Né au Sénégal, il est l’aîné d’une fratrie de trois. À l’âge de trois ans, il emménage à Beyrouth chez ses grands-parents. Il est scolarisé chez les frères du Sacré-Cœur, ensuite au collège Mont La Salle où il poursuivra ses études. Il affectionnait déjà beaucoup le dessin, « mais j’étais, dit-il, à la fois un élève sérieux et rêveur, ce que d’ailleurs je suis resté ! » Avec un penchant pour la géométrie, son monde en trois dimensions se profilait déjà. Nadim Karam obtient son diplôme en architecture à l’Université américaine de Beyrouth en 1982. La guerre civile ne l’épargnera pas : après un incident dramatique au cours duquel il est kidnappé et ensuite relâché, il obtient une bourse du gouvernement japonais et décide de quitter le Liban pour se rendre au pays du Soleil-Levant, ce pays qui l’a toujours fait rêver. Le séjour durera 10 années durant lesquelles il étudie sous l’égide de Hiroshi Hara, de Fumihiko Maki et du grand Tadao Ando. Il crée plusieurs spectacles et expositions en solo à Tokyo tout en complétant un master et un doctorat en architecture. De retour au Liban, il enseigne à l’Université américaine de Beyrouth et d’autres établissements universitaires, propose des conférences, dirige des workshops, est nommé doyen de la faculté d’architecture, d’art et de design de l’Université Notre-Dame au Liban et ouvre son propre atelier qu’il surnomme Hapsitus (de Hap/événements et situs/situations). Nadim Karam vit les contrastes et les utilise à son avantage.
Une poétique faitede mille formes
Tout en lui respire la tranquillité. La voix, la manière d’être, de parler, d’expliquer et de raconter. À en croire que les dix années passées au Japon au début de sa carrière ont déteint sur son âme, apaisé ses angoisses et modifié sa perception du monde. Son expérience nippone lui fait découvrir le bouddhisme et soulève les contradictions que peuvent générer les religions monothéistes. Nadim Karam s’intéresse à la philosophie de la région, ce qui fera naître en lui une dualité qu’il utilisera à bon escient pour obtenir un large spectre de pensée. Du réel, il a une vision dilatée, voire surdimensionnée. Il suffit d’avoir vu ses œuvres à travers la planète, plantées au cœur d’une cité et qui invitent le public à les traverser et les vivre. Attentif aux civilisations, réceptif aux besoins des grandes villes, il absorbe les choses avant de les transformer. Il fonctionne comme un architecte qui étudie le site, les accès à chaque sculpture et ses projets sont le fruit d’une grande recherche : la position des arbres, les bâtiments qui les entourent, comment créer une identité ou honorer la mémoire de la ville demeurent ses priorités. Cet architecte sculpteur a une prédilection pour le métal, matériau qui résiste aux intempéries et créant des structures hybrides croisant à la fois l’objet structural et le monde animal, il tente de faire se rejoindre modernisme occidental et art oriental. Nadim Karam pénètre les traditions, interpelle les autochtones, vit la ville, respire leurs coutumes et crée…
Il avoue que son élan créatif trouve son origine dans les croquis. Pas moins de 300 pages l’accompagnent au cours de ses nombreux voyages, 300 pages blanches qui à chaque atterrissage se retrouvent encombrées de milliers de petits dessins, dont le futur est déjà assuré. Elles seront ses sculptures de demain ! Des sculptures qui interpellent non seulement parce qu’elles bousculent les rapports d’échelle mais aussi pour ce qu’elles suggèrent, une poétique singulière qui renvoie à l’expérience d’un apprentissage de la vie, et arrivent ainsi à confronter la petitesse de l’homme face à la grandeur de l’art.
L’existence précède l’essence
Il avoue qu’à partir du moment où il est contacté pour réaliser une sculpture, cela indique que la ville et son gouverneur ont ingéré son processus et sa vision du monde. « Mon métier, dit-il, est d’offrir du rêve ou d’ajouter des moments de rêve. Pour qu’une sculpture respire et vive, il me faut créer un objet qui raconte une histoire. Celle-ci prend place après la création, comme un fil conducteur qui relie une sculpture à l’autre, provoquant un cheminement presque initiatique que le public fait. Pouvoir s’interroger sur ce qu’il y a devant soi est un instant sacré. » Et d’ajouter « ce moment crée une dynamique qui fait naître une énergie nouvelle, catalyse et génère les pensées positives, c’est après avoir créé que l’histoire s’installe : l’existence précède l’essence, car si on était en possession de l’histoire il n’aurait plus de raison pour la créer ».
Nadim Karam a des rêves et des projets concrets : « Mon rêve est de réaliser un projet à Kaboul. C’est après avoir vu des images de Kaboul que j’ai pris conscience du poids de la civilisation et de l’importance de leur patrimoine artistique. » Il avoue que l’endroit le plus fascinant où il a intervenu est la Chine où, après Shanghai, il découvre des villes inconnues au monde et qui ne regroupent pas moins de 6 millions d’habitants, sont dotées d’une nature luxuriante et pratiquent le culte du beau. Quant à ses projets futurs, Nadim Karam inaugurera en ce mois de septembre un espace qui lui servira de vitrine pour ses toiles et ses sculptures, et d’atelier de travail auquel il donne le nom de « A.MUSE.UM. ». Il explique : « Ce n’est pas un musée, mais juste un jeu de mots. “A” est le premier son de l’être humain, “UM” le dernier, entre les deux il y a ce qui nous inspire et nous amuse. »
1957
Naissance.
1971
Décès de son père.
1981
Il est kidnappé.
1982
Il quitte le Liban pour le Japon.
1992
Rencontre avec Kaya.
1995
Naissance de Tara.
1997
Naissance de Sasha.
2011
Naissance de Sandro.
http://galeriecherifftabet.com/fr/alterner-home/
Dans la même rubrique
Annabel Daou déchire et répare...
Ivan Caracalla, esclave de l’art
Georges Khabbaz, pour le meilleur et pour le rire
Aurélien Zouki, poète invétéré
Yazan Halwani, rebelle pour la bonne cause
commentaires (0)
Commenter