Taleb Kabbara. Un nom qui vient s’ajouter à la longue liste des militants convoqués par le Bureau de lutte contre les crimes cybernétiques des Forces de sécurité intérieure pour un commentaire fait sur les réseaux sociaux. Taleb Kabbara doit comparaître aujourd’hui à 8h au siège du bureau à Furn el-Chebback, à la suite d’une déclaration faite sur son compte Twitter. Mais M. Kabbara, qui se présente sur sa page Facebook comme un consultant en marketing numérique et est également qualifié de « militant » par certains médias, « ignore » quel tweet lui a valu cette convocation. « Lorsqu’on m’a appelé vendredi du Bureau de lutte contre les crimes cybernétiques, j’ai demandé à savoir pour quel commentaire j’ai été convoqué, on m’a répondu que je le saurai mardi (aujourd’hui), lors de l’enquête », raconte-t-il à L’Orient-Le Jour.
Taleb Kabbara affirme « ne pas avoir peur ». « Celui qui sait ce qu’il fait n’a pas peur, note-t-il. Et puis, je suis prêt à accepter toutes leurs décisions. S’ils veulent que je ferme mon compte, je le ferai. S’ils veulent que je supprime le tweet, je le ferai aussi. D’ailleurs, je n’écris pas des choses qui portent à polémique, j’écris juste mes pensées personnelles. S’ils ne veulent pas que les publie, je les garderai pour moi. »
Le jeune homme dit être conscient qu’il ne vit pas en Occident, où la liberté d’expression est respectée, mais dans un pays arabe qui a « ses lois ». « Je suis disposé à m’y conformer », précise-t-il, soulignant qu’il avait vécu pendant onze ans dans les pays du Golfe. « Ces pays ont leur propre système qu’il fallait respecter, avance-t-il. Je ne suis plus un enfant. J’ai dépassé l’âge de la rébellion. Je suis blasé. Je peux faire des tweets sur mes deux chats toute la journée et ça ne me gêne pas. C’est vous dire à quel point je suis cool. »
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« Pas de bataille pour les libertés »
Par ailleurs, les commissariats du Parti socialiste progressiste à la justice, la législation et l’information ont organisé hier une rencontre élargie au siège central du parti pour exprimer leur « refus de la confiscation des libertés » et insister sur « la liberté d’expression et d’opinion ».
Dans une allocution, le responsable du bureau de presse du PSP, Rami Rayess, a affirmé que le parti a toujours été soucieux de la liberté d’expression, qu’il l’a défendue et qu’il a payé un lourd tribut pour la préserver.
M. Rayess a déclaré que « les convocations récurrentes des personnes qui expriment leur avis sur les politiques suivies au niveau de plusieurs dossiers nécessite une prise de position ferme des différentes parties qui doivent refuser toute atteinte à cette liberté garantie par la Constitution ». Il a mis l’accent sur « la nécessité de promulguer des lois qui garantissent la préservation des libertés d’une part et qui établissent des garde-fous loin de la répression et des tentatives de domestication d’autre part ».
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Dénonçant les « pratiques terroristes » commises à l’encontre des militants sur les réseaux sociaux, M. Rayess a relevé que ces pratiques « nous rappellent une époque que l’on pensait révolue », en référence à la tutelle syrienne. Il s’est dit étonné de constater que « ceux qui répriment la liberté d’expression aujourd’hui sont ceux qui en ont été victimes » lors de la tutelle syrienne. « Cela soulève de nombreuses questions quant à la sincérité des slogans qu’ils avaient levés du temps de la tutelle et du système sécuritaire mixte », a-t-il poursuivi.
Au terme de la réunion, un communiqué dénonçant l’atteinte aux libertés a été publié. Il a été aussi décidé de préparer un projet de loi sur les médias numériques et de former un comité regroupant des avocats, des journalistes, des partis dits « nationaux » et des représentants de la société civile. Ce comité aura pour mission de « suivre toute atteinte aux libertés publiques », selon le communiqué.
De son côté, le ministre sortant de la Justice, Salim Jreissati, a affirmé qu’« au Liban, il n’y a pas de batailles pour les libertés ». « Nous sommes soucieux des libertés publiques », a-t-il ajouté, lors d’une cérémonie organisée en mémoire de feu le juge Charif Kaiss, à la Maison druze à la rue de Verdun. « Nous œuvrons en faveur d’une liberté responsable qui s’arrête là où commence la liberté et la dignité des autres, et cela n’est pas une chose difficile », a conclu M. Jreissati.
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commentaires (4)
La main de qui tout ca? Avant c'était la Syrie et maintenant l'Iran . Les Iraniens n'ont pas compris qu'ils ont d'autres chats à fouetter ?
Eleni Caridopoulou
13 h 15, le 14 août 2018