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Idées - Point de vue

La campagne israélienne contre l’Unrwa est une menace pour la sécurité régionale


La campagne israélienne contre l’Unrwa est une menace pour la sécurité régionale

Des manifestants israéliens devant le bureau de l’Unrwa à Jérusalem, le 20 mars 2024. Ahmad Gharabli / AFP

Le dernier simulacre de procès mené par Israël à l’encontre de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) a connu un tournant avec la publication, lundi dernier, de l’audit indépendant conduit sous la tutelle de l’ancienne ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna, qui conclut, entre autres, que les responsables israéliens n’ont pas fourni de preuves à l’appui de leurs allégations selon lesquelles le personnel de l’agence aurait participé aux attaques du 7 octobre.

Le rapport fait état de divers défis auxquels l’agence est confrontée, notamment un « manque de communication et d’échange d’informations » avec les donateurs sur des questions telles que la neutralité de l’agence et les comptes financiers. Néanmoins, il souligne également que l’Unrwa a mis en place des mesures « solides » pour s’assurer que ses opérations respectent les principes de neutralité humanitaire. Ces mesures comprennent le cadre de neutralité de l’Unrwa de 2017 et des obligations claires pour le personnel de l’agence. Le rapport fait suite à une note des services de renseignements de l’allié le plus fidèle d’Israël, qui indique que Washignton a une « faible confiance » dans ses allégations.

Ces dernières ne sont que la dernière salve d’une campagne de longue haleine visant à saper l’agence, à entraver ses opérations et à pousser à sa dissolution. En effet, en février, le ministère israélien des Affaires étrangères a préventivement rejeté les conclusions et recommandations potentielles de l’étude Colonna, les qualifiant de « solutions cosmétiques ». L’audit lui-même a été lancé à la suite du tollé provoqué par les accusations lancées par Israël en janvier, qui ont incité 16 des donateurs occidentaux de l’Unrwa, au premier rang desquels les États-Unis, à suspendre collectivement leur financement à hauteur de 440 millions de dollars.

Péril financier

La plupart d’entre eux, ayant compris qu’ils avaient été dupés par les affirmations creuses d’Israël, ont discrètement rétabli leur financement au cours des dernières semaines, à l’exception notable de Washington, de loin le principal bailleur. Depuis le 22 avril, le déficit budgétaire de l’Unrwa pour 2024 s’élève à 267 millions de dollars, soit environ un tiers des recettes annuelles prévues, selon Dorothée Klaus, sa représentante au Liban. Cette situation met en péril non seulement les habitants de Gaza, mais aussi le bien-être des réfugiés palestiniens en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et en Jordanie.

Depuis des décennies, l’Unrwa joue un rôle essentiel dans la fourniture de services publics aux réfugiés palestiniens dans toute la région. À Gaza, il s’agit de la plus grande organisation humanitaire, avec 13 000 employés et 300 installations soutenant les services aux Palestiniens vivant dans la bande. Au Liban, où vivent des centaines de milliers de réfugiés palestiniens, dont 93 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, l’Unrwa constitue le quasi-gouvernement dans 12 camps de réfugiés, y fournissant des services tels que les soins, l’éducation, la gestion de l’eau et des déchets, l’assistance financière, etc.

L’agence a subi un programme d’austérité sévère à la suite des coupes de l’administration Trump en 2018 sous la pression d’Israël. Les budgets ont été « réduits jusqu’à l’os », selon Klaus. « Il n’y a pas d’option maintenant pour appliquer d’autres mesures d’austérité. » Elle a ajouté qu’avec les réductions de financement actuelles, l’Unrwa ne pourra maintenir ses opérations de base que jusqu’à la fin du mois de juin, le bureau libanais de l’agence ayant déjà baissé de 40 % de l’assistance en espèces pour les groupes vulnérables.

Les appels à la réforme lancés par les pays occidentaux pour rétablir le financement ont renforcé la mainmise d’Israël sur les opérations de l’agence. L’UE a rétabli 50 millions d’euros pour l’Unrwa, tout en retenant 32 millions d’euros supplémentaires sous réserve de l’achèvement de l’enquête du Bureau des services du contrôle interne (BSCI ) de l’ONU et de la mise en œuvre de diverses réformes.

« La coopération des autorités israéliennes, qui ont fait ces allégations, sera essentielle au succès de l’enquête », a déclaré le secrétaire général de l’ONU. Cependant, un porte-parole de l’ONU a confirmé qu’Israël n’avait pas fourni à l’agence des preuves à l’appui de ses allégations. Parallèlement, des lobbys pro-israéliens comme UN Watch ont attaqué avec voracité la crédibilité de l’enquête du BSCI.

Menace

Les dirigeants israéliens considèrent depuis longtemps l’Unrwa comme une menace en raison de son mandat qui affirme le « droit au retour » des Palestiniens. Ce mandat considère tous les descendants des réfugiés palestiniens de 1948 comme des « réfugiés » et donc éligibles au retour. L’agence reste officiellement « temporaire » jusqu’à ce qu’une solution politique permette de faire respecter ce droit, auquel cas l’Unrwa peut être dissous.

Dans une tentative d’usurpation de ce mandat, Israël a proposé en mars une nouvelle agence pour remplacer l’Unrwa et gérer les livraisons d’aide à grande échelle dans la bande de Gaza. Parallèlement, Washington réoriente actuellement l’aide financière destinée à l’Unrwa vers l’USAid, son principal organisme d’aide au développement. « C’est de l’humanitarisme de salon », selon Chris Gunness, porte-parole en chef de l’Unrwa de 2007 à 2020. « Il sera impossible de reconstruire la bureaucratie de l’Unrwa assez rapidement », a-t-il poursuivi. En effet, pendant cette période, les réfugiés palestiniens se retrouveraient sans filet de sécurité comparable, dans une période de vulnérabilité sans précédent.

La poignée d’acteurs internationaux qui demandent aux gouvernements occidentaux de rendre compte de leurs décisions peut apporter un peu de réconfort. Au Royaume-Uni, un cabinet d’avocats conteste la cessation du financement de l’Unrwa par le gouvernement britannique pour de multiples raisons, notamment la violation des obligations internationales et l’atteinte aux cadres gouvernementaux internes. Le Nicaragua a également saisi la Cour internationale de justice (CIJ) pour accuser l’Allemagne d’avoir « facilité la commission d’un génocide » à l’encontre des Palestiniens de Gaza en citant la décision initiale de l’Allemagne de défaire le financement de l’Unrwa. Il est important de noter que l’annonce coordonnée par les pays donateurs de la réduction de leur financement de l’Unrwa en janvier est intervenue deux jours seulement après que la CIJ a ordonné « la fourniture sans entrave et à grande échelle, par toutes les parties concernées, des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens de la bande de Gaza ont besoin de toute urgence ».

En parallèle, les États arabes n’ont fait que des offres dérisoires, poursuivant une tendance qui a vu les pays du Golfe réduire considérablement leur financement de l’Unrwa depuis 2018. L’une des réalités dont les États arabes sont sans doute conscients et auxquelles les pays occidentaux doivent faire face est que si l’Unrwa s’effondre, la charge de mettre au monde, de nourrir, d’enseigner, de soigner, de protéger et de fournir des services de base aux 5,9 millions de réfugiés palestiniens bénéficiaires incombera directement aux pays d’accueil. Ce scénario réjouirait Israël, car il accélère la normalisation d’un problème qui dure depuis 75 ans, fragilise le tissu social de ses ennemis jurés et porte un coup dur au droit au retour des Palestiniens.

Au lieu de laisser faire, l’Unrwa a besoin d’un soutien financier pluriannuel durable et prévisible, accompagné d’une injection immédiate et à court terme de fonds supplémentaires, pour faire face à la situation quasi apocalyptique à Gaza et pour continuer à soutenir les millions de Palestiniens au-delà de l’enclave. Les décideurs politiques occidentaux doivent reconnaître qu’en s’alignant sur les injonctions d’Israël, ils ont exacerbé la crise humanitaire à Gaza tout en risquant d’aggraver l’instabilité dans la région. Pour regagner en crédibilité, ils doivent également demander des comptes à Tel-Aviv pour sa campagne infondée contre l’organisation humanitaire palestinienne. À défaut, les responsables politiques occidentaux devraient être prêts à répondre de leur complicité dans des crimes que certains experts, dont la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires occupés Francesca Alabnese, qualifient de génocide.

Par Sami HALABI

Rédacteur en chef du site Badil : The Alternative


Le dernier simulacre de procès mené par Israël à l’encontre de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) a connu un tournant avec la publication, lundi dernier, de l’audit indépendant conduit sous la tutelle de l’ancienne ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna, qui conclut,...

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Ou vont aller ces 5millions de palestiniens ?

Eleni Caridopoulou

19 h 12, le 27 avril 2024

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  • Ou vont aller ces 5millions de palestiniens ?

    Eleni Caridopoulou

    19 h 12, le 27 avril 2024

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