Le cercle des opposants au Courant patriotique libre et son chef Gebran Bassil ne fait que s’élargir. Cette fois-ci, c’est chez l’allié traditionnel de ce parti, le Hezbollah, que l’on prend clairement ses distances par rapport au CPL. L’approche de M. Bassil sur la question gouvernementale y est même assimilée à « des calculs de ménagère », à même de retarder la formation du gouvernement Hariri.
Dans les milieux du parti chiite, on estime ainsi, via L’Orient-Le Jour, que les propos tenus par le leader du CPL lors de sa conférence de presse de vendredi dernier sont à même de compliquer la tâche au Premier ministre désigné, à l’heure où tout le monde fait des concessions pour permettre au cabinet de voir le jour. M. Bassil se livre à des « calculs de ménagères » et continue à manœuvrer, à l’heure où tout le monde devrait faire preuve de modestie, ajoute-t-on de même source, avant de confier que le Hezbollah pourrait se voir attribuer le ministère de la Santé. Une façon pour le parti de Hassan Nasrallah de répondre aux propos tenus jeudi dernier par Saad Hariri. Lors d’une interview accordée à la chaîne MTV, le Premier ministre n’avait pas caché ses craintes quant à un éventuel arrêt des aides internationales au ministère de la Santé, si celui-ci était accordé au Hezbollah au sein de la future équipe ministérielle. Mais en dépit de ces critiques à l’encontre de M. Bassil, le Hezbollah tient à se montrer optimiste quant à une prochaine mise sur pied du cabinet. Ses sources croient ainsi savoir que M. Hariri formera son équipe avant le 31 octobre courant, second anniversaire de l’accession de Michel Aoun à la tête de l’État. Le parti répondait ainsi aux accusations lancées contre lui et selon lesquelles il entraverait, par le biais de ses alliés, la mission de Saad Hariri.
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Quoi qu’il en soit, rien n’est attendu dans les tout prochains jours, en raison du déplacement du chef de l’État et du ministre sortant des Affaires étrangères, qui n’est autre que M. Bassil, mercredi en Arménie, pour participer au sommet de la francophonie. À quoi s’ajoute le fait que tous les protagonistes concernés par les nœuds empêchant encore le gouvernement de voir le jour campent sur leurs positions respectives. Il s’agit, bien entendu, de la querelle opposant le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à son principal adversaire sur la scène druze, le chef du Parti démocrate libanais, Talal Arslane, le premier insistant à nommer les trois ministres druzes dans une formule de trente. Même si M. Joumblatt s’est dit, dans un entretien accordé le 20 septembre dernier au quotidien al-Akhbar, prêt à discuter de « propositions sérieuses ». Commentant la conférence de presse de M. Bassil, M. Joumblatt a d’ailleurs appelé, sur son compte Twitter, à « une étude approfondie et un minutieux examen objectif » des propositions faites par (Gebran) Bassil, « sans pour autant oublier l’importance de celle du Premier ministre désigné (la mouture qu’il avait remise à Michel Aoun le 3 septembre dernier et qui accorde au PSP trois ministres druzes), tout en prenant en considération le fait que le temps ne joue pas en notre faveur. C’est ce qui angoisse le président de la Chambre, Nabih Berry. Une angoisse que nous partageons fortement ».
On serait tenté de croire qu’en donnant du crédit aux propos de M. Bassil, qui avait notamment appelé à l’adoption de critères unifiés dans le processus de formation du gouvernement, le leader de Moukhtara se dirait prêt à faire des concessions. Mais Bilal Abdallah, député joumblattiste du Chouf, présente à L’OLJ une autre explication. « Il faut étudier (les propositions de M. Bassil) comme toutes les autres », dit-il, assurant que le tweet de M. Joumblatt ne peut être dissocié du fait qu’il a toujours plaidé pour un climat d’apaisement. Cependant, « nous attendons toujours des propositions sérieuses. En outre, les concessions que nous pourrions faire resteront dans les limites de l’intérêt du pays, c’est-à-dire dans le but de former un gouvernement de salut national », ajoute M. Abdallah.
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Le nœud chrétien
Pour ce qui est de l’obstacle chrétien, il a pris durant le week-end plus d’ampleur. Et pour cause : lors de sa conférence de presse, M. Bassil avait estimé que les Forces libanaises ont droit à trois ministres, conformément à la règle évoquée par le chef du CPL, et selon laquelle tous les cinq députés devraient être représentés par un ministre. Des propos auxquels Imad Wakim, député FL de Beyrouth, a violemment répondu lors d’une intervention radiodiffusée samedi. « Chaque jour, il (M. Bassil) nous présente de nouveaux critères pour entraver la formation du gouvernement », a-t-il lancé avant de poursuivre : « M. Bassil a anéanti l’espoir né des propos tenus par le Premier ministre. » Selon lui, le chef du CPL « veut faire les choses à sa façon ». Des propos qui reflètent, à n’en point douter, une difficulté à former le cabinet « dans dix jours », comme l’avait espéré Saad Hariri.
Les aounistes, eux, n’en demeurent pas moins optimistes. Interrogé par l’agence locale al-Markaziya, Hekmat Dib, député CPL de Baabda, a assuré que « les propos de Gebran Bassil n’ont pas de retombées négatives sur le processus gouvernemental ». « Le chef du CPL n’a fait qu’exposer le critère qui devrait être adopté pour préserver les gains stratégiques enregistrés par le sexennat, en l’occurrence le rééquilibrage du pouvoir et la redynamisation du partenariat, ainsi que la préservation de la quote-part (gouvernementale) du président de la République », a-t-il dit, estimant que « le fait de demander une représentation juste ne signifie pas intervenir dans le processus, mais accorder à chacun ses droits ». Un point de vue que ne partagent aucunement les milieux du courant du Futur où l’on estime que le chef de la diplomatie a douché l’optimisme de M. Hariri. Contacté par L’OLJ, Moustapha Allouche, membre du bureau politique de la formation haririenne, estime que « la solution commence par des concessions de la part du président de la République ».
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commentaires (8)
On continue à lire des absurdités... Qu'il y a encore un "noeud" chretien et des querelles druzes ... A ce rythme là ce n'est pas 10 jours qu'il faut pour la formation du gouvernement (Hariri) mais dix autres mois ... Y a-t-il un seul dirigeant qui pense aux intérêts supérieurs du Liban ?
Sarkis Serge Tateossian
18 h 47, le 08 octobre 2018