À quelque chose malheur est bon, dit le proverbe. L’enrayement du processus de formation d’un nouveau gouvernement a eu au moins cet avantage de révéler à l’opinion le caractère naïvement mimétique de l’accord – secret– de Meerab conclu entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, sur le modèle de l’accord entre le Hezbollah et le mouvement Amal. L’accord, rappelle-t-on, avait trois objectifs : une réconciliation interchrétienne, l’adhésion des Forces libanaises à la candidature présidentielle de Michel Aoun et un partenariat politique au niveau du gouvernement et de l’administration.
De ces trois objectifs, le premier a été plus ou moins atteint, et béni par le patriarcat maronite qui travaille à sa consolidation et à son approfondissement. En effet, la fin de l’état de guerre entre les FL et Michel Aoun, aussi positive qu’elle soit, doit encore atteindre la mémoire profonde de la population qui s’y trouvait engagée. Des blessures du passé, toutes ne sont pas guéries, et l’Église, consciente de cet aspect des choses, continue de se battre ponctuellement contre les séquelles de la guerre fratricide ponctuée de massacres, d’injustices graves, d’atrocités.
Mais quel que soit le caractère sommaire de la réconciliation décidée, l’accord a le mérite d’avoir lancé une dynamique de pacification des relations personnelles et de guérison de la mémoire collective des années de guerre, que le siège patriarcal maronite tient pour essentiel, et qu’il fera tout pour préserver.
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Le deuxième objectif de l’accord de Meerab a également été atteint. Avec l’élection présidentielle, une page trouble, voire glauque, de la vie politique libanaise a pu être tournée. Que certains l’aient considérée comme une guerre d’usure, voire un chantage, que Michel Aoun a fini par gagner ne change rien aux choses. Ce que cette élection a permis, c’est la relance d’un espoir que l’on croyait perdu, un retour à la stabilité, le vote d’une nouvelle loi électorale et l’organisation d’élections législatives. Enrayé, le processus constitutionnel a donc pu reprendre.
En revanche, le troisième objectif de l’accord de Meerab s’est révélé être un total échec, comme le montrent bien la dispute sur les portefeuilles ministériels et certains autres combats qui la préfiguraient, comme les vains efforts des FL pour placer leur homme à la tête de Télé-Liban. L’échafaudage patiemment construit par Melhem Riachi et Ibrahim Kanaan s’est effondré sur ce plan comme un château de cartes, révélant les graves failles sur lesquelles cette structure était en train d’être bâtie.
Comme on l’a écrit dans ces pages, les Libanais ont pu apprendre que les FL et le CPL, croyant sincèrement qu’ils représentaient 80 % de la rue chrétienne, avaient pratiquement décidé de monopoliser, ou de truster à leur profit, la vie politique et les postes administratifs de première catégorie qui l’accompagnent. Il va sans dire que la réalité a démenti cette double prétention. Pour le prouver, il n’y avait qu’à constater le pourcentage élevé d’abstention qui a marqué la consultation électorale. Près de la moitié des Libanais ont exprimé par l’abstention leur hostilité ou leur profonde indifférence à son égard.
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Par ailleurs, le tandem FL-CPL pouvait-il faire passer par pertes et profits les autres personnalités et partis représentatifs de la société chrétienne, comme le parti Kataëb, les Marada, le PNL, le Bloc national, ainsi que plusieurs personnalités parmi celles qui ont fait le 14 Mars 2005 ?
La réponse à cette question théorique est, bien sûr, négative. Du reste, la rue chrétienne a exprimé ses objections vis-à-vis d’un accord considéré comme contraire à une saine pratique de la démocratie, du pluralisme, de la reconnaissance de l’autre. C’est ainsi que le parti Kataëb a multiplié les contacts pour résorber les effets d’un accord édifié sur une fausse présomption, et dont le but était de monopoliser la représentation chrétienne au profit exclusif de deux formations. Mais la principale faille de l’accord de Meerab reste le profond désaccord entre les FL et le CPL sur la place et le rôle du Hezbollah dans la vie nationale. Cette divergence stratégique suffisait, à elle seule, à fragiliser l’édifice, et certains, lors de sa négociation, n’ont pas hésité à le dire.
L’accord de Meerab jure en effet avec l’entente de Mar Mikhaël entre le CPL et le Hezbollah, car il légalise en quelque sorte les armes du parti chiite et leur maintien en dehors du pouvoir coercitif exclusif réservé à l’État, ce qui contredit totalement les principes auxquels sont attachées les Forces libanaises.
En dépit de ces profondes contradictions qui les opposent, de la querelle des chefs qui s’y superpose, en dépit même de l’ambiguïté du double rôle que joue dans cette affaire le chef de l’État, comme juge et partie, le CPL et les FL restent attachés au succès de l’accord de Meerab, quoique Gebran Bassil estime possible de le réaménager en fonction de données nouvelles, mais après la formation du nouveau gouvernement. C’est la raison pour laquelle les contacts entre les deux formations se poursuivent, et sont même appelés, selon certaines sources, à s’intensifier dans les prochains jours.
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commentaires (4)
j'adore le calcul mental propre a ma generation. 1-80% de 50% de votants = 40 % 2-40% des 50% qui n'ont pas vote = 20 % DONC FL+CPL ont obtenu 20% des voix chretiennes libanaises. NB. Important a preciser que ce chiffre est genereux puisqu'incluant les deputes elus ne faisant pas partie des FL , encore moins du cpl. ==ces 2 la ne devaient donc pas se permettre d'appeler leurs magouilles RECONCILIATION CHRETIENNE BON,ceci dit, loin de tout sentimentalisme dont on m'accuse moi aussi- geagea ni quiconque n;avait le droit de pretendre a se partager quoique ce soit, rapport aux droits des chretiens libanais- geagea ni aoun ni personne . finalement soyons objectifs en rappelant que deja, cet accord de meerab etait inconsistant, illogique et certainement pas pour le bien de la nation, encore moins pr celui des chretiens ,puisque "accord" il y a eut sur slt sur les clauses relatives a leurs interets propres, mais celles conflictuelles - a peine adressees elles.
Gaby SIOUFI
12 h 06, le 10 juillet 2018