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Liban - Environnement

Une nouvelle crise de déchets en perspective au Liban ?

Des activistes appréhendent un scénario visant à imposer le recours aux incinérateurs.

Photo ANI

Depuis quelque temps, les images de déchets amoncelés dans les rues hantent le quotidien des Libanais. Si jusqu’à présent ces minicrises restent encore confinées à des régions spécifiques, comme Saïda, Tyr, Nabatiyé, Tripoli, Baalbeck, le Akkar ou autres, l’hypothèse d’une crise généralisée à l’ensemble du pays n’est pas à écarter, selon des activistes qui appréhendent un tel scénario pour « imposer les incinérateurs ».
La crise des déchets à Saïda, liée à la fermeture pendant quelques jours du centre de tri de la région, s’est à peine calmée – le ministre sortant de l’Environnement, Tarek el-Khatib, ayant promis lundi de résoudre « tous les problèmes environnementaux liés à la déchetterie de Saïda d’ici à un mois » – que des crises ont éclaté au grand jour dans d’autres régions, notamment à Nabatiyé, et depuis lundi au Akkar.


(Repère : Gestion des déchets ménagers au Liban : retour sur un terrible fiasco)


À Nabatiyé, où la crise couvait depuis quelques semaines, le juge des référés Ahmad Mezher a ordonné hier l’ouverture du dépotoir situé dans la zone entre Mayfadoun, Choukine et Kfar Djal, pour une durée d’une semaine uniquement. Ce dépotoir, qui avait été fermé par décision judiciaire le 26 juin dernier, devra être fermé de nouveau le 17 juillet à midi, en attendant de trancher sur le recours présenté par le conseil municipal de Mayfadoun qui appelle à fermer définitivement le dépotoir sur base du rapport d’un expert. Le juge Mezher a en outre interdit l’incinération des déchets dans cette zone. Cette décision a provoqué la colère des habitants de Mayfadoun qui ont observé en début de soirée un sit-in dans la région du dépotoir en guise de protestation. Ils ont également coupé pendant près d’un quart d’heure la route reliant Mayfadoun à Nabatiyé.
Par ailleurs, les habitants de la ville de Nabatiyé et ses environs – où les déchets jonchent le sol depuis plusieurs semaines, notamment à Kfar Joz et Kfar Remmane – ont appelé la Fédération des municipalités de Beaufort à rouvrir l’usine de tri de Kfour qui desservait la région. Une revendication que refusent les habitants de Kfour (Nabatiyé), dénonçant « ses effets néfastes » sur leur santé.


(Pour mémoire : Les ordures à nouveau ramassées à Saïda)


Conflit sur la gestion de l’usine de Kfour
C’est justement au lendemain de la fermeture de cette usine il y a deux ans que les problèmes des déchets ont commencé à émerger dans la région. Une source proche du dossier confie à L’Orient-Le Jour que cette usine « est équipée à recevoir les déchets ». Toutefois, elle a été fermée « en raison d’un conflit entre les deux pôles chiites (le Hezbollah et le mouvement Amal) sur la partie qui devrait la gérer ».
Des mêmes milieux, on souligne que le caza de Nabatiyé n’est pas doté d’une décharge. De ce fait, plusieurs dépotoirs sauvages ont vu le jour dans différents endroits de la région. Pour cette source, « le problème des déchets à Nabatiyé ne pourra être résolu que lorsqu’on empêchera les parties politiques de se mêler du dossier ».
Au Akkar, des monticules de déchets jonchent depuis lundi le littoral. Cela est récurrent dans la région où on observe une sorte de « chaos » à ce niveau, selon Antoine Daher, président du Conseil de l’environnement au Akkar. La région est dotée d’un dépotoir, celui de Srar, « qui est en train d’être réhabilité pour devenir une décharge ». Or certaines régions et municipalités n’ont pas de contrats pour y jeter leurs déchets, note-t-il.


(Pour mémoire : RDF : un autre regard sur la réutilisation des détritus pour la production d’énergie)


Perdre une industrie de recyclage
Des activistes craignent toutefois que ces crises de déchets dans les régions ne soient un prélude pour imposer les incinérateurs. C’est le cas de Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais, qui confie que la crise des déchets profite aux pouvoirs publics. D’une part « parce que ça leur permet d’agrandir les décharges côtières pour gagner des terrains » sur la mer. D’autre part « pour imposer les incinérateurs qui profitent financièrement » à l’État. « Ils n’ont pas intérêt à ce que les usines de tri secondaire soient fonctionnelles », souligne-t-il. Or, insiste M. Abi Rached, la majorité des régions libanaises sont dotées de telles usines. « À Beyrouth et au Mont-Liban, deux usines de tri ont une capacité quotidienne de 3 000 tonnes de déchets », dit-il, dénonçant un projet mené par le conseil municipal de Beit-Méry visant à créer une nouvelle usine d’une capacité quotidienne de 400 tonnes à Monteverde, dans la vallée de Lamartine. « Cette usine surplombe aussi le fleuve de Daychouniyé qui alimente en eau le Grand Beyrouth », s’insurge M. Abi Rached.
L’écologiste déplore un manque de sensibilisation au tri à la source qui « résoudrait une grande partie du problème », puisque les déchets organiques seront transformés en compost, ceux recyclables acheminés aux usines spécialisées dans le recyclage et les déchets refusés (refuse), qui constituent 20 à 30 % de l’ensemble des déchets, seront transformés en combustible. C’est la technique du RDF (Refuse Derived Fuel) qui est notamment utilisée dans les cimenteries. Selon M. Abi Rached, les trois cimenteries du pays peuvent à elles seules recevoir mille tonnes de ces déchets, « soit la quantité produite au quotidien ». Restent près de 5% des déchets refusés qui « sont toxiques et qui doivent être enfouis dans des décharge spécialisées », note-t-il.
Pour l’activiste, les incinérateurs que compte se procurer le gouvernement non seulement posent un problème écologique – en raison des cendres toxiques et de la fumée chargée aussi de produits toxiques –, mais contribueront également à « faire perdre au pays une industrie de recyclage ». Or, insiste l’écologiste, « il existe une alternative aux incinérateurs ».

Même son de cloche chez Antoine Daher qui affirme « préférer l’amoncellement des déchets dans les rues aux incinérateurs, parce qu’on n’est pas sûr qu’ils seront bien contrôlés ». « Même les pays les plus développés n’arrivent pas à trouver une solution au problème posé par les cendres des incinérateurs qui sont largement toxiques et cancérigènes », affirme-t-il.
Paula Yacoubian, députée de Beyrouth, a fait du dossier des déchets son cheval de bataille. Suivant l’affaire de près, elle confie « craindre une crise généralisée des déchets », y compris à Beyrouth. « Je crains qu’on n’ait recours à cette méthode pour imposer les incinérateurs », avance-t-elle. La parlementaire affirme s’opposer farouchement à cette solution, notamment dans un pays comme le Liban, où la rigueur fait défaut. « Les incinérateurs doivent être accompagnés d’un contrôle renforcé, souligne-t-elle. Cela réussit dans des pays comme la Suisse, le Danemark, les Pays-Bas… mais pas le Liban où nous avons vécu l’échec du gouvernement à gérer les différents dossiers, notamment ceux écologiques. »


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Depuis quelque temps, les images de déchets amoncelés dans les rues hantent le quotidien des Libanais. Si jusqu’à présent ces minicrises restent encore confinées à des régions spécifiques, comme Saïda, Tyr, Nabatiyé, Tripoli, Baalbeck, le Akkar ou autres, l’hypothèse d’une crise généralisée à l’ensemble du pays n’est pas à écarter, selon des activistes qui appréhendent...

commentaires (9)

Plus rien à dire... Envie folle de faire les valises et quitter cet endroit définitivement (j’ai failli écrire ce pays mais je n’ai pas pu)...

Gros Gnon

07 h 14, le 12 juillet 2018

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Plus rien à dire... Envie folle de faire les valises et quitter cet endroit définitivement (j’ai failli écrire ce pays mais je n’ai pas pu)...

    Gros Gnon

    07 h 14, le 12 juillet 2018

  • Les vrais dechets à incinérer sont nos responsables politiques, des malfrats corrompus jusqu’a l’os qui continuent à contaminer le pays par leur incompetence et leurs pratiques mafieuses!

    Salamé Bassam

    20 h 34, le 11 juillet 2018

  • Si une nouvelle crise de déchets se déclare plus de touristes pour ces deux mois qui restent. Triste .

    Antoine Sabbagha

    19 h 27, le 11 juillet 2018

  • Il est temps de nommer les responsables politiques de ce probleme Qui est ou a ete depuis 10 ans le ministre ou les ministres responsable de ce probleme qu'elles sont les fonctionnaires haut place qui n'ont rien fait pour resoudre ce probleme Qui est en train de fermer les usines de recyclage partout au Liban comme a Tripoli aussi et vraiment POURQUOI Nous mettons toujours tous les politiciens dans le meme sac il est temps de dire la responsabilite reel de chacun dans le domaine que nous critiquons Cela rendra plus clair les responsabilite car critiquer tous les politiciens amene a ne responsabiliser personne OLJ pouvez vous repondre a ces questions concretement

    LA VERITE

    15 h 01, le 11 juillet 2018

  • OU AILLEURS QUE CHEZ NOUS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 54, le 11 juillet 2018

  • "...nouvelle crise des déchets...?" Mais c'est toujours la même qui dure depuis 2015, puisque personne parmi les soi-disant responsables de ce domaine: les ministres, députés, présidents divers etc. ne s'est jamais vraiment et sérieusement investi pour règler ce problème ! Faut croire qu'ils sont habitués de vivre dans la saleté et les mauvaises ôdeurs !!! Et quand ils en ont marre, ils ont les moyens de se payer des escapades ailleurs, là où c'est propre et agréable à vivre, c'est à dire en dehors de ce magnifique Liban... Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 41, le 11 juillet 2018

  • Les déchets, un immense problème mondial, touchant en particulier les pays développés Très sérieux, solutions à prendre "en amont" en diminuant les emballages, sélectionnant les déchets et les traitant suivant leur nature... Cela demande du civisme à la population et une vision écologique aux dirigeants Bon Courage

    Chammas frederico

    11 h 57, le 11 juillet 2018

  • moi j'en suis certain qu'il y aura une nouvelle crise des dechets, je n'ai aucun doute

    George Khoury

    07 h 46, le 11 juillet 2018

  • Et voilà le problème des déchets qui refait surface! Cette fois-ci au niveau de toutes les régions libanaises... Et le pire dans tout cela: on ne parle plus des décharges du Costa Brava ni de Bourj Hammoud, comme si la capitale serait épargnée! On ne trouve plus de mots pour décrire l’énormité criminelle de nos dirigeants aux mentalités mafieuses, où tout devient raison pour un affairisme corrompu et personne pour demander justice à ce pauvre peuple! Le gouffre d’incompétence où a sombré le pays semble sans fin.

    Saliba Nouhad

    02 h 16, le 11 juillet 2018

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