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Idées - Commentaire

Inaction climatique : l'exemple européen

Inaction climatique : l'exemple européen

La Cour européenne des droits de l'homme, le 27 avril 2022 à Strasbourg (France). Archives AFP

Le 9 avril 2024, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu une décision historique en condamnant l’un des 46 membres du Conseil de l’Europe, en l’espèce la Suisse, pour inaction climatique, marquant un tournant indéniable dans ce domaine.

Les procédures de ce recours ont duré 9 ans. C’est en 2016 que l’association des « Aînées pour le climat » formée de 2 500 membres, a déposé plainte contre la Suisse devant la CEDH estimant la politique actuelle de leur État insuffisante pour limiter le réchauffement global à 1,5 degré par rapport au niveau préindustriel, comme le prévoit l’Accord de Paris. Étant donné que, selon différentes études, le réchauffement climatique, notamment les vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, touchent tout particulièrement les femmes âgées, cette association a été créée par un petit groupe de femmes retraitées de 73 ans pour se battre face à la lassitude de la Suisse devant le changement climatique.

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Par ce jugement inédit, adopté à 17 voix contre une, la Cour a estimé que la Suisse a violé le droit fondamental à une vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cela inclut le droit à la santé. La CEDH a ainsi consacré le droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et les qualités de vie. La Suisse a donc été reconnue coupable de manquer à son obligation de protéger ses citoyens contre le dérèglement climatique.

Droit d'agir limité

Un événement similaire ne pourrait se produire au Liban, signataire de l’Accord de Paris et membre de la Ligue des États arabes, où une de juridiction similaire à la CEDH est absente dans cette région du monde. Les Libanais et les citoyens des autres pays arabes ne peuvent pas poursuivre leur État pour inaction climatique ou toute autre atteinte au droit à un environnement sain devant une cour régionale, alors que la Ligue des États arabes a adopté en 1994 la charte arabe des droits de l’homme sans pour autant instaurer de juridiction pour garantir son respect. La version révisée de cette charte a été adoptée en 2004, elle est entrée en vigueur en 2008. Celle-ci ne se limite pas dans son article 38 au droit de tout individu à un niveau de vie suffisant mais s’étend aussi au droit à un environnement sain. Néanmoins, une telle action en justice reste possible au niveau national devant les tribunaux administratifs, et les ONG environnementales sont encouragées à promouvoir l’intégration de ces questions dans les procédures judiciaires.

Cependant, le droit d’agir des ONG libanaises reste soumis au pouvoir discrétionnaire des juges administratifs libanais, alors que la seule action jugée recevable par la CEDH émane d’une association (les Aînées pour le climat). Les requêtes faites par des individus ont par contre été rejetées (celle de Damien Carême contre la France et de six jeunes Portugais contre 32 États).

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Ce droit d’agir des associations pour l’environnement est garanti au niveau international par la convention d’Arhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Cette convention signée le 25 juin 1998 n'est toujours pas ratifiée par le Liban. Elle s’articule autour de trois piliers : l’accès à l’information sur l’environnement détenue par les autorités publiques ; la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement (par exemple, lors d’enquêtes publiques, ou de l’élaboration de plans d’actions nationaux comme de décisions locales) ; l’accès à la justice en matière d’environnement.

Il devient donc urgent de modifier la loi cadre portant sur la protection de l’environnement n° 444/2002 pour y inclure une reconnaissance explicite de l’intérêt à agir des ONG environnementales au Liban contre toute décision ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire libanais – à l’instar de l’article L141-2 du Code de l’environnement français. Il est également nécessaire de militer pour la ratification de la convention d’Aarhus.

Enfin, les actions populaires, bien qu’exclues par la CEDH, montrent une évolution notable au niveau de la sensibilisation à ce sujet de préoccupation mondiale. Pendant ce temps, de l’autre côté de la Méditerranée, au pays du Cèdre, les crises économique et politique relèguent les enjeux environnementaux à un plan secondaire, voire inférieur.

Par Josiane YAZBECK

Docteure en droit de l’environnement et juriste experte en gestion des risques et développement durable. Enseignante à l’Université La Sagesse et vice-présidente de l’ONG Terreliban.

Le 9 avril 2024, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu une décision historique en condamnant l’un des 46 membres du Conseil de l’Europe, en l’espèce la Suisse, pour inaction climatique, marquant un tournant indéniable dans ce domaine.Les procédures de ce recours ont duré 9 ans. C’est en 2016 que l’association des « Aînées pour le climat »...

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