Pendant un an, les habitants de Akoura ont été amenés à penser que le projet de carrières qui menace leur montagne et contre lequel ils se sont mobilisés avait été irrévocablement rejeté par la municipalité du village. Lundi, ils ont appris par une source que le projet a subitement – ou pas – refait surface. Selon un activiste de la région, le conseil municipal doit tenir aujourd’hui à 18h une réunion extraordinaire avec un seul point à son ordre du jour : l’élaboration d’un cahier des charges sur base duquel la compagnie Moawad-Eddé devra exploiter la montagne. Les pierres seraient extraites de ces carrières au profit de la construction du barrage de Balaa.
« La région ciblée par ce projet, appelée Aïn el-Debb, est le plus haut point du village de Akoura et de tout le caza de Jbeil », précise l’activiste, avant de poursuivre : « Non seulement elle constitue le réservoir d’eau du village, mais elle est couverte de genévriers millénaires ! » L’activiste a également signalé que l’Initiative de reboisement du Liban (Lebanon Reforestation Initiative – LRI), qui avait entamé à Akoura un projet s’étalant sur dix années, a menacé d’arrêter définitivement le financement au cas où le projet est approuvé.
« Puisque ce projet de carrières sert exclusivement à la construction du barrage de Balaa, il a été à deux reprises proposé à la municipalité de Tannourine qui l’a rejeté, à chaque fois en raison des dégâts qu’il causerait au village », note l’activiste. « La municipalité de Akoura, quant à elle, l’a approuvé en contrepartie d’une somme d’un million de dollars, donc d’un dollar par mètre cube », ajoute-t-il. Le jeune homme assure que « les habitants du village s’opposent catégoriquement à ce projet, et sont prêts à défendre leur montagne bec et ongles et à interdire s’il le faut aux bulldozers d’entamer les travaux ».
Face à ce projet désastreux, Paul Abi Rached, fondateur de l’association Terre-Liban et du Mouvement écologique libanais (LEM), tire la sonnette d’alarme. « Akoura ne perdra pas uniquement son paysage, mais court le risque d’une pollution visuelle, sonore, atmosphérique et aquatique », met en garde l’expert, avant de poursuivre : « Ces carrières nuiront à la culture des pommes pour laquelle la région est célèbre, et risqueront d’altérer le cours d’eau dans les nappes souterraines, ce qui mettra en péril l’eau potable de la région. » « Non seulement le village sera massacré, mais le barrage de Balaa ne fonctionnera jamais en raison des gouffres profonds qui ont été découverts », martèle-t-il.
En ce qui concerne les genévriers millénaires, M. Abi Rached a rappelé que toute terre couverte de genévriers, de cèdres et de sapins de Cilicie est de facto protégée, conformément à la loi sur les forêts. « Ce projet est un suicide pour Akoura, gratuit de surcroît », conclut-il.
Le président du conseil municipal sur la défensive
Interrogé par L’Orient-Le Jour, le président du conseil municipal de Akoura, Mansour Wehbé, assure tout d’abord qu’« il s’agit de la construction d’un lac dans une région rocheuse pour des raisons purement touristiques et que les roches extraites à cette fin seront vendues ». Quid des nappes d’eau souterraine, du réservoir d’eau que constitue cette montagne pour le village, et des genévriers millénaires qui s’y trouvent ? « Les nappes souterraines sont à cent mètres de profondeur alors que la construction du lac n’atteindra pas les dix mètres », répond-il. M. Wehbé explique le refus de Tannourine d’accueillir ce projet par la nature de ses terres qui ne servent pas à la construction du barrage, et précise que les roches de Akoura sont faites de sable et n’ont pas de valeur importante. Quel est le zoning de la région ciblée par la construction du lac qui s’élève à plus de 1 800 mètres d’altitude ? « Le terrain est classé touristique », répond-il, avant de rectifier : « Nous avons modifié le zoning du terrain en question. » « Ce ne sont que des mensonges pour semer le doute autour de cette histoire sans livrer tous ses aspects, martèle M. Wehbé. Ces gens-là veulent uniquement distiller leur venin sur Facebook. » En ce qui concerne les genévriers, arbres pour lesquels le jurd de Akoura est connu, le président de la municipalité assure qu’il n’y en a pas dans la région.
Par ailleurs, le président du conseil municipal livre une réponse assez vague lorsqu’il est interrogé sur l’étude d’impact sur l’environnement, se contentant d’assurer que « l’environnement a été respecté et tout a été fait », sans préciser s’il y a eu des études spécifiques. Le conseil municipal de Akoura a-t-il obtenu un permis de la part du Haut Conseil des carrières (présidé par le ministre de l’Environnement) ? M. Wehbé répond qu’il n’en a pas besoin puisqu’il ne s’agit pas de carrières, mais de construction d’un lac.
Dans ce cadre, il convient de rappeler que le plus souvent, les carrières ne sont pas identifiées comme telles et sont camouflées sous d’autres appellations et d’autres projets. « J’ai le droit de vendre les pierres à qui je veux », martèle le président du conseil municipal, interrogé sur le contrat avec l’entreprise Moawad-Eddé. M. Wehbé est visiblement sur la défensive puisque, dès qu’il lui est demandé quel sera le rendement de cette activité d’achat et de vente, il répond du tac au tac : « Ce n’est pas votre affaire. »
« Un projet-camouflage »
Selon un activiste en faveur de la protection de l’environnement originaire de Akoura contacté par L’OLJ, la construction du lac n’est qu’un camouflage pour mettre en place un projet de carrières. « Il n’y a pas moyen de construire un lac d’eau sur une terre à 100 % rocheuse parce que l’eau ne peut pas y être stockée », explique-t-il, avant de s’interroger sur les avantages potentiels d’un tel projet qui, selon lui, ne favorise ni les bergers ni les agriculteurs et n’apporte aucune valeur ajoutée à l’économie du village.
L’activiste se penche ensuite sur la question de la profondeur des nappes souterraines contre celle du lac envisagé : « Même si les pierres sont extraites de la surface de la montagne, le tremblement qui en résulte est à lui seul capable de causer des fissures dans les roches et d’altérer le cours des eaux souterraines. La rivière Roueiss risque de sécher s’il s’avère que ses eaux passent par l’un des points visés par l’extraction des roches. » Il insiste, par ailleurs, sur la présence de genévriers sur la montagne et dans la région ciblée, et réfute l’argument selon lequel les carrières n’auraient pas eu lieu à Tannourine en raison de la nature de ses roches qui ne servent pas à la construction du barrage de Balaa. « Akoura et Tannourine ont la même géologie et les deux villages partagent d’ailleurs les mêmes limites », s’insurge-t-il. « Pourquoi ce projet a été préparé en catimini et n’a pas été rendu public dans une annonce ou une conférence de presse ? se demande-t-il enfin. Les habitants du village ne méritent-ils pas de décider du sort de leur montagne ? »
Pendant un an, les habitants de Akoura ont été amenés à penser que le projet de carrières qui menace leur montagne et contre lequel ils se sont mobilisés avait été irrévocablement rejeté par la municipalité du village. Lundi, ils ont appris par une source que le projet a subitement – ou pas – refait surface. Selon un activiste de la région, le conseil municipal doit tenir...
commentaires (10)
Il faut chasser le Wehbé du Liban. Ce n'est pas son pays. Le Liban est un pays qui appartient aux Libanais et non à ceux qui veulent avoir des billets de banque. Quelle Honte!!!!!!!!!!! '
Georges Zehil Daniele
19 h 37, le 07 juin 2018