Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Conflit

À Afrine, « les Kurdes n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre »

Les alliés du PYD, Moscou et Washington, semblent rester en retrait sur le terrain, alors qu’Ankara a lancé l’offensive contre les positions kurdes à la frontière syro-turque.


Des troupes turques avancent près de la frontière syrienne dans le cadre de l’opération « Rameau d’olivier » à Hassa. Bulent Kilic/AFP

L’opération turque baptisée « Rameau d’olivier » se poursuit à Afrine, au nord-ouest de la Syrie. Située dans le gouvernorat d’Alep, cette ville de 36 000 habitants connue pour ses oliveraies est dans la ligne de mire d’Ankara depuis samedi. Afrine est devenue une enclave kurde depuis 2014, constituant l’un des chefs-lieux administratifs du Kurdistan syrien, après être tombée aux mains des Unités de protection du peuple (YPG), la branche armée du Parti de l’union démocratique syrien (PYD) formée en 2011. Ankara voit d’un mauvais œil l’autonomie grandissante des entités kurdes à une trentaine de kilomètres de la frontière avec la Syrie alors qu’il les considère comme étant des organisations terroristes. L’objectif de l’opération est d’établir une « zone sécurisée » de 30 kilomètres depuis la frontière turque.


Les Kurdes, qui jouaient jusqu’alors de leurs contacts avec les Américains et les Russes sur le terrain, se retrouvent dans une situation bien délicate depuis samedi. Car bien que Afrine jouisse de la protection de Moscou où une base militaire russe est établie, l’offensive turque a à nouveau battu les cartes dans la région. « La Turquie ne peut pas entrer dans Afrine sans le feu vert de la Russie », peut-on lire dans le journal turc d’opposition Cumhuriyet. Selon le quotidien, l’entente entre Ankara et Moscou démontre que les Russes « voudront punir les Kurdes pour leur alliance avec les États-Unis ». L’escalade des tensions remonte au 14 janvier lors de l’annonce par Washington de la mise en place d’une nouvelle force frontalière réunissant près de 30 000 hommes avec les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les unités de combat kurdes.


(Repère : Qui sont les rebelles engagés dans l'opération turque en Syrie)



« Amis russes »
Malgré les menaces turques à l’encontre de Afrine et contre leurs alliés Kurdes, les forces russes ont quitté la ville dès samedi, soulevant la théorie d’un échange de Afrine pour les Turcs contre Idleb pour Moscou et le régime syrien. « Pour prévenir d’éventuelles provocations et éviter tout risque pour la vie et la sécurité des militaires russes, le groupe opérationnel du Centre pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie et de la police militaire a été transféré dans la région de Tell Adjar, de la zone de désescalade de Tell Rifaat », a annoncé le ministère russe de la Défense, selon l’agence de propagande russe Sputnik.

Alors que de nombreux doutes persistaient sur un accord entre Moscou et Ankara au sujet de l’opération turque, celui-ci a été explicitement confirmé hier par le président turc, Recep Tayyip Erdogan. « Il n’y aura pas de marche arrière à Afrine (…). Nous en avons parlé avec nos amis russes, nous avons un accord », a-t-il déclaré à l’occasion d’un discours à Ankara.


(Lire aussi : Opération rameau d'olivier : les risques d'un embrasement)


« Droit légitime » pour Ankara
À l’instar des Russes, les soutiens du côté de Washington se font bien discrets et tentent de garder un équilibre diplomatique avec les Kurdes et Ankara, mais pour des raisons bien différentes. Les États-Unis tentent de garder un statu quo face à Ankara, son partenaire au sein de l’OTAN. Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a de nouveau appelé hier depuis Londres « toutes les parties à faire preuve de retenue et de minimiser l’impact sur les civils ». Mais pour autant, les États-Unis « reconnaissent totalement le droit légitime de la Turquie à protéger ses propres citoyens contre des éléments terroristes qui pourraient lancer des attaques contre des civils en territoire turc, depuis la Syrie », a-t-il ajouté en se référant aux tirs de roquettes lancés par les forces kurdes sur la ville turque de Reyhanli faisant un mort et 46 blessés.

Pourtant les combattants kurdes avaient fait appel peu avant à la coalition anti-État islamique dirigée par Washington dont ils font partie. « La coalition internationale est appelée à prendre ses responsabilité vis-à-vis de nos forces et de notre peuple à Afrine », interpelle un communiqué des FDS. « La coalition internationale, notre partenaire dans la lutte contre le terrorisme, avec qui nous avons mené ensemble des batailles honorables pour éliminer le terrorisme (…) sait très clairement que cette intervention turque est là pour vider de son sens la victoire finale » contre l’EI, poursuit le texte accusant les Turcs de vouloir « détourner » l’attention des Kurdes vers Afrine au détriment de la lutte contre l’EI.

Dans cette optique, les Kurdes semblent être délaissés par leurs alliés pour le moment, entre le retrait des Russes sur le terrain et le jeu d’équilibriste qu’entretiennent les Américains. Ainsi, « les Kurdes n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre mais devraient résister », souligne Jordi Tejel, professeur titulaire rattaché à l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel et spécialiste des Kurdes, contacté par L’Orient-Le Jour. Abandonnés militairement par leurs alliés, « ils finiront peut-être par se replier à l’est de l’Euphrate » où ils bénéficient jusqu’à nouvel ordre de l’appui américain, explique-t-il.


(Lire aussi : Dans Afrine bombardée, des enfants terrifiés et des rues désertes



« Jeu d’équilibre »
Les conséquences sur les relations entre les Kurdes et Washington ou Moscou restent difficiles à anticiper pour l’instant. « Sur le court terme, les Kurdes paraissent plutôt du côté des États-Unis, mais ils devraient s’entendre avec les Russes si cela est nécessaire », estime M. Tejel. « Ils entretiennent un jeu d’équilibre depuis 2011 », note-t-il. « Il faudra donc voir si l’alliance entre les États-Unis et le PYD peut se maintenir » si le conflit se poursuit en ce sens, précise-t-il.

Pour Khaled Issa, représentant des Kurdes syriens en France, « la population est attachée à ses territoires et nous allons nous battre pour défendre nos principes et nos valeurs », ne voulant pas admettre ouvertement que Russes et Américains les ont lâchés. Interrogé par L’OLJ, il explique que « la même stratégie qu’à Kobané » devrait être adoptée, se référant à la victoire kurde en 2015 face aux jihadistes de l’EI. Les combattants kurdes ont cependant activement bénéficié de l’aide militaire américaine durant cette période. Face au manque d’action du côté américain, « nous souhaitons que la communauté internationale reconnaissance l’illégitimité des agressions turques en territoire syrien qui menacent la paix, la stabilité et la sécurité » de la région, poursuit M. Issa. Alors que les Russes et les Américains sont en retrait sur le dossier, le représentant des Kurdes syriens en France souligne le rôle que pourrait jouer Paris en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon lui, la France « a pris une position très positive en demandant l’arrêt des hostilités, mais pourrait aller plus loin en se portant médiateur entre les parties ou encore en proposant d’envoyer des observateurs sur place », pour permettre de garantir la sécurité de la frontière entre la Syrie et la Turquie.



Lire aussi

Environ 25 000 rebelles de l'Armée syrienne libre mobilisés dans la bataille d'Afrine

Damas menace de détruire les avions turcs en cas d'intervention d'Ankara à Afrin

Pourquoi la position turque est intenable en Syrie

Et si Washington ne se donnait toujours pas les moyens de sa politique en Syrie ?

Pour Florent Parmentier, la Russie « comprend » la Turquie concernant la question kurde

Les Kurdes syriens 'sont prêts à défendre seuls' la poche d’Afrine

L’opération turque baptisée « Rameau d’olivier » se poursuit à Afrine, au nord-ouest de la Syrie. Située dans le gouvernorat d’Alep, cette ville de 36 000 habitants connue pour ses oliveraies est dans la ligne de mire d’Ankara depuis samedi. Afrine est devenue une enclave kurde depuis 2014, constituant l’un des chefs-lieux administratifs du Kurdistan syrien, après...

commentaires (2)

PAUVTRES KURDES ! TOUS LES CHIENS ENRAGES VEULENT LES DEVORER...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 47, le 23 janvier 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • PAUVTRES KURDES ! TOUS LES CHIENS ENRAGES VEULENT LES DEVORER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 47, le 23 janvier 2018

  • Tout est dit dans ce paragraphe : "peut-on lire dans le journal turc d’opposition Cumhuriyet. Selon le quotidien, l’entente entre Ankara et Moscou démontre que les Russes « voudront punir les Kurdes pour leur alliance avec les États-Unis »." ------------------------- Si la Turquie est restée à l'âge pierre ottoman, pour la Russie cela devient plus surprenant !Comment Poutine peut-il envisager de tels actes infâmes en pactisant avec la Turquie contre ce peuple paisible et qui de surcroit misait sur son alliance avec les russes....pour se protéger. Ces divisions entre Washington,et Moscou .... n'aident pas trop à créer un monde juste et apaisé. Jadis on parlait de superpuissances qui manipulaient les petits pays, et à l'heure actuelle se sont des puissances sauvages qui manipulent les grandes puissances ? La question reste sans réponse.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 01, le 23 janvier 2018

Retour en haut