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Liban - Déchets

RDF : un autre regard sur la réutilisation des détritus pour la production d’énergie

Cette technique, qui produit un combustible utilisé dans l'industrie, notamment dans les cimenteries, présente de nombreux avantages par rapport à l'incinération.

Depuis que la crise des déchets a éclaté en 2015, le casse-tête se poursuit pour trouver les technologies les mieux adaptées au Liban. Nombreux sont ceux à avoir l'impression que les autorités poussent l'opinion publique vers deux uniques propositions : l'enfouissement total des ordures – ce qui se passe actuellement dans les deux décharges publiques, avec l'(in)succès qu'on connaît – et l'incinération – avec production d'énergie, selon les autorités. Or, des voix s'élèvent pour critiquer cette orientation : d'une part, les décharges côtières sont devenues des malédictions et leur inévitable agrandissement inquiète un nombre croissant de personnes ; d'autre part, les incinérateurs sont de loin la technologie la plus chère, qui nécessite, qui plus est, des années pour être mise en place.
Or, il existe, selon un expert qui a tenu à garder l'anonymat, une solution plus efficace, moins chère et moins longue à mettre en place. Le nom n'est pas inconnu du public libanais puisqu'il est évoqué régulièrement dans le débat : le RDF ou « Refuse Derived Fuel », ou de manière plus simple un combustible à partir des déchets. En d'autres termes, il s'agit de créer de petites masses compactes à partir de déchets prétraités et hachés menu, utilisées comme combustible par l'industrie, et par les cimenteries notamment.
Voilà comment cela fonctionne : le clinker de ciment (qui en est la composante de base) est produit à l'aide de matières premières brûlées dans un four à température de 1 450 degrés (plus chaud que la lave se dégageant d'un volcan), avec des flammes dont les températures avoisinent les 1 800 degrés. Le combustible y est introduit pour une durée de dix secondes au moins. Par comparaison, un incinérateur atteint les 1 200 degrés et les normes les plus strictes indiquent qu'il faut y laisser les déchets (même ceux à fort taux de chlore) pour un peu plus de deux secondes seulement.
De plus, les principales critiques à l'encontre de l'incinération viennent du fait qu'elle produit des résidus toxiques devant être traités à l'aide de technologies inexistantes au Liban. Or, le RDF présente des avantages qui permettent de contourner ce risque de pollution puisque les résidus toxiques sont incorporés par la suite au ciment (contrairement à l'incinération), d'où il leur est absolument impossible de se dégager, même accidentellement. Et les avantages sont multiples : les métaux lourds, particulièrement néfastes pour l'environnement et la santé, sont eux aussi inclus à la production du ciment. Sans compter que l'utilisation du RDF en cimenterie détruit complètement les composantes des déchets organiques par ses hautes températures, qu'elle offre un processus de traitement des gaz hautement performant, et qu'elle neutralise totalement des polluants tels que les gaz acides, les oxydes de soufre et les chlorures d'hydrogène.
En termes d'émissions, le taux de CO2 est nettement réduit avec le RDF par rapport à l'incinération, et celui des oxydes d'azote possiblement atténué. Pour les autres polluants, comme les petites particules, le dioxyde de soufre, les métaux lourds, les dioxines... il n'y a pas de différence notable.
Autre avantage du RDF : un contrôle facile de la performance environnementale et sanitaire. En fait, dans les fours des cimenteries (ou autres industries), les émissions sont continuellement surveillées au niveau des cheminées avec des analyseurs connectés et des audits réguliers. Et, pour une meilleure transparence à l'endroit des acteurs concernés et des communautés locales, le contrôle peut être effectué par une tierce partie. En effet, le refus des communautés locales est un réel risque au Liban, comme l'expérience l'a montré, mais il touche autant l'incinération que le RDF ou d'autres options de traitement.

« Meilleure technique disponible » ?
Le RDF est par excellence un exemple de cotraitement des déchets, soit leur utilisation comme combustible, en toute sécurité. En effet, la Commission européenne, dans son ambitieux « Paquet économie circulaire », a publié un guide sur le traitement des déchets destiné aux pays membres : ce document insiste sur le fait qu'il est possible de générer de l'énergie à partir de déchets qui ne sont ni recyclables ni réutilisables, et considère le cotraitement dans les cimenteries comme une solution de l'ordre de la production d'énergie à partir des déchets (« Waste-To-Energy »). Il montre aussi que plus les États ont recours à cette solution, moins ils enfouissent de détritus en décharges. Enfin, il place le RDF comme « Best Available Technique » (BAT, la meilleure technique disponible) du point de vue des émissions industrielles et de la prévention de la pollution.
Mais l'argument le plus à même de faire pencher la balance en faveur de l'adoption du RDF est financier : par rapport à l'incinération, tous les coûts sont nettement réduits. Ainsi, si l'on compare les deux options, à hauteur de 400 000 tonnes par an, voilà les avantages financiers directs et indirects du RDF, selon l'expert :

– L'investissement initial pour le RDF se limite à 50 ou 60 millions de dollars pour les installations du prétraitement, et 10 millions pour la transformation des usines, alors qu'il est de 250 à 300 millions de dollars dans le cas de l'installation d'un incinérateur.
– Le RDF produit 60 000 tonnes de résidus non toxiques au cours de l'étape du prétraitement, et des résidus chlorés recyclés dans le ciment, alors que l'incinération produit 80 000 tonnes de résidus non toxiques et 20 000 tonnes de résidus toxiques nécessitant des décharges spécialisées non disponibles au Liban.
– Le RDF permet le recyclage de 25 000 tonnes par an, contre aucune pour l'incinération.
– La récupération d'énergie est de 100 % pour le RDF, contre 25 % en cas de production d'énergie par l'incinération.
– Le délai de mise sur le marché est nettement plus court, de moins de deux ans pour le RDF, contre plus de trois ans pour l'incinération.

70 dollars contre 150 au moins...
Dans le contexte politico-économique du Liban, les bénéfices du RDF sont nombreux, estime encore l'expert. Il s'agit tout d'abord d'une solution qui peut être mise en place rapidement, un argument non négligeable dans cette crise interminable qui secoue le Liban : six mois au cas où des installations de prétraitement des déchets (transformation en RDF) existent, et 24 mois s'il faut commencer à zéro.
Autre argument : cette technologie est bien moins chère que l'incinération et permettrait d'économiser 205 millions de dollars pour chaque 400 000 tonnes (on estime que le coût par tonne se limite à 70 dollars, contre 150 pour l'incinération). Son coût de fonctionnement est aussi bien plus bas, variant de 20 à 40 millions de dollars pour le même volume de déchets.
L'argument écologique majeur est que le RDF ne produit pas de résidus toxiques que le Liban serait bien incapable de gérer, tout en permettant de traiter tous types de déchets, y compris les pneus usagés, les boues des eaux usées ou encore les déchets industriels. La réduction de la dépendance à l'importation des énergies fossiles devrait également interpeller les autorités libanaises, tout comme la réduction de production de CO2.
Il va de soi que ce n'est pas une seule technologie qui peut résoudre le problème des déchets au Liban. Mais le RDF, si l'on prend en compte la capacité des cimenteries du pays, apporte l'avantage de réduire nettement le volume de déchets à traiter, dans tous les cas de figure, et bien plus rapidement et sûrement que d'autres techniques. La méfiance des communautés locales est une évidence, et elle s'est déjà manifestée à l'occasion de tests effectués dans les cimenteries sous la supervision du ministère de l'Environnement : considérant que cette méfiance (et même hostilité) n'est pas propre au RDF, il faut privilégier la transparence et le dialogue, comme cela a été le cas en Pologne, où le recours aux combustibles alternatifs a commencé il y a vingt ans et constitue dorénavant 55 % de l'énergie thermale dans les cimenteries polonaises.

Depuis que la crise des déchets a éclaté en 2015, le casse-tête se poursuit pour trouver les technologies les mieux adaptées au Liban. Nombreux sont ceux à avoir l'impression que les autorités poussent l'opinion publique vers deux uniques propositions : l'enfouissement total des ordures – ce qui se passe actuellement dans les deux décharges publiques, avec l'(in)succès qu'on connaît...

commentaires (2)

LA TECHNOLOGIE LA PLUS CHERE ! EH BIEN, LA LATTA SERA DE LA TAILLE DE CETTE CHERETÉ ET LES POCHES REMPLIES !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 21, le 03 janvier 2018

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Commentaires (2)

  • LA TECHNOLOGIE LA PLUS CHERE ! EH BIEN, LA LATTA SERA DE LA TAILLE DE CETTE CHERETÉ ET LES POCHES REMPLIES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 21, le 03 janvier 2018

  • 1-je me pose la question , a savoir pourquoi ce voile obscur couvre une projet ESSENTIEL . 2- puis je me dis, ben C pareil pour le projet de l'energie electrique, ESSENTIEL aussi(bateux generateurs, etc... ) puis je comprend mieux : ce voile couvre depuis des annees le projet # 2 - projet qui une fois finalise ne sera + rentable QU'AUX LIBANAIS, alors que les benefices du secteur prive et/ou prive/public du # 1 seront inepuisables !! imaginez alors les couteaux tires d'ici encore une decennie avant qu'une solution - une vraie- ne soit enfin mise au point et agreee.

    Gaby SIOUFI

    10 h 17, le 03 janvier 2018

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