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Lifestyle - Zawarib Beirut

De Bliss à Bliss, les parfums du printemps

Autour de l’AUB, de l’histoire, des histoires, des arbres et des fleurs.

Rue Bliss. Photo Michel Sayegh

Dans Beyrouth, la ville du chaos et de cet indéfinissable charme, avril et mai sont un bouquet de couleurs et de parfums, des fleurs printanières, du jasmin, des fleurs d’oranger (bousfeir), et parfois aussi, hélas, des senteurs moins agréables, inévitable pollution oblige. C’est également la floraison d’expositions, surprenantes, belles, comme celle de Katya Traboulsi, Perpetual Identities, jusqu’au 28 avril à la galerie Saleh Barakat, ou encore celle de Abed al-Kadiri, Story of a Rubber Tree, jusqu’au 4 juin au musée Sursock. Les deux balancent dans un bel équilibre entre nostalgie et dynamisme, guerre et après-guerre, avec une réflexion sur la vie et un certain style de vie. Le rubber tree, cet hévéa très local, en particulier, symbolise à la perfection le paysage urbain de Beyrouth, aimé, oublié, ignoré mais à peine aperçu, apprécié à nouveau.
À toute cette politisation sous-jacente est venue s’ajouter une demande d’une délégation internationale de dignitaires qui proposent une visite politique guidée de notre ville. Une démarche qui souligne cet aspect de notre ville. De Solidere à la place des Martyrs et au Holiday Inn, partout, des traces du passé, des images, des slogans deviennent les repères d’une ville marquée de cicatrices.

Flash-back
Ainsi, dans les années 60, alors que John Kennedy, alors président des États-Unis, se battait contre les fantômes post-Deuxième Guerre mondiale et contre le communisme, et était animé par une méfiance à l’égard des Soviétiques, que Gamal Abdel Nasser venait de renverser la monarchie et s’apprêtait à imposer de grands et nécessaires bouleversements en Égypte, Beyrouth, comme il a été si souvent répété, entrait dans ses années de gloire : Ras Beyrouth en était le centre, le cœur battant d’un Moyen-Orient en éclosion et la magnifique illustration de cette période dorée.
Avec une Brigitte Bardot certes capricieuse, mais tellement glamour, qui a gardé l’empreinte de son passage aux Caves du Roy, en présence de Günter Sachs, son compagnon de l’époque, Aïn el-Mreissé (aujourd’hui proche de Zaytouna Bey), jusqu’à Hamra, regroupait toutes les agitations d’une ville en pleine effervescence, pleine de rêves et d’espoirs. Le Grenier, L’Excelsior, le Stéréo 70, l’Epi Club, et j’en passe…
Aujourd’hui, en se baladant de Zaytouna Bay vers Hamra, en croisant la statue Gamal Abdel Nasser, sur la place éponyme, en se dirigeant vers la rue John Kennedy et la fameuse Maison Blanche qui s’y trouve, la mémoire de la guerre est toujours perceptible, même si discrète ou sournoise. Sans doute ces hôtels encore détruits, témoins et porteurs d’histoires et de traces de guerre civile. Le Holiday Inn, mais aussi le Saint-Georges, entièrement ou partiellement détruits, ou le Vendôme, qui porte encore en lui la gloire passée. Le contraste entre une architecture resplendissante, même si en état de délabrement, et ces tours laides et imposantes auxquelles vient s’ajouter une cacophonie quotidienne composée d’un mélange de bruits de machines et de gens est un moment de surprenant bonheur. Même si étrange, même si intense.

Triangle bleu et vert
De la place Abdel Nasser, en tournant le dos à la mer, le regard vers la rue Graham est suspendu à ce vieux mur qui cache derrière lui les jardins et les bâtiments de l’École supérieure des affaires. Un peu plus haut, une des plus belles vieilles demeures libanaises, transformée en restaurant, Le Casablanca, jouit d’une vue imprenable sur cette indétrônable Corniche. Encore plus haut, là où était le regretté Théâtre de Beyrouth, l’ESA rejoint la rue John Kennedy et nous embarque vers Bliss et l’AUB.
Plusieurs itinéraires sont possibles, des ruelles tortueuses, des escaliers, des coins cachés et insoupçonnés qui feront le bonheur des piétons, jusqu’à oublier, par endroits, qu’ils sont au cœur de la ville. La rue John Kennedy se termine à la place Kamal Salibi, en face de la Medical Gate de l’AUB. À quelques lieux de la rue Makhoul, charmante, toujours à l’ombre des rues voisines, Bliss et Sidani. Moins commerciale, plus séduisante, elle a accompagné, fidèle et silencieuse, la naissance, le déclin et la renaissance de la rue Hamra.
Au bout de la rue qui longe l’entrée principale de l’AUB, le Blue Building se dresse comme un repère, un baromètre qui réunit locaux et expatriés. Les deux églises, la First Baptist Bible Church, également connue sous le nom de German Church, et la St Mary’s Church & College offrent toutes les deux une architecture intéressante. Un peu plus loin, avant la jonction avec la rue Jeanne d’Arc, un formidable petit bistro dans une maison ancienne se cache derrière un rubber tree. Justement…
La rue Jeanne d’Arc, qui a longtemps dégagé un parfum très années 70 (les quinquas s’en souviennent encore), a connu un lifting, récemment, avec un élargissement de ses trottoirs, une amélioration de la circulation piétonne, des bancs et des réverbères qui la rendent plus fréquentable. Sur la rue Makhoul qui devient à un moment donné la rue Khalidy, une cave baptisée Ants recèle de petites merveilles artisanales. L’hôpital Khalidy où je suis né se tenait également dans cette rue. Il a été détruit et remplacé par… une tour. La fin de la rue Khalidy nous ramène, ironiquement, loin de la sérénité de la rue Makhoul et à nouveau à Bliss, son agitation et ses embouteillages.
De Bliss à Bliss, en passant par Makhoul, c’est une promenade dans un univers parallèle, peut-être. Un goût, un indice sur ce qu’auraient pu être Hamra et Ras Beyrouth, si vous prenez le risque d’abandonner les sentiers battus.

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*Il a sillonné les rues de Beyrouth à pied, plongé dans ses entrailles durant des mois entiers, erré dans ses dédales, pour y décrypter les vrais noms, avant que des coïncidences, des (mauvaises) habitudes les aient changés. Bahi Ghubril en a constitué des plans, des cartes, des guides et un label : Zawarib Beirut. Il devient ainsi, pour notre plus grand plaisir, le guide des lecteurs de « L’OLJ », irréductibles amoureux de cette ville aux mille parfums.


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Dans Beyrouth, la ville du chaos et de cet indéfinissable charme, avril et mai sont un bouquet de couleurs et de parfums, des fleurs printanières, du jasmin, des fleurs d’oranger (bousfeir), et parfois aussi, hélas, des senteurs moins agréables, inévitable pollution oblige. C’est également la floraison d’expositions, surprenantes, belles, comme celle de Katya Traboulsi, Perpetual...

commentaires (1)

Bon article avec un itineraire interessant ...

Stes David

17 h 49, le 28 avril 2018

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Commentaires (1)

  • Bon article avec un itineraire interessant ...

    Stes David

    17 h 49, le 28 avril 2018

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