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Moyen Orient et Monde - Syrie

Washington pris en étau entre Ankara et les Kurdes

L’administration américaine, en retrait sur la question d’Afrine, tente d’entretenir un équilibre entre ses alliés en conflit sur le terrain.

Des combattants des forces kurdes pendant un rassemblement, hier, à Hassaké, en Syrie. Rodi Saïd/Reuters

Si les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) entretiennent des liens étroits avec Washington dans la lutte contre l’État islamique en Syrie depuis ces dernières années, l’administration américaine cherche à rester en retrait sur la question de l’opération turque « Rameau d’olivier » lancée samedi contre les Kurdes.

Pas plus tard qu’hier, le ministre américain de la Défense, James Mattis, a confirmé la position américaine à ce sujet lors d’un déplacement à Djakarta. « Nous prenons très au sérieux les inquiétudes sécuritaires légitimes de la Turquie », a-t-il déclaré. « Mais la violence à Afrine trouble ce qui était jusque-là une zone relativement stable de la Syrie », a-t-il poursuivi. Les États-Unis « demandent à la Turquie de faire preuve de retenue dans ses opérations militaires comme dans sa rhétorique et de s’assurer que ses opérations sont limitées, en termes d’ampleur et de durée », a confié le ministre américain aux journalistes couvrant sa tournée asiatique.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis appellent à la retenue à Afrine. Washington avait déjà utilisé la même formule avant les premiers pilonnages turcs sur l’enclave kurde située dans le Nord-Ouest syrien et l’a répété quotidiennement depuis. L’administration américaine n’a cependant pas laissé entendre qu’elle interviendrait sur le terrain pour venir en aide aux combattants kurdes. Ces derniers font pourtant partie de la coalition anti-EI et de la nouvelle force de sécurité frontalière composée de 30 000 hommes avec les Forces démocratique syriennes – dominées par les unités kurdes –, toutes deux menées par Washington.
Et pour cause, les États-Unis se trouvent pris en étau face au casse-tête diplomatique et militaire que représente Afrine pour l’administration. Car Washington se voit obligé de prendre en compte un certain nombre d’éléments alors que les relations entre la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan et la Maison-Blanche sont déjà loin d’être au beau fixe. Ankara est un partenaire de taille pour les Américains dans la lutte contre l’EI, mais surtout en tant que membre de l’OTAN. L’appui américain aux forces kurdes de l’YPG en Syrie, la branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD), avait déjà froissé les relations avec Ankara qui considère ces derniers comme étant des « terroristes ». L’annonce à la mi-janvier de la constitution d’une nouvelle coalition avec les FDS n’a fait qu’enfoncer le clou un peu plus. D’autant plus que cette force de sécurité frontalière est analysée par de nombreux observateurs comme n’étant que l’équivalent de la coalition anti-EI réactualisé.


(Lire aussi : Kurdes et rebelles syriens racontent la bataille d’Afrine) 



Retrait américain
Les Turcs ont ainsi décidé de ne pas prendre au mot les appels américains, ayant par ailleurs bénéficié du feu vert des forces russes qui se sont retirées d’Afrine quelques heures avant le début de l’opération. Ankara n’a, depuis, pas caché non plus son ambition de vouloir étendre ses manœuvres militaires jusqu’à la ville de Manbij, située à une centaine de kilomètres d’Afrine et qui se trouve aussi sous l’emprise kurde. Un plan qui serait d’autant plus facilité par l’inaction américaine de ces derniers jours sur le terrain.

Les États-Unis, en dépit de leur alliance avec les Kurdes, semblent pour l’instant privilégier leurs relations avec Ankara où leurs intérêts sont plus élevés sur les plans politique et militaire. « Il faut cependant ajouter que les États-Unis étaient absents de cette petite région très homogène, mais très enclavée, entre la frontière avec la Turquie, les zones tenues par le régime de Bachar el-Assad et celles des différentes forces militaires de l’opposition à ce dernier », souligne Boris James, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient à Erbil, dans le Kurdistan irakien, contacté par L’Orient-Le Jour. D’autant plus que Washington ne peut se permettre de jeter de l’huile sur le feu dans sa relation tumultueuse avec la Turquie en apportant davantage son soutien aux Kurdes, cela pouvant donner lieu à un face-à-face qu’il souhaite clairement éviter. Le fait de se mettre en retrait par rapport aux Kurdes d’Afrine ne change pas la donne avec Ankara.

Pour autant, la stratégie américaine concernant Afrine est difficilement lisible. Car à trop vouloir garder un certain équilibre dans le jeu d’alliance avec les Kurdes d’un côté et les Turcs de l’autre, le poids que peut conserver Washington sur les négociations de paix est incertain. « En dépit de l’aide militaire et du soutien diplomatique apportés aux YPG, les États-Unis sont dans une phase de retrait du terrain syrien, ce qui profite aux acteurs régionaux et à la Russie dont le souci essentiel est le maintien du régime assadien », explique le chercheur. Les États-Unis sont d’autant plus déjà devancés par Moscou qui chapeaute notamment les pourparlers de Sotchi avec Téhéran et Ankara et dont un nouveau round doit se tenir les 29 et 30 janvier, alors que les négociations dans le cadre du processus de Genève piétinent.

L’autre question qui se pose par ailleurs porte sur les conséquences possibles sur la crédibilité des Américains en tant que partenaire sur le terrain tant pour les Kurdes que pour les Turcs. Ces développements ne veulent cependant pas dire que les États-Unis sont hors du jeu syrien. Car Washington garde un pied à l’est de l’Euphrate, où il continue d’appuyer les combattants kurdes. Dans ce cadre, « il est certain que les canaux de communication et la coopération entre YPG, Russes et Américains seront maintenus », anticipe M. James. Pour lui, « il y a fort à parier également que la consolidation militaire et politique de la zone qui s’étend de l’Euphrate à la frontière irakienne pourra s’appuyer sur un soutien continu des États-Unis » aux Kurdes.


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ILS JOUENT LA PARTIE AVEC DEXTERITE !

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 18, le 24 janvier 2018

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Commentaires (2)

  • ILS JOUENT LA PARTIE AVEC DEXTERITE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 18, le 24 janvier 2018

  • désole mais je ne suis pas d'accords du tout ... car ici les analystes affirment le contraire, Washington ne voit pas d'un mauvais œil la prise de Afrin par les turques car les 2 sont leurs allies de toute façon.. et ce qui intéresse Washington c'est plutôt la frontière nord est qui est son intérêts et c'est précisément la que les USA avait choisis au kurde de s'installer ... de plus les USA et la Russie se sont entendu depuis bien avant la rentrer des Russes en Syrie .. la Russie l'a meme affirmer apres etre rentrer avoir avertit les USA 2 mois avant

    Bery tus

    04 h 56, le 24 janvier 2018

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