Haut lieu spirituel de la montagne libanaise au Liban-Nord, c’est dans la Vallée sainte de la Qadicha que se sont installés les tout premiers monastères chrétiens aux premiers siècles de notre ère. Peu importe vos convictions religieuses ou philosophiques, la transcendance de cette gorge est probablement un sentiment universellement perçu. Encerclée par les montagnes, couverte par le ciel, elle pousse aux questionnements métaphysiques fondamentaux sur la finitude, l’être et le monde. C’est l’endroit idéal pour se ressourcer, loin de l’agitation et du tumulte de la ville.
Pour vous y rendre depuis Beyrouth, vous pouvez prendre l’autoroute qui va vers Tripoli. Avant d’arriver à Chekka, prenez à droite, en direction de Bécharré. À partir de Tourza, les virages seront de plus en plus nombreux, de plus en plus brusques : vous serez dans la montagne, au flanc de la vallée. Vous pouvez vous arrêter à Dimane : juste à côté de l’église Saint-Jean commence un sentier qui vous permettra de traverser du sud au nord la vallée.
Pour cette « promenade », comptez environ 2h30 de marche, auxquelles vous rajouterez les inévitables arrêts que votre corps et votre esprit vous imposeront : le premier pour son repos, le second pour la contemplation. En vérité, la randonnée n’est pas particulièrement difficile, mais certains passages sont assez abrupts, notamment lors de la descente qui s’avère en fait bien plus compliquée que la montée : ainsi, prévoyez des chaussures à crampons et faites attention où vous mettez les pieds !
Chaque détour du sentier vous offrira une vision différente de la vallée : vers l’est, l’ouest, le flanc opposé, ses renfoncements et ses profondeurs. D’abord très boisé, entre les buissons et les conifères, les fleurs de montagne et quelques cèdres, votre environnement se fera plus minéral. C’est à ce moment que vous passerez sur le toit d’une petite bergerie. Puis, en vous enfonçant un peu plus dans la gorge, enserré par les deux flancs de rocs, la lumière se fera un peu plus rare, la nature un peu plus sauvage encore : seuls quelques fils électriques et les monastères qui se dressent face à vous vous rappelleront l’humanité. Là, vous entendrez le bruit du torrent qui fait son lit au fond du val : vous traverserez un pont en pierre à l’âge inestimable qui vous conduira sur l’autre flanc. Vous remonterez le sentier, d’abord très sombre, avant de retrouver le ciel en sillonnant entre les ruines de vieilles maisons en pierre.
Le monastère de Qannoubine
En continuant, vous atteindrez une route qui vous conduira au monastère de Qannoubine qui aurait été fondé sous l’empereur Théodose Ier, au IVe siècle. Construit en partie dans la roche, il a été le siège du patriarcat maronite de 1440 à 1823. Aujourd’hui, c’est un couvent où vivent trois religieuses qui n’hésitent pas à accueillir pour la nuit randonneurs et pèlerins (25 000 livres libanaises la nuitée). La petite église, toute simple, est embellie par de sublimes fresques du XVIIe siècle. La plus emblématique, qui représente le couronnement de Marie, regorge de symboles ésotériques.
Après une bonne nuit de sommeil, vous pourrez observer dans les alentours les grottes où ont longtemps vécu des moines ermites. C’est aussi là, au centre de cette forteresse imprenable que forme le rempart de montagnes, que se repliaient les maronites lorsqu’ils étaient attaqués par les Mamelouks au Moyen Âge. Vous pourrez ensuite manger quelques brochettes ou fumer le narguilé chez Abou Joseph, en bas du monastère : un bus vous permettra de rejoindre Bécharré, qui surplombe la vallée.
Les cèdres de Dieu
À Bécharré, vous pouvez prendre le temps de visiter le musée Gibran (8 000 livres libanaises l’entrée) : bien que la scénographie mériterait d’être remise à jour, il donne un bon aperçu de l’œuvre picturale onirique du poète. C’est là que l’auteur du Prophète repose, dans une grotte imprégnée du mysticisme de son hôte où est inscrite cette épitaphe : « Je suis vivant comme vous. Je suis debout près de vous. Fermez vos yeux, vous me verrez devant vous. »
Puis, pour achever votre voyage spirituel et symbolique, un détour par la forêt des cèdres de Dieu s’imposera à vous. Bien que peu étendue – il n’y reste que 400 arbres environ –, c’est là que les plus vieux cèdres du monde se trouvent : deux d’entre eux ont ainsi plus de 3 000 ans. Vous pourrez notamment y contempler le cèdre qui inspira Lamartine lors de son passage au Liban en 1832. Ce cèdre fut foudroyé en 1992 par un éclair. L’artiste Rudy Rahmé y a sculpté 70 visages humains, symbolisant le lien entre le lieu et le temps. Une œuvre qui trouve toute sa place au sommet de cette vallée hors du rythme du monde.
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Sarkis Serge Tateossian
12 h 51, le 28 septembre 2018