Le Premier ministre sortant Saad Hariri, chargé par le président Michel Aoun de former le gouvernement, a mené lundi des consultations parlementaires non contraignantes au siège de la Chambre au cours desquelles les représentants des différents blocs issus des dernières élections législatives ont exprimé leurs revendications concernant le nombre et les titulaires des portefeuilles ministériels qu'ils convoitent. Les principaux pôles du pouvoir ont appelé à une formation rapide d'un gouvernement élargi d'union national. La Constitution ne prévoit pas de délai pour la formation du cabinet, une opération complexe intégrant plusieurs paramètres.
Voici ce qu'il faut savoir :
Répartition communautaire
L'usage de ces dernières années veut que le gouvernement, considéré de facto comme un "mini-Parlement", compte entre 24 et 32 ministres au sein d'un cabinet d'union nationale, équitablement reparti entre chrétiens et musulmans. Ceci afin que l'ensemble des communautés soient globalement représentées proportionnellement à leurs sièges réservés au Parlement.
A titre d'exemple, le gouvernement sortant de 30 ministres comptait 15 ministres chrétiens (6 maronites, 4 grecs-orthodoxes, 3 grecs-catholiques et 2 arméniens) et 15 ministres musulmans (6 sunnites, 6 chiites et 3 druzes).
Les ministères particulièrement convoités
- Les portefeuilles régaliens
Par usage, deux chrétiens (un maronite et un grec-orthodoxe) et deux musulmans (un chiite et un sunnite) se partagent les ministères des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances et de l'Intérieur.
Dans les 17 gouvernements formés depuis l'accord de Taëf en 1989, les titulaires chrétiens de ces portefeuilles ont été nommés par les chefs d’État et les principales formations politiques de la rue chrétienne ; les titulaires sunnites de ces ministères par les Premiers ministres, et les titulaires chiites de ces fonctions sont parrainés par le tandem Hezbollah-Amal.
Le ministère de la Justice sert de variable d'ajustement aux équilibres politiques.
- Les portefeuilles "de service"
Les négociations les plus serrées concernent les ministères chargés de la gestion des infrastructures, savoir ceux de l'Énergie, des Télécoms et des Travaux publics ; et ceux des services publics fondamentaux, à savoir ceux des Affaires sociales, de l’Éducation et de la Santé.
Les discussions autour de ces portefeuilles sont élargies à l'ensemble des formations politiques, notamment celles issues des communautés druze et arménienne.
- Autres ministères et portefeuilles d’État
Les ministères chargés des affaires économiques, à savoir ceux de l'Agriculture, l’Économie, de l'Industrie et du Travail ; ainsi que les portefeuilles de la Culture, des Déplacés, de l'Environnement, de l'Information, des Sports et du Tourisme, sont l'objet d'une répartition numérique en fonction de la part attribuée à chaque formation.
Les ministères d’État, comme ceux du Développement administratif et des Relations avec le Parlement, entrent également dans ce cadre.
(Lire aussi : Trois nœuds pour la formation du gouvernement, mais des tractations rapides, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Les revendications des blocs
Chrétiens
- Le Courant patriotique libre (21 députés) réclame un portefeuille régalien, le ministère des Finances ou de l'Intérieur. Il a demandé que les communautés alaouite et syriaque soient représentées au sein du gouvernement. Selon des sources à L'Orient-Le Jour, le CPL réclame 6 portefeuilles et le président Michel Aoun pourrait nommer 5 ministres.
- Les Forces libanaises (15 députés) réclament une représentation "équivalente" à celle du CPL au sein du gouvernement, remettant en question la pertinence d'une part attribué au chef de l'Etat, étant donné qu'il est le fondateur du CPL.
- Le bloc des députés arméniens (3 députés) réclame deux portefeuilles pour la communauté arménienne - un arménien catholique et un arménien orthodoxe - dont un au Tachnag, au sein d'un gouvernement de 32 ministres.
- Le bloc des Kataëb (3 députés) n'a pas encore annoncé s'il participerait ou nom au gouvernement.
- Le bloc du PSNS (3 députés) réclame une réactivation des ministères des Municipalités, des Emigrés et de la Planification.
- Le bloc national (6 députés), comprenant les Marada, les élus de la liste de l'ancien ministre Fayçal Karamé et le député Farid Haykal el-Khazen, réclame deux portefeuilles, l'un pour un chrétien, l'autre pour un musulman. Il demande un ministère important, citant les Travaux publics, l'Energie ou les Télécoms, ainsi qu'un autre ministère.
Sunnites
- Le bloc du Futur (19 députés) n'a officiellement réclamé aucun ministère en particulier mais, selon des sources à l'OLJ, il en réclamerait 6, soit la totalité des portefeuilles réservés à la communauté dans un gouvernement élargi. Le Futur occupe 17 des 27 sièges dévolus à la communauté sunnite.
- L'ancien Premier ministre Tammam Salam, député indépendant de Beyrouth, élu sur la liste du courant du Futur, s'est prononcé en faveur de la séparation des fonctions de député et de ministre et d'une rotation des portefeuilles.
- Le bloc du Centre indépendant (4 députés), dirigé par l'ancien Premier ministre Najib Mikati, a indiqué avoir demandé un portefeuille.
- Fouad Makhzoumi, député sunnite de Beyrouth, n'a demandé aucun portefeuille.
Chiites
- Le bloc du mouvement Amal (17 députés) a réclamé un ministère régalien et l'application du principe du "4 députés, un ministère". La formation dirigée par Nabih Berry, qui a 17 députés, a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de conserver le portefeuille des Finances.
- Le bloc du Hezbollah (13 députés) a réclamé "des portefeuilles de poids que nous considérons comme nous revenant de droit". Selon certaines sources, il réclamerait trois ministères. Jamil Sayyed, membre indépendant de ce bloc, réclame que le ministère de la Justice revienne à son "camp politique".
Le Hezbollah et le mouvement Amal ont raflé 26 des 27 sièges dévolus à la communauté chiite au sein de l'Assemblée.
Druzes
- Le bloc parlementaire de la "Rencontre démocratique" (9 députés), dont le PSP de Walid Joumblatt est la principale composante, réclame que l'ensemble des portefeuilles réservés à la communauté druze, lui revienne. Mais l'émir druze Talal Arslane, au nom du bloc "La garantie de la Montagne" (4 députés), réclame l'un de ces portefeuilles.
La déclaration ministérielle
Selon l'article 64 de la Constitution, le gouvernement doit présenter à la Chambre de députés sa déclaration ministérielle en vue d'obtenir sa confiance, dans un délai de trente jours suivant la parution du décret de formation du gouvernement, signé par le chef de l’État et le Premier ministre. Il s'agit d'un document présentant la feuille de route de politique générale que va suivre le gouvernement. Il est rédigé par une commission ministérielle nommée à cet effet.
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commentaires (8)
Toutes ces petites querelles byzantines finiront par s'estomper, on verra au final que le gouvernement se fera avec des contents et des mécontents , mais une chose est certaine et sur celle là ON ne transigera, c'est l'orientation résistante du nouveau cabinet . VOILÀ OÙ L'INTELLIGENCE SE SERA LE MIEUX EXPRIMÉE.
FRIK-A-FRAK
11 h 42, le 29 mai 2018