C’est un Saad Hariri détendu et « changé », comme il s’est décrit lui-même, qui a fait son apparition hier dans la première émission du nouveau programme de notre confrère Marcel Ghanem sur MTV. Sûr de lui et évoquant « un climat très positif » au cours de sa dernière réunion avec le président de la République Michel Aoun à Baabda la veille, le Premier ministre désigné a promis, à plus d’une reprise, « la formation d’un gouvernement d’ici à une semaine à dix jours », certain de sa capacité à « convaincre les différentes parties de faire des compromis ».
Car pour le Premier ministre, l’origine de la difficulté à former un gouvernement trouve ses racines dans les élections législatives de mai « où chaque partie s’est sentie victorieuse et a voulu faire fructifier les résultats obtenus ». Mais les « sacrifices », mot qu’il a employé à plusieurs reprises, restent pour lui la clé de la résolution du problème. « Le président de la République et le Premier ministre doivent faire des sacrifices. C’est pour cela que nous souhaitons que le chef de l’État fasse des sacrifices (...). Nous devons tous faire des concessions pour la formation du gouvernement et je suis prêt à faire des concessions concernant ma part des postes ministériels », a insisté Saad Hariri. Il a assuré qu’un gouvernement de majorité « n’est pas à l’ordre du jour » et qu’il souhaite un cabinet inclusif capable de mener à bien les réformes profondes et nombreuses qu’exige la mise en place du projet CEDRE.
« Je suis convaincu que le gouvernement sera formé d’ici à une semaine à dix jours. Le président Aoun et moi-même avons des déplacements à l’étranger (...), mais nous aurons des contacts avec les formations politiques afin d’obtenir la mise sur pied du gouvernement », a confié M. Hariri.
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Le Premier ministre désigné a prévenu qu’il ne « permettra pas à une formation politique qui veut rejoindre le gouvernement d’entrer en conflit avec une autre formation », menaçant de laisser tomber sa charge de Premier ministre en pareil cas. « Je serai un chef de gouvernement qui veillera jour et nuit sur les intérêts des Libanais », a-t-il promis.
Sur le compromis qui a mené le général Aoun au pouvoir, M. Hariri a insisté sur le fait que « l’entente est toujours valable et tiendra jusqu’au bout », niant que les Saoudiens ne souhaitent plus pareil compromis. Il a par ailleurs répété à plusieurs reprises qu’il n’y a pas de pressions extérieures mais que le retard dans la formation du gouvernement tient aux exigences des uns et des autres. « Il y a des divergences internes et nous œuvrons à les aplanir, a-t-il déclaré. Mais on ne pourra pas me mettre la pression. Je ne traîne pas les pieds dans la formation du gouvernement. Je suis celui qui est probablement le plus attaché à l’intérêt de ce pays. »
Le Premier ministre désigné a, dans ce contexte, appelé le Hezbollah, son adversaire, « et toute autre formation politique », à « prendre en considération l’intérêt du pays avant toute chose ». « La situation économique du pays ne supporte pas les disputes entre les formations politiques, étant très difficile. Oui, je tire la sonnette d’alarme », a mis en garde Saad Hariri.
(Lire aussi : Pas de nouveau gouvernement, (re)vive l’ancien !)
« Je ne visiterai pas la Syrie »
Par ailleurs, interrogé sur l’avenir des relations avec le régime syrien, autre pomme de discorde entre les Libanais, M. Hariri a été formel. « Je ne compte pas me rendre en Syrie, même si c’est pour le Liban, a-t-il dit. D’ailleurs, cette question fait débat au Liban et elle est loin d’être tranchée pour toutes les parties. Même la Ligue arabe a pris de grandes décisions concernant la Syrie et ne les a pas encore modifiées, pourquoi agir avant qu’il y ait des changements ? Pourquoi être les premiers à renouer avec le régime ? »
M. Hariri a fait valoir que le Liban n’a pas fermé ses frontières depuis 2011 ni empêché quelque Syrien que ce soit d’emprunter son aéroport pour voyager. Mais il a argué qu’il fallait servir l’intérêt du Liban, ce qui n’implique pas, entre autres, des concessions sur le poste-frontière de Nassib, faisant valoir que par rapport à la question des réfugiés, il a été le premier à soutenir l’initiative russe. Interrogé sur la déclaration ministérielle dans un tel contexte de conflit sur la question syrienne, M. Hariri a avancé un seul mot qui, pour lui, résume tout : la distanciation.
Sur un autre plan, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, gendre et proche du président, était très présent dans la discussion hier, sachant que le Premier ministre a soigneusement évité toute velléité de confrontation avec lui. M. Bassil devrait tenir aujourd’hui sa propre conférence de presse pour parler des développements de la formation du gouvernement.
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commentaires (14)
Si Mr. Hariri va en Syrie sûrement après il va être assassiner comme son père
Eleni Caridopoulou
17 h 31, le 05 octobre 2018