Yara Chehayeb, une jeune Libanaise âgée de 18 ans et militante au sein du Parti socialiste progressiste (PSP), qui a critiqué sur les réseaux sociaux le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil, a été convoquée hier par les autorités en raison d’une plainte déposée contre elle par ce dernier. Quelques heures après la nouvelle de sa convocation, un tweet posté par M. Bassil lui-même a fait le tour du web. Ce tweet, écrit en 2013, comporte le message suivant : « Arrêter les gens pour avoir posté des tweets est scandaleux. » M. Bassil avait écrit ce tweet suite à l’arrestation d’un jeune militant du Courant patriotique libre, Jean Assi, qui avait critiqué Michel Sleiman, alors président de la République.
Yara Chehayeb, originaire du caza de Aley, avait écrit dimanche soir sur sa page Twitter le message suivant : « Le problème de ce pays, c’est le complexe psychique de Gebran Bassil. » La jeune fille est étudiante en droit et membre du département estudiantin du PSP à l’Université La Sagesse. Jointe au téléphone hier par L’Orient-Le Jour, elle a estimé que « sa convocation a prouvé la faiblesse de M. Bassil et du régime actuel en général ». « Le Liban est un pays démocratique, nous ne vivons pas dans la Syrie d’Assad pour qu’on nous convoque et arrête pour un tweet », a-t-elle ajouté, soulignant qu’« elle n’a pas peur et qu’elle n’arrêtera pas de s’exprimer librement ».
Selon la jeune militante, elle a reçu un appel téléphonique de la part d’un service de sécurité qui lui a intimé de se présenter pour être interrogée suite à une plainte déposée contre elle par Gebran Bassil, après des publications sur Twitter et Facebook. « Je leur ai dit que je ne pouvais pas m’y rendre hier même et on s’est mis d’accord de reporter la comparution jusqu’à aujourd’hui », raconte-t-elle avant de poursuivre : « Mais je ne leur ai rien promis et il est très probable que je ne m’y rende pas du tout. » « Avant de prendre n’importe quelle décision, je consulterai le parti tout d’abord et le député Akram Chehayeb qui m’a soutenue et défendue dès le début », dit-elle.
« Je suis étudiante en droit et je sais très bien que la Constitution libanaise garantit la liberté d’expression », insiste-t-elle. « Si un député et ministre n’arrive pas à tolérer une simple opinion ou critique, comment peut-il être responsable d’une nation ? » s’est-interrogée la jeune fille avant de conclure : « Pourquoi avait-il défendu la liberté d’expression lorsqu’il s’agissait de Jean Assi, mais se déchaîne contre moi ou encore contre Rachid Joumblatt ? Adopte-t-il la politique des deux poids, deux mesures ? » Rachid Joumblatt, un ancien responsable du parti Tawhid dirigé par l’ex-ministre Wi’am Wahhab, avait lui-même été arrêté jeudi pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux Gebran Bassil, puis relaxé par le tribunal du Mont-Liban.Réagissant à cette affaire, le député Akram Chehayeb a dénoncé l’attitude de M. Bassil et réaffirmé l’attachement du PSP à la liberté d’expression. M. Chehayeb a repris la fameuse formule de Kamal Joumblatt pour commenter cette affaire : « Tout comme nous avons refusé de nous retrouver dans la grande prison par le passé, nous refusons de nous retrouver aujourd’hui dans la petite prison. »
De son côté, le député PSP Fayçal Sayegh s’est demandé, en allusion à Gebran Bassil, si « celui qui commémore les événements du 7 août 2001 ne commet pas les mêmes pratiques répressives dont nous avons tous souffert ». « Ne sait-il pas que ces pratiques sont inefficaces et ne nous effraient pas, mais qu’au contraire, elles nous renforcent dans notre détermination à dénoncer la corruption et tous les marchés douteux ? » a-t-il ajouté. « Ce qui arrive aux jeunes et aux activistes est inacceptable, et la liberté d’expression est sacrée pour le PSP », a insisté le député.
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commentaires (10)
L'OLJ aurait pu quand même faire un peu de journalisme d'investigation pour savoir par exemple s'il y a un lien de famille entre cette jeune femme et Karam chehayeb qu'elle cite comme son protecteur. Parce que ça peut quand même expliquer des choses.
Marionet
23 h 27, le 07 août 2018