Le président du Parlement libanais, Nabih Berry. Photo d'archives REUTERS/Mohamed Azakir
La dispute entre le chef du Législatif libanais, Nabih Berry, et le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, s'est élargie mercredi, le président Michel Aoun se disant contre le règlement des conflits dans la rue alors que les partisans de M. Berry agitent la menace d'un blocage à l'aéroport.
Le syndicat des transporteurs aériens a ainsi tenu un sit-in devant le bâtiment des douanes à l'aéroport international de Beyrouth pour exprimer son soutien au chef du mouvement Amal. "Nous exprimons notre solidarité avec le président Berry et condamnons les atteintes à son égard", affirme dans un communiqué le syndicat, qui annonce que "si la situation s'envenime, nous proclamerons la désobéissance civile à l'aéroport de Beyrouth jusqu'au départ du ministre qui cherche la sédition". Jeudi, le président exécutif de l'Union des syndicats du transport aérien au Liban, Ali Mohsen, a démenti ces informations, affirmant que l'Union n'avait publié aucun communiqué.
Un peu plus tôt, une centaine de jeunes partisans du mouvement Amal, dirigé par M. Berry, s'étaient brièvement rassemblés sur l'autoroute menant à l'aéroport de Beyrouth, agitant des drapeaux de la formation chiite.
Des militants d'Amal manifestent dans la rue pour le troisième jour consécutif afin d'exprimer leur colère contre le ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui avait traité M. Berry de "voyou" dans un enregistrement vidéo ayant fuité lundi. Ce jour-là, ainsi que mardi, plusieurs partisans d'Amal ont brûlé des pneus dans différentes zones de la capitale et ses banlieues.
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Aoun contre le recours à la rue
Le président de la République a critiqué ces manifestations. "Les conflits politiques se règlent au sein des institutions constitutionnelles et non dans la rue", a écrit le chef de l'Etat sur le compte Twitter officiel de la présidence. "Je continuerai à œuvrer pour le renforcement de l'unité nationale, malgré les obstacles que certains me mettent", a-t-il ajouté.
Pour sa part, le ministre de l'Education, Marwan Hamadé, a proclamé à l'issue d'une rencontre à Aïn el-Tineh avec M. Berry son appui et celui de son bloc parlementaire, le Rassemblement démocratique du chef druze Walid Joumblatt, au chef du Législatif. "Le président Berry ne veut pas exacerber les tensions, mais il y a des faits qui commencent à s'accumuler et qui ont abouti à la situation actuelle (...)", a assuré M. Hamadé. "La question primordiale est le respect de la Constitution et l'accord de Taëf, personne n'a évoqué le gouvernement", a assuré M. Hamadé, alors que certains milieux affirment qu'il n'y aura pas de Conseil des ministres avant la fin de la dispute entre MM. Berry et Bassil.
M. Hamadé a souligné que le système libanais était celui "d'une république parlementaire et non un système présidentiel. Nous ne voulons violer les droits de personne, les droits de tous les Libanais se valent, tout le monde doit se souvenir que c'est ce facteur-là qui assure l'équilibre du Liban", a ajouté M. Hamadé, en critiquant M. Bassil sans le nommer.
Le député Ali Bazzi, affilié à la formation de M. Berry, a également pris la défense du chef du Législatif. "M. Berry a le courage et le sens de la responsabilité nationale pour présenter des excuses aux Libanais qui auraient été lésés d'une manière ou d'une autre par les manifestations populaires. Personne au sein d'Amal n'a demandé aux partisans de descendre dans la rue", a-t-il insisté.
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Empêcher les manifestations
Cité par ses visiteurs, Nabih Berry a, lui, assuré "ne pas avoir demandé des excuses à sa personne, mais à tous les Libanais pour les insultes qui ont fusé". "Ni le président Berry ni le mouvement Amal n'ont quelque chose à voir avec ce qui s'est passé dans la rue, car M. Berry œuvre depuis plusieurs jours pour empêcher toute manifestation et est entré en contact avec l'armée et les responsables pour s'assurer que la sécurité des citoyens n'est pas en danger", peut-on lire dans un communiqué publié à l'issue des entretiens de M. Berry avec ses visiteurs.
M. Berry a également démenti les propos faisant état d'une démission du gouvernement, assurant qu'il n'a été demandé à aucun ministre de démissionner.
En début de soirée, des partisans du mouvement Amal se sont rassemblés devant l'Unesco à Beyrouth, en signe de soutien à leur chef. Ils ont été rejoints par le député Ali Khreiss qui a affirmé que les ministres du parti chiite ne boycotteront pas le Conseil des ministres. "Nous ferons face à tous les marchés douteux", a-t-il dit, affirmant que le communiqué de la présidence publié mardi "place sur un même pied d'égalité le tueur et le tué".
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Le CPL et M. Berry s'opposent sur de nombreuses questions politiques, notamment le décret d'avancement de la promotion militaire de 1994. Cette polémique envenime les relations entre le chef de l’État, Michel Aoun (fondateur du CPL), et le président du Parlement depuis des mois. Et depuis quelques jours, une nouvelle crise oppose les deux formations autour du congrès de la "Lebanese Diaspora Energy" organisé par le ministère des Affaires étrangères et prévu les 2 et 3 février prochain. Selon plusieurs sources concordantes, une grande majorité des participants chiites vont probablement boycotter ce rassemblement, "sur directives" de M. Berry.
Ce nouvel épisode dans les relations tumultueuses entre M. Berry et le chef du CPL est à mettre sur le compte de la tension croissante qui se manifeste en amont des législatives, prévues en mai prochain. Les deux hommes étaient déjà à couteaux tirés à cause notamment du refus de M. Berry d’avaliser la proposition de M. Bassil d'accorder un délai supplémentaire pour l’inscription des électeurs libanais résidant à l’étranger.
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Triste spectacle, affligeant que celui qui nous offert encore aujourd'hui où rien n'est jamais fini où j'ai la triste impression que nous excellons dans l'art de flirter avec le danger et l'envie d'une nouvelle guerre et de nouvelles souffrances ... merci à vous tous pour votre ténacité à détruire ce pays.
21 h 26, le 31 janvier 2018