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Liban - Enquête d’opinion

La société libanaise se prononce contre le mariage avant 18 ans, mais peine à aller plus loin

Le RDFL, qui milite pour les droits des femmes, a publié hier une étude d’opinion intitulée « L’attitude de la société libanaise à l’égard du mariage des enfants ».

Comme Fatmé, 17 ans et un enfant, de nombreuses adolescentes libanaises sont déjà mères avant même d’avoir 18 ans, en région rurale. Photo A.-M.H.

La société libanaise considère, dans sa grande majorité, que l’âge idéal pour se marier se situe à partir de 18 ans, pour les filles et les garçons. En revanche, seulement 64 % des Libanais et Libanaises soutiennent l’adoption d’une loi fixant à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles et les garçons.

Zoom in sur l’enquête d’opinion intitulée « L’attitude de la société libanaise à l’égard du mariage des enfants », dont les résultats ont été annoncés hier par le Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL), lors d’une conférence de presse à l’Hôtel Radisson Blu, à Verdun, en collaboration avec les organisations UN Women et Save the Children. Et qui montre la force de l’influence familiale, des considérations financières et des traditions sur le mariage des mineurs, plus particulièrement des jeunes filles.


La peur du célibat des femmes
C’est dans le cadre de l’engagement du RDFL contre le mariage des enfants et, à plus large échelle depuis 1976, pour les droits des femmes et des filles au Liban, que l’association a initié cette étude sur le mariage des mineurs, en l’absence des moindres statistiques sur ce phénomène. Une étude réalisée entre mars et avril 2018, par l’Institut de sondage Statistics Lebanon Ltd, sur un échantillon de 1 200 Libanais et Libanaises des deux sexes, de toutes les régions et de tous les groupes socio-économiques.

Outre la nécessité d’adopter une législation pour mettre un terme aux mariages de mineurs au pays du Cèdre, elle montre combien il est essentiel d’effectuer un travail en profondeur sur la société libanaise, sur ses habitudes, ses croyances et ses peurs, du célibat des femmes notamment, sur son éducation et sa sensibilisation aussi.

Pour parler chiffres, l’âge idéal du mariage des femmes est de 18 ans et plus, considèrent 97 % des Libanais, et l’âge idéal du mariage des hommes est de 18 ans et plus, estiment 99 % des Libanais. De plus, 85 % de l’échantillon pensent qu’une fille qui a atteint l’âge de la puberté n’est pas prête pour le mariage, et 79 % des interviewés soutiennent que les filles de moins de 18 ans ne sont pas mûres pour assumer des responsabilités associées au mariage, comme élever des enfants. Il est à noter que les adeptes du mariage des mineures se situent principalement dans la tranche d’âge de 56 ans et plus, 9 % d’entre eux considérant que l’âge idéal du mariage des filles se situe entre 15 et 17 ans, alors qu’ils ne soutiennent pas le mariage des garçons avant l’âge de 18 ans. « Un signe clair de discrimination contre les femmes », observe le RDFL.

Interrogés par ailleurs sur leurs positions à l’égard du mariage des enfants de moins de 18 ans, 84 % des Libanais se disent opposés, 80 % considérant même qu’il s’agit d’un crime.

Mais dès lors que l’échantillon est interrogé sur son soutien à la proposition de loi développée par le RDFL et présentée au Parlement le 28 mars 2017 par le député des FL, Élie Keyrouz, les avis sont plus partagés. Seulement 64 % de la société libanaise soutiennent cette proposition de loi qui interdit, formellement et sans exception, les mariages de mineurs avant l’âge de 18 ans. Étudié de plus près, ce chiffre montre que les femmes (68 %) sont plus enclines que les hommes (60 %) à soutenir une loi interdisant le mariage des mineurs avant 18 ans. Comparé au pourcentage des 84 % qui s’opposent au mariage des mineurs, il montre que « les Libanais ne croient pas dans les capacités de la législation à résoudre le problème, ou alors estiment-ils qu’à elle seule, la loi ne peut faire cesser le mariage des enfants », analyse le RDFL. Certains observent même que l’âge du mariage découle d’un choix personnel et que chaque personne a le droit de choisir le moment approprié de son mariage.


(Pour mémoire : Trois dignitaires religieux débattent de l’âge du mariage)


Une lutte sur plusieurs fronts
Quelles sont donc les raisons du mariage précoce, selon les personnes interviewées ? La pression parentale vient en tête (25 %), suivie du poids des traditions ou la volonté des parents de protéger leurs filles (18 %), et enfin de causes financières (17 %). Mais derrière ces explications, transparaissent souvent des considérations financières qui incitent des parents à pousser leurs filles au mariage.

L’enquête révèle enfin la perception par la société libanaise des conséquences néfastes du mariage précoce, à savoir son impact sur l’augmentation du taux de divorces (88 %), l’exposition des jeunes épouses à la violence conjugale (85 %), le droit des filles de choisir leur conjoint (85 %), leur santé mentale aussi (82 %)…

« Le mariage avant l’âge de 18 ans est un crime contre les jeunes filles », n’a pas manqué de dénoncer la vice-présidente du RDFL, Caroline Succar Slaiby, dans un mot d’accueil, insistant sur la détermination de l’association à défendre cette cause et la proposition de loi qui interdit le mariage des enfants au Liban, avant l’âge de 18 ans.

De son côté, et lors de sa présentation des résultats de l’enquête d’opinion, la responsable des programmes du RDFL, Hayat Mirshad, a mis en garde contre « les conséquences négatives du mariage précoce », avec en tête « les dangers qu’il représente pour la santé des jeunes filles ». « La lutte contre le mariage des mineurs doit se faire sur plusieurs fronts », a-t-elle martelé, insistant sur la nécessité non seulement de changer les lois, mais de sensibiliser les familles contre les dangers des mariages précoces, tout en luttant contre la pauvreté.L’événement a vu la présence de personnalités politiques locales, parmi lesquelles le député Kataëb Élias Hankache, l’ancienne ministre haririenne Wafa’ Dika Hamzé, la directrice de l’Institut des droits de l’homme au barreau de Beyrouth, Élisabeth Sioufi, et la secrétaire générale du Conseil supérieur pour l’enfance, Rita Karam.


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commentaires (3)

Pour raison de pauvreté dit-on ? Evidemment, lorsqu'on fait des gosses par dizaine et plus.

Remy Martin

10 h 47, le 19 septembre 2018

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Commentaires (3)

  • Pour raison de pauvreté dit-on ? Evidemment, lorsqu'on fait des gosses par dizaine et plus.

    Remy Martin

    10 h 47, le 19 septembre 2018

  • SI UN COUPLE DE 17 ANS S,AIMENT ET VEULENT SE MARIER ? QUELLE AUTORITE PEUT INTERDIRE L,AMOUR ET LEUR REFUSER LE MARIAGE ? L,AFFAIRE N,EST PAS SI SIMPLE ET LE MARIAGE A INTERDIRE DES ENFANTS CE SONT LES 8/12 ET MEME 15 ANS QUI SONT DES ABUS DE L,INNOCENCE DE L,ENFANCE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 23, le 19 septembre 2018

  • Pourquoi parle-t-on de "mineurs avant l'âge de 18 ans"? Les mineurs ont, par définition, moins de 18 ans... Après cet anniversaire, ils ne sont plus mineurs...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 21, le 19 septembre 2018

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