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Au Liban, le familialisme politique et la marginalisation des femmes

La structure politique libanaise donne naissance à des éléments toxiques qui entravent la participation politique des femmes et empêchent l'État de devenir une véritable démocratie.

Hind Sharif a obtenu un master en démocratie et droits de l’homme dans la région MENA en juillet 2017. Son mémoire intitulé « The Origin of Women’s Segregation in Lebanon’s Political Life : Between Patriarchy and Consociational Democracy » lui a valu la meilleure note de sa promotion et les félicitations de ses professeurs.

« La cause profonde de la sous-représention des femmes en politique au Liban est enracinée dans le familialisme qui sévit dans les partis politiques dominants. » C'est l'une des conclusions d'un intéressant mémoire réalisé par une jeune étudiante palestinienne, Hind Sharif, au Centre interuniversitaire européen pour les droits de l'homme, à Venise en Italie, et qui lui a valu la meilleure note de sa promotion et les félicitations de ses professeurs. Menée dans le cadre d'un master en démocratie et droits de l'homme dans la région MENA dont un semestre a été effectué à l'Université Saint-Joseph à Beyrouth, cette recherche a également montré que le système libanais du partage du pouvoir perpétue les clivages entre les différentes communautés confessionnelles et renforce l'hégémonie des leaders.

« Alors que le familialisme politique est considéré être à l'origine de la discrimination contre les femmes en politique, ce système est renforcé et soutenu par le système électoral en vigueur (ancienne loi) et la formule sectaire de partage du pouvoir. Cet arrangement a ancré les polarisations entre les communautés confessionnelles et a permis aux familles puissantes de maintenir leurs positions héréditaires et leur statu quo, régénérant ainsi un système politique dominé par les hommes et par les clans », explique la jeune chercheuse de 23 ans originaire de Ramallah. Hind, qui effectue actuellement un stage au Parlement européen à Bruxelles au sein de l'Unité d'action pour les droits de l'homme de la Direction générale des politiques externes de l'Union, poursuit : « La structure politique libanaise donne naissance à des éléments toxiques qui entravent la participation politique des femmes et empêchent l'État de devenir une démocratie véritable et fonctionnelle. »

 

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Vaste recherche qualitative
« Alors que l'État libanais a réussi à donner une image libérale de son traitement des femmes, le Liban souffre d'avoir l'un des taux les plus faibles de participation politique des femmes dans la région arabe et dans le monde. Selon l'Union interparlementaire, en 2017, le Liban se classait au 185e rang sur 193 pays dans la classification mondiale de la représentation des femmes au Parlement, avec 3,1 % de femmes au Parlement. C'est plus ou moins le même taux de participation que des pays réputés pour être considérablement plus conservateurs que le Liban, tels que la République islamique d'Iran (3,1 %) ou le Bahreïn (2,7 %) », souligne Hind Sharif.

Intriguée par le décalage entre « la présence et la réussite des femmes libanaises dans les milieux éducatif, social et économique » et « leur très faible participation en politique », la jeune chercheuse mène une vaste étude qualitative sur la participation politique des femmes au Liban et les causes de leur presque absence du pouvoir. Elle interroge des experts, rencontre des candidates aux élections municipales et parlementaires, prend part à un groupe de discussion et effectue une large recherche documentaire. « Les plus grandes difficultés que j'ai rencontrées dans le cadre de ma recherche étaient les contraintes de temps et le manque de contacts. J'ai cependant pu les surmonter grâce à l'aide généreuse de diverses organisations, activistes, collègues, universitaires et étudiants qui ont vraiment rendu cette recherche possible », confie Hind qui tient à remercier tout particulièrement sa directrice de mémoire, la professeure Fadia Kiwan, « dont l'expertise, le soutien et les idées ont contribué à la richesse de cette recherche ».

 

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Reconnaître les lacunes 
Le familialisme politique au Liban aurait un lourd impact non seulement sur la participation politique des femmes mais également sur la carrière politique des hommes qui viennent de l'extérieur du cercle proche des leaders. « Les aspirants politiques au Liban, qu'ils soient hommes ou femmes qui ne font pas partie des familles au pouvoir ou de leurs réseaux proches trouvent qu'ils ne peuvent pas accéder à des postes élevés au sein des partis politiques, même s'ils ont acquis les compétences nécessaires ».

Lorsque la plupart des recherches précédentes sur la participation politique des Libanaises mettent l'accent sur deux obstacles-clés qui entravent l'accès des femmes aux postes décisionnels : le patriarcat et le système politique sectaire, l'étude de Hind Sharif montre que le système politique sectaire et la société patriarcale au Liban ne sont pas à l'origine de la marginalisation politique des femmes, mais qu'ils la renforcent et la perpétuent. « Ce sont les structures profondes qui façonnent le système politique libanais et les caractéristiques internes des partis politiques, enracinés dans le familialisme politique et les réseaux clientélistes, qui en sont la première cause », souligne la jeune chercheuse.

Les conclusions de cette recherche pourraient servir à trouver des solutions appropriées et efficaces à la faible participation politique des femmes au Liban. « Si l'adoption d'un quota est nécessaire pour renforcer la participation politique des femmes, cette démarche doit s'accompagner d'initiatives de démocratisation visant à affaiblir les caractéristiques familiales et clientélistes actuelles qui dominent le système politique libanais », estime la jeune étudiante.

« Un nombre croissant de pays ont adopté des lois pour réglementer le fonctionnement des partis politiques. Le Liban n'a pas encore de telles lois. L'adoption de mesures pareilles affaiblirait l'autocratie au sein des partis politiques et diminuerait le leadership perpétuel des partis et le familialisme politique, ouvrant la voie à de nouveaux candidats et renforçant la démocratisation des partis », indique encore Hind Sharif. Et de conclure : « La réforme nécessite une décision politique et une volonté de reconnaître les lacunes dans le modèle démocratique du Liban et son exclusion de femmes compétentes de la politique (et d'hommes compétents qui viennent de l'extérieur des familles politiques et de leurs proches). Je crois fermement que mener des recherches dans ce domaine est une étape importante pour plaider et faire pression pour la mise en œuvre de ce changement. »

« La cause profonde de la sous-représention des femmes en politique au Liban est enracinée dans le familialisme qui sévit dans les partis politiques dominants. » C'est l'une des conclusions d'un intéressant mémoire réalisé par une jeune étudiante palestinienne, Hind Sharif, au Centre interuniversitaire européen pour les droits de l'homme, à Venise en Italie, et qui lui a valu la...

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