Pour affronter les mégalistes politiques traditionnelles de la circonscription de Kesrouan-Jbeil, il faut avoir le goût de l’aventure et un sacré culot. Joséphine Zoughaib ne manque ni de l’un ni de l’autre. Celle qui a été élue en 2016 pour la seconde fois au conseil municipal de Kfardebiane est actuellement candidate aux élections législatives, dans le cadre du rassemblement « Citoyens et citoyennes dans un État », que dirige l’ancien ministre Charbel Nahas. Elle est aussi présidente de l’association « Beyti », qui œuvre au développement, et membre du Mouvement écologique libanais. « Je travaille dans le secteur public depuis plus de quinze ans, j’ai donc côtoyé les problèmes des citoyens de près », dit-elle.
C’est sur le développement de sa région natale, le jurd du Kesrouan, que Joséphine Zoughaib a consacré sa thèse de doctorat. « On ne peut agir sans connaître le terrain, affirme Joséphine Zoughaib. Toutefois, sonder en profondeur les problèmes ne suffit pas, il nous faut intégrer le domaine de la politique pour trouver les solutions, puisque c’est l’incompétence des politiciens qui est à la source de ces ratages. »
Joséphine Zoughaib, née en 1978, s’intéresse à la vie publique depuis ses dix ans. « Cette année-là, j’ai fait un séjour d’un an en France dans le cadre d’un voyage organisé par l’USEK, se souvient-elle. C’est de cette époque que je tiens mon amour pour les voyages et l’aventure. »
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Le tour du monde en sac à dos
À son retour de Londres où elle effectue un stage, la jeune femme décide de parcourir le monde pour faire connaître son pays. Son rêve se concrétise en 2003, et elle parcourt 45 pays durant deux ans, munie d’un sac à dos et de… « zéro sou ». « Je véhiculais un message de paix, celui de l’acceptation de l’autre, portant le foulard des scouts, souligne-t-elle. C’est là que je me suis rendu compte que nous nous ressemblons tous, malgré nos différences. »
C’est ce sentiment très fort qui a donné à la jeune femme la volonté de changer quelque chose dans son propre pays. « De là est née l’association Beyti (ma maison), fondée fin 2004, explique-t-elle. L’idée est celle d’une maison de l’amitié et l’un de nos principaux combats est celui d’aider les jeunes diplômés à trouver du travail. Nous avons aussi créé un bureau spécialement pour le développement des capacités des femmes, très absentes de la scène publique. »
Les interactions entre société et développement sont donc le cheval de bataille de Joséphine Zoughaib. Cette ancienne scoute a choisi pour slogan électoral « toujours prête ». « Je ne conçois pas cette candidature comme un festival électoral, mais plutôt comme une mission, dit-elle. Dans le cadre du rassemblement auquel j’appartiens, nous sommes prêts à représenter le peuple libanais dans l’hémicycle. Le folklore ne nous intéresse pas. »
Joséphine Zoughaib a gagné deux batailles électorales aux municipales. Met-elle en risque cet acquis en se lançant dans une arène bien plus périlleuse, celle des législatives ? « Il est très important de se trouver au Parlement, c’est le lieu où on peut faire une différence, affirme-t-elle. Il est essentiel d’y être aussi pour garder un œil sur le gouvernement. Il est impossible, dans la conjoncture actuelle, d’accéder à l’information comme nous le souhaitons, malgré la loi sur l’accès à l’information (adoptée en janvier 2017, NDLR), notoirement inappliquée. »
Joséphine Zoughaib est fière d’appartenir à un rassemblement multiconfessionnel, qui s’apprête à mener bataille dans tout le Liban, militant pour un État civil. Comment y parvenir ? « Le Liban est d’ores et déjà un État civil, suivant sa Constitution, répond-elle. Mais le confessionnalisme mine le pays et se résume à un partage des parts entre groupes confessionnels. Voilà pourquoi il est important de revenir à la Constitution pour retrouver l’essence même de la citoyenneté. »
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« Concernée par le désespoir chez les jeunes »
« Citoyens et citoyennes dans un État » a un programme commun national pour tous ses candidats, avec de grandes lignes comme l’instauration de l’État civil, la reddition de comptes, la remise en cause du système économique et tarifaire… « Nous avons des plans très minutieux et bien documentés qui montrent que nous pouvons créer un véritable État si nous luttons efficacement contre la corruption et si nous demandons des comptes aux corrompus, affirme-t-elle. Il n’en demeure pas moins que chaque région a des spécificités. Pour ma part, je suis particulièrement concernée par le désespoir que je ressens chez les jeunes, qui ont perdu confiance dans leur pays. »
La bataille sera rude au Kesrouan… « C’est vrai, reconnaît-elle. Mais il faut constater que les alliances sont bâties sur les intérêts et non sur des lignes politiques. Pour ma part, je vais rester proche des gens, dans une approche participative qui vise à scruter les besoins de la population. Ma force, c’est que ma lutte pour le développement ne date pas d’hier et ne commence pas à la veille du scrutin. »
La candidate se défend cependant de ne compter que sur le sentiment d’insatisfaction générale à l’encontre des partis traditionnels. « Nous cherchons à convaincre par notre programme », assure-t-elle.
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L'on a l'impression que l’Establishment a eu peur de ce type de candidature, car le peuple est demandeur du changement, donc il essaie de verrouiller l'accès au parlement par cette loi électorale incompréhensible, afin d'optimiser les chances des alliés au sein des larges blocs politiques à se partager les sièges. Bonne chance à Madame Zogheib en espérant qu'un miracle puisse l'aider dans cette bataille législative. Vous écrivez "les méga listes politiques traditionnelles" ce qui donne de la légitimité et de la profondeur, très discutables, à des alliances de circonstances dans cette région dont certaines seront éphémères.
10 h 50, le 12 mars 2018