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Lifestyle - ZAWARIB BEIRUT

Dans le quartier de Basta, l’histoire et les histoires

Des repères historiques deviennent aussi des repères géographiques et affectifs...

L’imposante statue de Béchara el-Khoury. Photo Michel Sayegh

Après avoir longtemps été Premier ministre dans les années 20, Béchara el-Khoury est élu président de la République du Liban sous mandat français en septembre 1943. Deux mois plus tard, il est emprisonné durant 11 jours dans la tour de Rachaya, en même temps que Pierre Gemayel, Camille Chamoun et Riad el-Solh. Il deviendra très vite un personnage essentiel dans l'indépendance du Liban, signée le 22 novembre 1943. Ahmad Daouk, un allié important, a également été Premier ministre avant l'indépendance, puis dans les années 60.

Le chemin qui a mené à l'indépendance a été long et difficile. La rue de l'indépendance – un hasard ? –, est l'une des plus longues de Beyrouth, s'étalant sur 4 km, du fleuve à l'est, jusqu'à Ras Beirut, à l'ouest. Notre promenade, cette semaine, nous mène de la rue Istiklal, au niveau de l'avenue Béchara el-Khoury, jusqu'à la rue Ahmad Daouk. Une ballade chargée de références historiques dans une région sous-évaluée et méconnue, qui couvre Basta et Bachoura. Dans ces deux secteurs de la ville, un sentiment d'authenticité se dégage de chaque impasse, de chaque ruelle. Un chaos organisé composé du marché aux puces réunissant de précieux antiquaires, d'un cimetière ottoman, de jardins publics et d'un surprenant et néanmoins charmant mélange de vieille architecture ornementale et de nouvelles bâtisses sans âmes ni histoires.
Les habitants de cette partie de la ville constituent un beau puzzle de personnes et de personnalités avec des nationalités, une culture, des religions, des croyances, une appartenance politique et une manière de vivre différentes. Pour preuve : tous ces poteaux électriques ponctués de drapeaux de couleurs et de noms de partis différents. Des câbles électriques, des câbles téléphoniques, plus visibles qu'ailleurs dans la ville, soulignent la précarité de certaines rues et font partie du décor.

 

Policier formé à Tokyo
Le point de départ de notre balade est l'imposante statue de Béchara el-Khoury, qui a retrouvé sa place en 2005, dans l'avenue qui porte son nom. Pour rappel, une première statue du père de l'indépendance avait été dynamitée au début de la guerre. Cette nouvelle version est l'œuvre d'Antoine Berbéri, qui a entamé ses travaux en 1998 à la demande du président Rafic Hariri. Fabriquée en bronze, avec une hauteur de 3,6 mètres et pesant près de 3 200 kilogrammes, elle a été achevée en 2000.
Il n'y a pas longtemps, avant la création de ce passage à niveau, cette intersection était l'une des plus chargée et des plus embouteillée de la ville, gérée autant qu'il le pouvait par un policier spécial qui, dit-on, a été formé à Tokyo.

De ce point particulier, il est facile de repérer Sodeco, les immeubles coloniaux français de Monot, et le très controversé Sama Beirut. En prenant la direction opposée, tout au long de la rue de l'Indépendance, nous traversons Chmaitelly, une vieille institution célèbre pour ses délicieux farroujs (poulets), puis une série de boutiques d'accessoires de maison et d'appareils électroménagers. Au loin, après les immeubles alignés sur la route principale, le quartier est chargé de villas centenaires, entre gloire et décadence, abritant à présent, pour la plupart, des refuges pour employés étrangers.

 

Balade gourmande
Juste après, et pour les végétariens qui ne mangent pas de poulet, Falafel Khalifé est un must, le premier d'une série de « roi des falafels » implantés dans les quatre coins de la ville. Tout au long de la rue, les garçons sur leurs mobylettes se mêlent aux vendeurs de légumes agrippés à leurs chariots, les acheteurs frôlent les habitants, et les voitures, les camions, les arbres et les poubelles se respectent et cohabitent dans une étrange harmonie. Un désordre qui dessine pourtant une charmante carte postale. Des bruits, des sons et des odeurs émanent de partout, sous un ciel bleu à crever le regard.

Au milieu de la cacophonie de Basta, où est née notre Feyrouz nationale, son cimetière, construit durant la période ottomane, surplombe la région et impose le silence. L'homme qui l'a construit y est enterré. Sa tombe, sur laquelle on peut lire Abr el-Wali, est relevée de colonnes et d'un dôme discret, visible de loin. À côté, le jardin public, rebaptisé du nom du martyre Walid Eido (le panneau a récemment été vandalisé par certaines personnes apparemment mécontentes), est également un terrain idéal de jeux pour les enfants, même s'il est noté qu'il est strictement interdit de jouer au ballon dans ces lieux. Un autre espace public, le jardin Hawd el-Wilayeh, a été inauguré par la municipalité de Beyrouth en 2014. Il s'étale sur plusieurs niveaux reliés par des escaliers et garnis d'arbres et de pantes. Un cadre idéal pour les jeunes. D'ici, la rue qui mène à celle de Ahmad Daouk abrite une caserne de pompiers et la bibliothèque publique Assabil. Mais surtout, elle est réputée pour ses boutiques d'antiquités, une Mecque où, en cherchant, on peut trouver des radios rétro, des sièges ottomans, des trésors dont il faut longuement discuter les prix avant de les acheter.
Après avoir traversé Khandaq el-Ghamiq, de l'autre côté du cimetière, et la mosquée du quartier, nous voilà à Bachoura qui a subi un certain rajeunissement cette dernière année, avec l'installation de the Beirut Digital District à côté de plus anciennes bâtisses. Ici, les bureaux de Uber côtoient des cafés, des espaces de travail partagés, de même que le squelette de l'église Saint-Georges sur la rue Tyan, en cours de rénovation. Les travaux ont permis de découvrir une ville gréco-romaine, tout comme au centre-ville. Un rappel constant que nous sommes juste de passage dans cette ville éternelle qui ne cesse de bouger et de se transformer, tout en restant et pour toujours Beyrouth.

*Il a sillonné les rues de Beyrouth à pied, plongé dans ses entrailles durant des mois entiers, erré dans ses dédales, pour y décrypter les vrais noms, avant que des coïncidences, des (mauvaises) habitudes les aient changés. Bahi Ghubril en a constitué des plans, des cartes, des guides et un label : Zawarib Beirut. Il devient ainsi, une semaine sur deux, et pour notre plus grand plaisir, le guide des lecteurs de « L'OLJ », irréductibles amoureux de cette ville aux mille parfums. 

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Après avoir longtemps été Premier ministre dans les années 20, Béchara el-Khoury est élu président de la République du Liban sous mandat français en septembre 1943. Deux mois plus tard, il est emprisonné durant 11 jours dans la tour de Rachaya, en même temps que Pierre Gemayel, Camille Chamoun et Riad el-Solh. Il deviendra très vite un personnage essentiel dans l'indépendance du...

commentaires (5)

Qui aurait pensé qu'´un jour il y aura un Nasrallah pour tout chambarde......

Eleni Caridopoulou

16 h 49, le 06 janvier 2018

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Commentaires (5)

  • Qui aurait pensé qu'´un jour il y aura un Nasrallah pour tout chambarde......

    Eleni Caridopoulou

    16 h 49, le 06 janvier 2018

  • Pierre Gemayel n'a pas été incarcéré à la citadelle de Rachaya le 11/11/1943. Jean Helleu, délégué général de France, avait incarcéré Béchara el-Khoury, Riad el-Solh, Adel Osseiran, Camille Chamoun, Abdel-Hamid Karamé et Salim Takla.

    Un Libanais

    12 h 34, le 06 janvier 2018

  • ET DE LA LA MULTITUDE DE CABLES ELECTRIQUES, ET SOUVENT TELEPHONIQUES, DU COURANT VOLÉ QUI ALIMENTE LES MAISONS ET INSTALLATIONS DES VOLEURS DE COURANT DE DAHIYÉ ET QUI COUTENT DES MILLIONS DE DOLLARS A L,ETAT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 30, le 06 janvier 2018

  • En fait j'aime beaucoup cette rubrique mais citer des monuments, des rues, des enseignes en les situant "à côté", "au milieu", "juste après" ou "plus loin", ça lui enlève une partie de sa saveur en laissant le lecteur sur un goût d'inachevé. Faut alors aller compléter ailleurs...

    Marionet

    11 h 26, le 06 janvier 2018

  • Encore une fois, il est bien dommage que cette rubrique ne s'accompagne pas d'une carte situant les différentes rues et enseignes citées. Suis obligée d'aller sur Google Maps pour trouver l'info alors que ce serait si simple d'ajouter une image de plus. Par ailleurs, Feyrouz n'a jamais construit de cimetières à Basta à ma connaissance. Me trompe-je?

    Marionet

    10 h 59, le 06 janvier 2018

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