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Liban - Liban

« Non-respect de Taëf » : Derrière la double mise en garde de Berry et Joumblatt...

Le député Waël Bou Faour s'est entretenu hier au Grand Sérail avec le Premier ministre Saad Hariri. Photo Dalati et Nohra.

La querelle entre le président de la République et le chef du législatif, même si elle est foncièrement politique, trouve sur le terrain juridique prétexte à s’amplifier.

Après avoir relevé des violations constitutionnelles dans la signature du décret d’ancienneté de la promotion 94, le président de la Chambre a dépassé ce cas précis pour formuler une mise en garde générale contre des menaces à Taëf. « Ce qui s’applique aujourd’hui aux Libanais, c’est le non-Taëf et la non-Constitution », a-t-il dit hier, avant de recevoir dans l’après-midi à Aïn el-Tiné le député Waël Bou Faour, délégué par le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt. Ce dernier avait exprimé en début de journée une position solidaire de celle du président du Parlement. « Quasiment toutes les décisions du Conseil des ministres creusent le déficit public au lieu de le contenir », avait écrit M. Joumblatt sur son compte Twitter. « Mais le plus dangereux, c’est le fait que Taëf soit progressivement vidé de sa substance », a-t-il ajouté.

Depuis Aïn el-Tiné, M. Bou Faour s’est d’abord désolé du « surplace actuel sur la question du décret d’ancienneté », et a rejeté implicitement la logique du chef de l’État qui veut que le décret soit déjà entré en vigueur. « Le décret n’est pas derrière nous », a-t-il asséné, avant d’élargir aussitôt le débat. « Il semble que le débat (sur le décret) en amène un autre sur le respect de Taëf dans l’esprit et dans le texte. En marge du premier, il est impératif de rappeler l’obligation de respecter Taëf, dans le sens du partenariat national qu’il instaure (…). Or nous faisons face aujourd’hui à un double dilemme, l’un constitutionnel, l’autre politique et national », a-t-il expliqué, en ajoutant : « Il y a des craintes réelles et sérieuses que certains traitent Taëf comme un texte qu’on néglige ou comme un concept sur lequel il ne faudrait pas s’attarder. » C’est en ces termes qu’il a aussi expliqué aux journalistes la teneur du commentaire laconique de Nabih Berry.

 « Tout ce que nous pouvons espérer, c’est qu’il n’y ait chez personne de volonté tacite d’outrepasser Taëf ni de laisser-faire dans ce sens », a-t-il ajouté. Selon une source indépendante, ces soupçons de « laisser-faire » peuvent être interprétés comme visant le Premier ministre Saad Hariri, lequel défendrait pour l’instant « un avis opposé à celui de Nabih Berry et de Walid Joumblatt ».
Quoi qu’il en soit, M. Bou Faour a veillé à saluer les efforts de conciliation entamés par le Premier ministre « il y a quelques jours » sur base de la proposition de solution que Nabih Berry avait transmise à l’émissaire joumblattiste. Il avait proposé de fusionner le décret d’ancienneté de la promotion 94 avec le décret d’avancement des officiers de l’armée, de sorte que le texte soit signé par les ministres compétents, dont le ministre des Finances. Ne voulant pas se prononcer sur l’échec de cette initiative, « qui ne serait dans l’intérêt de personne », M. Bou Faour a évoqué un « freinage » dans les concertations, comme pour accorder un temps de répit aux efforts du Premier ministre. « Nous souhaitons que le Premier ministre Hariri poursuive ce qu’il a commencé, afin que les deux débats sur le décret d’ancienneté mais aussi sur Taëf soient clos », a-t-il conclu.


(Pour mémoire : Promotion 1994 : la querelle s’envenime entre les lieutenants de Aoun et de Berry)


Mise au point avec Hariri
M. Bou Faour s’est rendu plus tard au Grand Sérail, pour une mise au point avec Saad Hariri. Sans manquer de rappeler les « intérêts communs, politiques et non politiques, entre MM. Hariri et Joumblatt », M. Bou Faour a réitéré son souhait que « les efforts intensifs de Saad Hariri aboutissent à dénouer la crise sur le décret d’ancienneté ». « Si la volonté politique s’y trouve, il sera possible d’innover pour des solutions, à condition que celles-ci soient conformes à la Constitution et à Taëf, lequel a été fait pour endiguer les conflits », a-t-il conclu.

Ces mises en garde communes de MM. Berry et Joumblatt contre une violation préméditée de Taëf, si elles sont fondées, n’explicitent pas les points par lesquels ils estiment que la Constitution n’a pas été respectée, ni en quoi cette violation a été préméditée. Si elles étaient restées limitées au seul décret d’ancienneté, ces mises en garde auraient pu être comprises comme un élément de l’argumentaire berryiste contre « le court-circuitage » des compétences du ministre des Finances en la matière. Ou encore comme une réponse à l’avis, qui serait celui du chef de l’État, qui tend à amender l’article 56 de la Constitution relatif au délai de promulgation du décret imparti au président de la République, de sorte à imposer un délai similaire (voire plus court) au Premier ministre et au ministre compétent pour signer le décret en question. Par-delà le caractère contestable en droit de cette proposition, ce n’est pas à cela que M. Berry a voulu répondre hier.
En élargissant le débat dans le sens d’un sabotage présumé de Taëf, Nabih Berry n’a pas voulu mettre en garde contre une tentative de réviser la Constitution. Faut-il rappeler que pareil amendement exige un vote aux deux tiers des députés ?


(Lire aussi : L'enjeu caché de la bataille du décret d'ancienneté)


Les pratiques du camp aouniste
Sa mise en garde et celle de Walid Joumblatt, formulées d’un ton grave, concernent plutôt les pratiques du camp aouniste (couvertes par le Premier ministre) au sein du gouvernement.

À L’Orient-Le Jour, le député Yassine Jaber, du bloc Amal, évoque « un empiètement flagrant de l’exécutif sur les compétences du Parlement ». Alors que « l’article 65 de la Constitution impose au gouvernement le respect des lois en vigueur, le gouvernement actuel fait fi de ces lois dans plusieurs domaines, depuis les télécommunications jusqu’à l’électricité ». Il rappelle par exemple que la somme d’un milliard deux cents millions que le Parlement a accepté de débloquer pour le plan de l’électricité était assortie de conditions, dont la formation d’un comité d’administration d’EDL, ou encore le recours à des partenariats public-privé pour certains services. Des conditions « complètement occultées par ceux-là mêmes qui détiennent le portefeuille de l’Énergie depuis 2008 », précise M. Jaber. Le député ne manque pas de faire mention des contrats de gré à gré conclus « en violation de l’article 89 qui veut qu’aucune concession, ayant pour objet l’exploitation d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique, ni aucun monopole ne peuvent être accordés qu’en vertu d’une loi et pour un temps limité ». Le député mentionne par ailleurs les abus au niveau des nominations au sein de l’administration, dans une allusion à peine voilée à l’ingérence du camp aouniste dans les nominations de fonctionnaires des catégories inférieures. « L’article 95 est très clair en limitant l’exigence de parité aux ministres et aux fonctionnaires de première catégorie », a-t-il dit.

Mais entre les lignes de ces accusations de « bafouer le partenariat », il y aurait une volonté de contenir « la tentation du président de la République de réhabiliter les vieilles pratiques présidentielles d’avant-Taëf », souligne un juriste, en rappelant toutefois que celles-ci s’étaient à l’époque imposées de facto et non de jure, contrairement à ce qui est communément admis.



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commentaires (5)

QUI DU RENARD RENOMMÉ POUR SES RUSES... ET DU CAMELEON RENOMMÉ POUR SES CHANGEMENTS DE COULEUR... EST DIGNE DE FOI ? NI L,UN ET NI L,AUTRE !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 31, le 24 janvier 2018

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Commentaires (5)

  • QUI DU RENARD RENOMMÉ POUR SES RUSES... ET DU CAMELEON RENOMMÉ POUR SES CHANGEMENTS DE COULEUR... EST DIGNE DE FOI ? NI L,UN ET NI L,AUTRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 31, le 24 janvier 2018

  • PAROLE DE GOUPIL ET DE CAMELEON ! JUGEZ LE POIDS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 04, le 23 janvier 2018

  • Boufaour bafoue et Hariri rit .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 07, le 23 janvier 2018

  • Berry et Joumblatt n'en ont rien a foutre de Taef puisqu'il n'en respecte pas un seul article sauf lorsqu'il convient a leur poche ou intérêt, chose qui n'est pas encore arrive. De plus Joumblatt n'a qu'une seule hantise dans sa vie, celle de voir les Chrétiens a nouveau gérer le pays. Il rêve encore de l’émirat Druze qui ne reviendra jamais... Alors des qu'il se rend compte que le peuple penche pour les souverainistes authentiques tels que les FL ou Kataeb ou PNL, etc... il commence a soutenir l'insoutenable pour foutre le bordel et la confusion dans l'esprit des gens. C'est quand qu'il disparaîtra ce fossile? Il est temps de le "Naftalizer" pour que le pays puisse aller de l'avant, et il n'est pas le seul!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 46, le 23 janvier 2018

  • « Ce qui s’applique aujourd’hui aux Libanais, c’est le non-Taëf et la non-Constitution ». Tout à fait d'accord! Sauf que Berry est sans doute la personne la plus mal placée pour en parler! Pourquoi donc tous ceux qui se réfèrent sans cesse à l'accord de Taëf en oublient-ils un des points principaux, à savoir le désarmement de TOUTES les milices?

    Yves Prevost

    07 h 17, le 23 janvier 2018

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