L'accord de Meerab qui avait acté, en janvier 2016, le soutien des Forces libanaises à la candidature du fondateur du Courant patriotique libre, Michel Aoun, à la présidence de la République, comporte une clause dévoilée jeudi par les FL stipulant un partage équitable des portefeuilles dans tout gouvernement entre les deux formations chrétiennes et le chef de l’État.
Les relations entre les FL et le CPL sont devenues orageuses dans le sillage des divergences au sein du gouvernement sortant, de la campagne des législatives et des revendications des deux camps sur leur part dans le futur cabinet. La semaine dernière, le parti de M. Geagea a rendu public le volet politique de ce texte. L'occasion de revenir sur cet accord vacillant, mais que les deux camps s'efforcent de garder en vie.
Contexte
Presque deux mois avant la fin du mandat du président Michel Sleiman, le 25 mai 2014, les Forces libanaises annoncent à Meerab la candidature de Samir Geagea à la présidence de la République. Le courant du Futur, qui dialogue avec le CPL depuis quelques semaines sur cette question, déclare son soutien à la candidature de son allié. Michel Aoun, candidat non déclaré à la présidence, annonce la rupture de ces discussions quelques mois plus tard. Aucun des deux camps n'est capable de réunir une majorité pour élire un chef de l’État, poste réservé à un maronite.
Pour parer le vide à la magistrature suprême, les FL et le CPL, pourtant rivaux depuis des décennies sur l'échiquier politique, entament des contacts. En juin 2015, après des déclarations d'ouverture entre les deux hommes, Michel Aoun et Samir Geagea se retrouvent à Rabieh, une première depuis 2005. Les deux partis dévoilent une déclaration d'intentions. En novembre, le leader des Marada, Sleiman Frangié, annonce à son tour sa candidature à la magistrature suprême après une rencontre avec Saad Hariri.
Après plusieurs rencontres s'étalant sur plusieurs semaines, notamment entre Ibrahim Kanaan, député CPL, et Melhem Riachi, alors membre du directoire FL, Michel Aoun, qui quitte durant cette période la présidence du CPL passant le relais à son gendre Gebran Bassil, se rend à Meerab le 6 janvier 2016 pour officialiser le soutien de Samir Geagea à sa candidature à la présidence de la République. Un soutien qui se traduit par l'élection, le 31 octobre de la même année, de Michel Aoun à la tête de l'Etat.
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Les 10 points de l'accord
Le document de 4 pages comprend 10 points de politique générale. Il stipule, entre autres, "l'appui à l'armée libanaise et l'instauration de la seule autorité de l'État sur tout le territoire", une référence au Hezbollah et à ses armes, et "l'interdiction d'utiliser le Liban comme point de départ des armes et des combattants". Il insiste également sur "la nécessité de la mise en place d'une politique étrangère indépendante qui garantirait le bien du pays".
Le 1er point stipule que M. Geagea déclare son soutien à la présidence. Le deuxième stipule que les deux camps ne modifieront pas leur position si la candidature Aoun n'obtient pas de majorité au Parlement. Le troisième concerne l'après-élection de M. Aoun à la tête de l’État. Dans le deuxième alinéa de ce 3ème point, les deux camps s'accordent à respecter la représentation des sunnites dans le choix du Premier ministre, estimant que chaque communauté doit porter au pouvoir son représentant le plus fort.
Le troisième alinéa, dévoilé jeudi par les FL, stipule un partage équitable des portefeuilles entre le CPL, les FL et le président selon deux équations. Si le gouvernement compte 30 ministres, le CPL et les FL auront chacun six ministres, et trois autres seront choisis par le chef de l’État. Si le gouvernement comprend 24 portefeuilles, les CPL et les FL auront chacun droit à quatre ministres, tandis que le président en aura deux. Il est également indiqué qu'un partage équitable des hauts postes au sein de l'administration de l’État sera effectué entre les deux partis.
Cet volet a été violemment critiqué par plusieurs pôles chrétiens extérieurs au tandem CPL-FL. Le député de Zghorta Tony Frangié a estimé que l’accord de Meerab était une "tentative d’annihilation qui a échoué", donnant "l’impression que le CPL et les FL sont les uniques représentants des chrétiens". L’ancien député Boutros Harb a dénoncé "un marché politique dans lequel les deux partis se sont répartis les butins et les postes attribués aux chrétiens au sein du pouvoir, visant à annihiler les autres chrétiens".
Le 4ème alinéa stipule que les formations s'accordent sur l'élaboration d'une nouvelle loi électorale pour les élections législatives. Le 5ème alinéa que les FL et le CPL mènent la campagne des législatives comme ils l'entendent et avec les alliés qu'ils souhaitent. Le 6ème et dernier alinéa stipule que les deux partis œuvrent pour la réussite du mandat de Michel Aoun.
L'accord ébranlé mais toujours en vigueur
La semaine dernière, le leader du CPL, Gebran Bassil, avait accusé les FL d’avoir manqué à leur soutien au régime de Michel Aoun en critiquant certains dossiers, notamment celui des navires-centrales, et de remettre en cause les prérogatives du président de la République en demandant la vice-présidence du Conseil des ministres. De son côté, M. Geagea a critiqué à plusieurs reprises le "sens du partenariat" de M. Bassil, reprochant à ce dernier de prendre des décisions et des positions unilatérales.
Alors que M. Bassil a estimé que l'accord de Meerab avait été ébranlé, le leader des FL a assuré qu'il n'était pas mort malgré les tensions entre les deux partis chrétiens. Selon l’agence al-Markaziya, le patriarche maronite, Béchara Raï, qui est rentré hier de Rome, va bientôt appeler à une rencontre entre les représentants des CPL et des FL pour calmer le jeu.
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09 h 00, le 10 juillet 2018