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Liban - Droits de la femme

Un tournant majeur, au Liban, dans la lutte contre le mariage précoce

L'initiative, lancée par le RDFL, a pour objectif de faire adopter une loi qui fixe l'âge du mariage à 18 ans. Elle a le soutien officiel du ministère d'État aux Droits de la femme et du Conseil national de la femme libanaise.

Une image tirée de la vidéo produite par le Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL), dans le cadre d'une campagne intitulée #NotBefore18, pour lutter contre le mariage précoce.

La lutte contre le mariage précoce au Liban a pris un tournant majeur hier. Cinquante-quatre organismes et associations ont scellé une alliance visant à faire adopter une loi protégeant du mariage les filles (et les garçons) de moins de 18 ans.

Hier donc, la Coalition nationale pour la protection des enfants contre le mariage précoce a été lancée par le Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL). L'événement, qui s'est déroulé à Furn el-
Chebback, dans les locaux de l'association, à l'origine de l'alliance, a vu la participation des représentants des deux partenaires officiels de la coalition, le ministre d'État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian, et la présidente du Conseil national de la femme libanaise, Claudine Aoun Roukoz, fille du chef de l'État.

Parmi l'assistance, un parterre de représentantes et de représentants des associations partenaires, parmi lesquelles Abaad, Justice sans frontières, Save the Children, le Conseil des femmes libanais, Women in Front, Amel, Kafa, Khiam, le Mouvement social, March, Nahnoo, Akkar Network for Development, Alef et tant d'autres encore.

Dans une présentation de la coalition, la présidente du RDFL, Leila Mroué, explique que celle-ci s'est concrétisée au terme « d'un an de travail continu », sur base « du droit des femmes à l'égalité ». Un droit consacré non seulement par la Constitution libanaise, mais par la déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw), que le pays du Cèdre est tenu d'appliquer. Outre « les deux partenaires officiels, la coalition regroupe de nombreux acteurs de la société civile, locaux ou internationaux, engagés dans la défense des droits humains, et pas seulement des associations féministes », explique Mme Mroué.

 

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Tragédies
Son objectif principal ? « Faire pression sur les décideurs », notamment les députés, afin de les pousser « à prendre leurs responsabilités de législateurs », l'État étant « le recours unique » pour la protection et la défense des droits des citoyennes et des citoyens. En bref, il s'agit de « faire adopter une loi claire interdisant carrément le mariage des moins de 18 ans, sur l'ensemble du territoire libanais ». (La proposition de loi dans ce sens a été présentée en mars 2017 par le député FL Élie Keyrouz. En outre, le député Ghassan Moukheiber avait présenté en 2014 une proposition visant à réglementer le mariage des mineurs, NDLR). Car cette réalité, implantée depuis toujours au sein des sociétés rurales locales, « a pris une ampleur inquiétante depuis la crise syrienne ». Et « les médias ont un rôle à jouer dans le processus », note-t-elle.

 

 

 

 

« Il fallait que je passe par ce ministère pour comprendre réellement les problèmes de la société libanaise », lance de son côté M. Oghassabian. Après avoir pris connaissance de témoignages poignants de femmes victimes de mariage précoce, à travers les brochures du RDFL, le ministre invite les militantes à déposer ces brochures sur les bureaux de chaque député, dès que sera discutée la proposition de loi fixant à 18 ans l'âge légal du mariage. « Les députés doivent prendre connaissance des tragédies que vivent les femmes mariées avant l'âge, victimes de violences conjugales, de viols, de trafic humain, de prostitution forcée... car nombre d'entre eux ne savent pas quelles sont les conséquences des mariages précoces », martèle le ministre.

 

(Lire aussi : Liban : vers la fixation d’un âge minimal pour le mariage ?)

 

Le dialogue, pas la confrontation
Saluant la création du collectif, il insiste sur la nécessité de se pencher sur « les conséquences économiques néfastes » des mariages précoces et non seulement sur leurs répercussions humaines et sanitaires. Il invite donc la coalition à envisager « un projet de travail durable dans le temps ». « Un travail basé sur le dialogue avec les instances religieuses et non pas sur la confrontation, car la confrontation ne mènera à rien », affirme-t-il, sachant que les autorités religieuses tiennent en main le statut personnel des citoyens. Un point positif toutefois, pour avoir déjà abordé le sujet avec nombre de dignitaires religieux, M. Oghassabian assure qu'il n'y a désormais « plus aucun sujet tabou ».

Claudine Aoun Roukoz déplore enfin « l'injustice envers les enfants et les adolescents » qui sont toujours forcés au mariage par leurs parents, « alors que l'analphabétisme est en voie d'éradication dans le pays ». Elle dénonce surtout « la persistance de lois obsolètes et contradictoires » qui ne font pas la différence entre la capacité de reproduction et l'aptitude au mariage. « Il est inadmissible que l'on continue de pousser au mariage des filles et des garçons avant l'âge de 18 ans pour des considérations d'un autre temps, alors qu'ils n'ont ni le droit de conduire ni de signer un contrat », lance-t-elle. Elle soutient à ce propos que les lois en vigueur datent de l'époque où le mariage était un moyen « de protéger les filles qui étaient considérées comme un poids et une bouche à nourrir pour leurs familles ». Et d'ajouter que les enfants ne sont pas habilités à fonder une famille ou à prendre des responsabilités. « Les contrats de mariage doivent donc être contractés entre deux adultes responsables ».

Évoquant la vision du Conseil national de la femme libanaise, Mme Roukoz fait part de son engagement en faveur « d'une famille au sein de laquelle les droits de la femme et de l'homme sont égaux », et « au sein de laquelle la femme n'est pas vulnérabilisée ». Dans ce cadre, elle invite les législateurs à « rectifier le tir et réparer l'injustice », en adoptant « des lois modernes, sans contradictions, qui respectent les droits des citoyens et l'évolution de la société ».

 

 

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