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Idées - Commentaire

Pourquoi une journée de la femme ?

Des manifestants forment le symbole du genre féminn à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2014, à Manille (Philippines). Romeo Ranoco/Reuters

En cette semaine de célébration de la Journée internationale de la femme, une question aussi simple que complexe se pose à nous. Qu’y a-t-il de spécifique à l’être femme pour mériter une journée qui lui soit dédiée ?

Certes, il existe une journée internationale de l’homme, mais sa création est très récente (1999) en comparaison avec celle consacrée à la femme (1911). La journée du 8 mars est étroitement liée à la lutte pour les droits des femmes. Une lutte qui persiste jusqu’à nos jours, un combat qui semblerait éternel comme si, et contrairement à l’homme, il lui faut l’appui d’instances comme l’ONU, pour officialiser son combat et plus profondément pour reconnaître pleinement son être, à travers une journée qui la représente. Car les droits des femmes ont une finalité profonde qui touche à l’essence de l’être femme : il s’agit du droit d’exister à part entière, d’exister comme une entité en elle-même. Mais le fait d’exister « sous condition » semble lui devenir une nature, un destin.


Malaise

Le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, analyse dans La morale sexuelle « civilisée » et la maladie nerveuse des temps modernes (1908) la place de la femme dans la culture en précisant que la femme « porte les intérêts sexuels de l’humanité ». En d’autres termes, elle n’est pas sa propre finalité.

Il a également décrit un sentiment de malaise qu’elle porte en elle. Même si ce malaise est inhérent à la condition humaine, de par la répression que la culture impose à tout un chacun, ce sentiment s’avère particulièrement intense chez la femme. Il s’agit d’un sentiment vague de gêne qui ne peut être relié à une raison précise. Cela rappelle l’expression familière « ne pas être dans son assiette », qui signifie ne pas être dans son état normal, être mal à l’aise. Quant au mot « assiette » il est défini comme la manière d’être assis et nous renvoie à la place qu’une personne occupe, en l’occurrence la femme. Celle-ci occupe-t-elle confortablement sa place ou la crée-t-elle toujours ? En réalité, non seulement elle l’a créée, mais elle l’arrache par le biais d’une lutte qui s’est inscrite dans l’histoire. Cela signifierait que sans ce combat, rien ne lui aurait été naturellement octroyé, et cela sous-entendrait que dès qu’elle sort de la zone et des limites qui lui ont été prévues, elle ne serait pas à « sa place ».

Est-ce pour cela que la femme serait constamment dans le besoin inconscient de prouver sa capacité, de démontrer son efficacité dans le monde du travail d’une façon plus pressante que celle de l’homme ? D’ailleurs, les grandes réalisations des femmes sont souvent montrées du doigt et décrites comme un exploit.

Malgré l’immense progrès qui s’est établi au niveau de l’accès des femmes à l’instruction et le travail, ce regard posé sur elle en tant qu’amatrice se laisse encore sentir, de quoi la rendre habitée par ce sentiment d’étrangeté, comme si elle s’est trompée de scène. 


Culpabilité tacite

Car si la modernité a ouvert beaucoup d’horizons aux femmes, elle leur a aussi fait porter le poids d’être, souvent, celles qui portent la mission du changement, de la brisure, du risque, de la transgression par rapport au rôle qui leur a été assigné par la culture. Les femmes actuelles sont celles qui se distancient des figures avec lesquelles elles ont été portées à s’identifier, parmi elles essentiellement leur propre mère. Ce sont des femmes qui sont obligées à avancer malgré, parfois, cette culpabilité tacite qu’on peut déceler chez elles, et parfois même cette force qui tenterait de les pousser en arrière en leur créant des obstacles pour trébucher et rester plus fidèles à leur « destin ». Les femmes de nos jours sont celles qui doivent gérer et assumer une identité à multiples facettes, qui doivent pouvoir combiner la maternité et le travail. Non seulement elles doivent réussir, mais elles doivent, peut-être même exceller. La pression est forte à ce niveau et les regards sont braqués sur les femmes pour voir comment elles vont se débrouiller.

Car le désir inconscient d’affirmer qu’elles ne peuvent contrecarrer leur destin en existant à part entière est toujours là ! Elles ont donc intérêt à se débrouiller. Beaucoup de femmes censurent leur parole et n’osent pas se plaindre de la pression qu’elles subissent entre la maternité et le travail. Nombreuses sont celles qui nous confient ne pas oser quitter leur lieu de travail à l’heure, de peur d’être jugées inaptes à travailler efficacement tout en étant mère. Et c’est lorsque l’action et la parole sont censurées que nous tombons dans la névrose, que la somatisation nous attrape et que le mal-être s’accroît. Cela n’est qu’un modeste aperçu de ce que la Journée mondiale de la femme doit révéler. Et qui sait, un jour, peut-être cette journée n’existerait plus, et ce n’est que ce jour-là que la femme serait bien dans « son assiette ». 


Docteure en psychanalyse et psychopathologie. Elle est psychothérapeute au Human Relations Institute & Clinics (Dubaï).


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commentaires (2)

"un jour, peut-être cette journée n’existerait plus" ... Le jour où les religions ne donneront plus aux femmes de moindres rôles, où les gens ne s'étonneront plus de voir plus de 110 candidates sur presque 1000 candidats en y voyant un exploit démocratique inouïe, le jour où l'homme et la femme auront le droit chacun au même nombre de conjoints, le jour où tout les humains seront à pieds d'égalité, etc. Cette journée n'existera plus... Viendra-t-il?... Allah karime!?

Wlek Sanferlou

16 h 05, le 10 mars 2018

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Commentaires (2)

  • "un jour, peut-être cette journée n’existerait plus" ... Le jour où les religions ne donneront plus aux femmes de moindres rôles, où les gens ne s'étonneront plus de voir plus de 110 candidates sur presque 1000 candidats en y voyant un exploit démocratique inouïe, le jour où l'homme et la femme auront le droit chacun au même nombre de conjoints, le jour où tout les humains seront à pieds d'égalité, etc. Cette journée n'existera plus... Viendra-t-il?... Allah karime!?

    Wlek Sanferlou

    16 h 05, le 10 mars 2018

  • S'il y'a bien une journée du mouton pour un 3eid, pourquoi n'y aurait pas une pour la femme ? C'est juste pour faire de l'humour. .. ...

    FRIK-A-FRAK

    13 h 07, le 10 mars 2018

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