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Idées - Droits sociaux

Réguler le travail domestique pour stimuler l’emploi des femmes arabes

Une manifestation de travailleuses domestiques à Beyrouth en 2016. Archives Reuters

Des millions de femmes de par le monde sont en route chaque matin pour se rendre au travail. Si cette autonomisation des femmes sur le lieu de travail doit être célébrée, elle n’est pas sans défis : le manque d’équilibre entre travail et vie familiale, et l’accès difficile aux services d’aide à domicile constituent des obstacles majeurs pour les femmes actives.
Les plans nationaux de développement dans notre région ont généralement négligé l’« économie du care » – aussi appelée « économie des services à la personne » – en tant que secteur économique productif. Pour inverser cette tendance, les États arabes devraient se concentrer davantage sur le travail domestique, aussi bien comme facteur de croissance de l’emploi que comme soutien à l’égalité des chances des femmes dans le monde du travail.


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« Double journée »
D’abord, parce que, tout au long de notre vie, chacun d’entre nous comptera sur les soins dispensés par des tiers. Les travailleurs domestiques prodiguent des soins aux enfants et aux jeunes pendant les étapes critiques de leur développement, et aident les personnes âgées et les personnes handicapées à vivre dans la dignité. Les changements démographiques au sein de la société arabe – soit des taux de natalité plus faibles et une espérance de vie plus longue – révèlent des besoins croissants en matière services à la personne ; a fortiori dans un contexte d’évolution des structures familiales au profit des familles nucléaires.

Ensuite parce que l’absence de services publics de soin ou sociaux abordables se traduit par un transfert de responsabilité aux ménages dans ce domaine : alors que de plus en plus de femmes arabes entrent sur le marché du travail, elles continuent d’assumer par ailleurs la charge de s’occuper de leur foyer, effectuant ce que l’on appelle la « double journée de travail ». Celles qui peuvent se le permettre emploient des travailleurs domestiques – principalement migrants, dans notre région – pour être libérées de l’obligation d’effectuer cette « double journée ».
La demande croissante de services à la personne continuera à créer un grand nombre d’emplois dans les années à venir. Ce secteur comprend une variété de professions qualifiées dans les domaines des soins aux enfants, de l’éducation de la petite enfance, des soins aux personnes handicapées ou âgées, ainsi que des tâches ménagères… Cela ouvre ainsi de nombreuses opportunités pour les femmes arabes, dont le taux d’activité reste faible par rapport à la moyenne mondiale (21,2 % contre 49,4 % en 2017).

Les données provenant d’autres régions démontrent qu’une économie « du care » forte stimule la participation des femmes à la population active. Par exemple, pour augmenter la participation des femmes à la population active, les États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont placé parmi leurs priorités politiques le fait de donner accès à des services de garde d’enfants ou d’aide aux personnes âgées abordables et de qualité, à des congés parentaux rémunérés et à des conditions et à des opportunités de travail favorables à la famille…. Depuis 2012, les taux d’emploi des femmes ont augmenté de près de deux points de pourcentage en moyenne dans les pays de l’OCDE. Cette approche a également été défendue par l’initiative japonaise « womenomics », qui a permis au taux de participation des femmes au travail d’atteindre 70,1 % (contre 62,7 % en 1997).


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Offrir des conditions de travail décentes
Offrir des services de qualité va de pair avec des conditions de travail décentes. Toutefois, les travailleurs domestiques qui fournissent des services aux ménages dans cette région sont exclus de la législation du travail et sont vulnérables aux abus et à l’exploitation. Cela est dû à la sous-évaluation du travail domestique comme élément contribuant au développement économique et au manque de reconnaissance des différentes compétences concernées.

Pour développer un véritable secteur du « care » qui profite à l’ensemble de ses acteurs et à la société dans son ensemble, les gouvernements arabes devraient prendre des mesures politiques cruciales pour réglementer les services d’aide à la personne et définir les conditions du travail domestique; en commençant par placer ce dernier sous la protection complète de la législation du travail, conformément aux normes internationales – dont les principes de la Convention (n° 189) de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les travailleurs domestiques de 2011. Les gouvernements devraient également créer un système complet de formation et de reconnaissance des compétences, en veillant à ce que les travailleurs puissent répondre aux nouveaux besoins en matière de services à la personne.
Les gouvernements doivent également explorer des modalités de travail souples en envisageant notamment des options telles que le recours à des travailleurs domestiques à temps partiel ou logés en dehors du domicile, et doivent autoriser la mobilité des travailleurs entre employeurs. De même, faciliter le dialogue social en soutenant la création d’organisations qui représentent les intérêts des travailleurs et des employeurs permettra de garantir que les politiques menées reflètent l’évolution des besoins et de l’environnement social.
Ces recommandations figurent parmi celles formulées dans un nouveau rapport de l’OIT sur les réglementations et pratiques permettant la réalisation d’une situation mutuellement bénéfique pour les ménages et les travailleurs domestiques. Une adoption proactive de ces mesures assurera la mise en place d’une économie « du care » dynamique et résiliente, qui crée des emplois pour les travailleurs nationaux dans les secteurs public et privé, contribue à faciliter l’équilibre entre travail et vie de famille, fournit des services de qualité et garantit des conditions de travail décentes pour tous.

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée jeudi dernier, nous remercions toutes les travailleuses domestiques qui soutiennent nos économies, nos communautés et nos sociétés, et invitons nos gouvernements à reconnaître formellement la valeur de leurs contributions.

Directrice du bureau régional de l’Organisation internationale du travail pour les États arabes.

Des millions de femmes de par le monde sont en route chaque matin pour se rendre au travail. Si cette autonomisation des femmes sur le lieu de travail doit être célébrée, elle n’est pas sans défis : le manque d’équilibre entre travail et vie familiale, et l’accès difficile aux services d’aide à domicile constituent des obstacles majeurs pour les femmes actives.Les plans...

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