met.
Pour András Szántó, analyste du Met, écrivain sur les institutions artistiques et modérateur du colloque, « le GMLC est fondé sur la conviction que, bien que la situation de chaque institution soit unique, les problèmes auxquels les musées sont confrontés sont remarquablement similaires. Le GMLC et son réseau international offrent précisément cette opportunité d’échange et de perspicacité ».
Au cours de ces onze jours, le GMCL a permis de dégager une vision globale des pratiques muséales actuelles dans le monde, en mettant l’accent sur le leadership institutionnel et la résolution de problèmes stratégiques. Une partie importante du programme était réservée au dialogue ouvert entre les directeurs invités, qui ont présenté des études de cas sur leurs institutions et se sont réunis dans des ateliers de groupe pour aborder les problèmes rencontrés par les musées et proposer de nouveaux modèles de collaboration. Les participants ont travaillé avec des experts des départements du Met, menant à des relations durables avec des institutions du monde entier. Le groupe a également visité les institutions culturelles new-yorkaises et autour de New York.
Une histoire de renaissance
La présentation d’Anne-Marie Maïla Afeiche s’est déroulée en présence d’invités triés sur le volet et en présence notamment de Claude Joe Audi – qui par son activité au sein du Met a contribué à attirer les regards de cette institution sur le Liban – ainsi que de la galeriste Carla Chammas, de l’artiste Hala Schoucair, de Joumana Tagher et de Josyann Abi Saab.
La conférence de Mme Afeiche, ayant pour thème « Conflict and Recovery – A story of Rebirth at the National Museum of Beirut » (« Conflit et sauvegarde, une histoire de renaissance au Musée national de Beyrouth »), s’est penchée sur l’histoire qu’a connue le musée durant la guerre. « L’objectif était de raconter la sauvegarde de notre collection nationale entre 1975 et 1991 et de mettre également en exergue les efforts de reconstruction durant les années suivantes », souligne-t-elle. « L’accent a été mis sur la mission du musée au sein de notre société et l’importance de notre collection archéologique. Les principales périodes de l’histoire du Liban ont été aussi évoquées : l’âge du bronze, l’âge du fer, la période classique, puis byzantine et islamique. Toutes ces périodes ont été illustrées par les objets les plus spectaculaires exposés », poursuit-elle.
« L’histoire, telle que racontée aux visiteurs du musée, se double d’une autre tout aussi importante, puisqu’elle témoigne des mesures qui ont mis à l’abri nos trésors durant la guerre civile. Les images de destruction du bâtiment, des salles d’exposition et des réserves ont révélé l’ampleur des dégâts. Elles témoignent aussi du travail exceptionnel entrepris par Maurice Chéhab pour protéger les objets de grande dimension par des blocs de ciment », relève Mme Afeiche. Initiée à partir des années 90, la réhabilitation du musée a mis en valeur le travail du ministère de la Culture secondé par la Fondation nationale du patrimoine et par la Lebanese British Friends of the National Museum. Les récents travaux de réaménagement du sous-sol, inauguré en 2016, grâce au soutien du gouvernement italien, clôturent le processus de restauration du musée et de ses chefs-d’œuvre. Les quelques minutes de l’excellent documentaire de Bahije Hojeij illustrent ces propos.
Fort message d’espoir
Plus qu’une simple rétrospective de la création, la destruction et la reconstruction du musée, la présentation d’Anne-Marie Maïla Afeiche porte un message d’espoir. Comment un musée peut-il se reconstruire et retrouver sa place au sein des musées internationaux les plus prestigieux ? « Cet exemple unique est représenté par l’histoire de notre musée en termes de stratégie de protection puis d’initiative de reconstruction et de développement » résume-t-elle. « Le retour d’objets qui avaient disparu durant la guerre et en partie retrouvés dans les collections privées est là un autre message d’espoir pour la sauvegarde des collections nationales et la lutte contre le trafic illicite d’antiquités », ajoute-t-elle.
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Bravo, Mme Afeiche, le Liban devrait être fier d’avoir des personnes de votre calibre, honnête, modeste et dévouée à la préservation de notre patrimoine historique! N’était-ce votre travail acharné et intensif et votre expertise archéologique à la restauration de notre musée, presqu’entièrement détruit durant la guerre, je ne pense pas que ce trésor national serait du calibre des musées internationaux prestigieux et reconnu dans la cour des grands!
03 h 24, le 29 avril 2018