Elle s’appelle Nayla Geagea. Elle est originaire du Liban-Sud. Elle est l’unique membre de Li Baladi à se présenter à Beyrouth II, à l’un des deux sièges chiites, pour les législatives du 6 mai prochain. Cela fait d’ailleurs tout drôle à cette jeune trentenaire de se faire connaître par sa communauté religieuse. Non seulement parce qu’elle porte un nom à consonance confessionnelle et partisane, qui la « stigmatise ». Mais pour son militantisme en faveur du mariage civil optionnel depuis 2005. Pour s’être aussi battue aux côtés d’activistes en 2008, afin de rayer la religion de la fiche libanaise d’état civil. Avec succès. « C’était mon premier acte politique en tant que citoyenne. Je l’ai accompli avant les législatives de 2009 », se souvient la jeune femme qui qualifie de « civile » sa relation avec l’État et considère le principe du quota confessionnel comme « anticonstitutionnel ». « Je suis issue d’une famille pratiquante qui m’a enseigné la religion, sans jamais rien m’imposer à ce niveau, précise cette ancienne élève du Collège protestant français de Beyrouth, qui a également étudié la Bible. J’estime que la religion est une affaire privée. »
Engagement humanitaire et citoyen
Plus d’une fois, cette battante a dû baisser les bras. Lorsqu’elle a échoué à convaincre les autorités d’enregistrer les mariages civils contractés au Liban. Mais elle n’a jamais perdu espoir de gagner ce combat, qui est celui d’un nombre croissant de candidats au mariage civil. « Ce n’est que partie remise », assure-t-elle. Nayla Geagea n’est d’ailleurs pas femme à se laisser abattre. Après avoir lâché des études de génie à l’AUB pour « des raisons financières et personnelles », cette excellente élève s’est lancée dans le droit, à l’Université libanaise, au sein de la filière francophone. Une licence qu’elle a complétée par un master en protection des personnes et sécurité humaine, à la faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-en-Provence. Un parcours évident pour sa grand-mère qui voyait en cette enfant extravertie, passionnée pour l’action sociale et la défense des plus faibles, une future avocate.
C’est aujourd’hui chose faite. Non seulement Mme Geagea est avocate, chercheuse et consultante juridique au sein de sa propre étude, mais elle est engagée dans la défense des droits de l’homme, dans la politique d’analyse et de réforme des lois, notamment celles liées au mariage, dans les affaires sociales, humaines, liées à la santé... Un engagement qui lui colle à la peau et s’était déjà concrétisé lors de la guerre de juillet 2006 dans l’assistance qu’elle a apportée aux déplacés, dans le jardin de Sanayeh, au sein du mouvement Mouwatinoun/Solidarité 2006. C’est ce même engagement humanitaire et humain qui l’a poussée à rester au Liban, à ne pas partir pour la France où elle devait faire du droit privé, à lâcher une position au sein de la Cour pénale internationale à La Haye, où elle n’a tenu qu’un week-end. C’est d’ailleurs en tant « qu’être humain » qu’elle se présente. « J’ai un problème à dire que je me présente seulement en tant que femme », avoue-t-elle.
Les compétences pour légiférer
Pourquoi se présente-t-elle à la députation ? Parce qu’elle estime « avoir les compétences nécessaires pour légiférer et contrôler les performances du gouvernement ». Parce qu’elle est convaincue, depuis son implication lors de la crise des déchets en tant qu’ « avocate du mouvement de protestation » issu de la société civile, qu’une « importante partie des électeurs » veut voir le programme de sa formation adopté. « Nous vivons les problèmes des citoyens, les pannes de courant, le chômage des jeunes, l’absence de couverture sociale, l’absence de politiques de développement, l’absence de justice sociale... Leurs causes sont notre priorité et nous savons comment les résoudre, martèle-t-elle. Des propositions de lois sont déjà prêtes. » Pour gagner sa place au sein de l’hémicycle, elle envisage de s’allier avec des candidats qui partagent sa vision politique et ses valeurs, surtout pas des candidats de partis au pouvoir. « Je ne ferai aucun compromis sur ce point, promet-elle. Ma bataille au sein de la coalition dont je fais partie est pour un État libanais et non pas pour un agenda international, quel qu’il soit. »
Sa priorité, si elle est élue, consistera à « éliminer toutes les formes de discrimination envers les personnes au Liban », pas seulement envers les femmes, mais envers les groupes vulnérables, depuis les travailleuses et travailleurs migrants jusqu’aux personnes âgées, en passant par les personnes handicapées, les toxicomanes… Un programme qui est en phase avec son parcours professionnel. « Même la jeunesse libanaise souffre de discrimination parce qu’elle n’a le droit de voter qu’à 21 ans », constate-t-elle.
Nayla Geagea fait part de sa position « très claire » sur l’arsenal du Hezbollah, basée sur deux constantes, qui figure au cœur du programme de Li Baladi. « D’abord, la résistance culturelle, sociale et humaine est un devoir pour tout Libanais. Elle n’accepte aucune remise en question et ne devrait pas être monopolisée par un parti idéologique islamique instrumentalisé par les enjeux régionaux », observe-t-elle. « Deuxio, les armes sont une prérogative exclusive de l’État. Un point indiscutable », tranche-t-elle. Mais pour transférer les armes du Hezbollah à l’État, ce dernier doit « se doter d’une stratégie de défense ». Il doit aussi « faire bénéficier les régions frontalières du développement économique et social afin que l’allégeance de leurs habitants aux autorités soit renforcée ». « Autrement, rien ne changera », martèle la candidate, qui invite à l’élection d’une nouvelle classe politique car « la classe actuelle tire profit du dossier et son allégeance n'est pas à l'État libanais». Et de conclure : « Désarmer le Hezbollah ne devrait pas empêcher d'assurer au citoyen une protection sociale ou lui fournir du courant électrique. »
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Tout le monde veut se présenter à Beyrouth malgré que le Nord du pays a lui aussi besoin de Nayla pour militer pour les Droits de la femme .
20 h 29, le 19 mars 2018