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Culture - Entretien

L’impact de l’exotisme made in Lebanon sur Cedric Bardawil

Armé de son 35mm, épris de romantisme et de vérité, l'artiste présente « Six Days at the Sporting Club »*, une série de photos qui documente le lieu mythique de Beyrouth et vise surtout à rompre avec les images codifiées de l'Orient.

Un cliché de la collection « Six Days at the Sporting Club » de Cedric Bardawil.

Tout au long de votre parcours, vous avez touché à plusieurs domaines : la photo, la musique, l'art et le journalisme. Comment jonglez-vous entre ceux-ci ?
Je travaille dans l'art, c'est mon gagne-pain, tout en y prenant plusieurs rôles. Car, ensuite, il y a la photo, la musique et le journalisme en rapport avec ces deux mondes que je prends également au sérieux et considère comme une forme d'expression personnelle, en espérant que celle-ci parte d'un point de vue singulier. En fait, je suis sur plusieurs fronts. Outre le projet Six Days at the Sporting Club, je lance en février une série d'expositions à Londres qui accueilleront des artistes contemporains montants. Je réfléchis pareillement à un projet autour des films (plus de 50 courts métrages) et photographies que mon grand-père Samir Bardawil a prises au Liban entre 1950 et 1970. Ces séquences sont frappantes et, pour la petite histoire, personne n'en était au courant, pas même mon père, jusqu'au décès de mon grand-père.
Vous souvenez-vous du premier contact avec la photographie ?
Du plus loin que je me souvienne, j'étais constamment accompagné d'une caméra avec laquelle je prenais tout et tout le monde en photo, les amis, la famille, les voyages et les choses qui titillaient mon regard. En autodidacte, ce médium a toujours fait partie de mon parcours, évoluant parallèlement à moi : j'ai démarré sur des films en 35mm, je suis passé au digital puis je suis revenu à l'argentique depuis près de cinq ans.

Quelles figures de la photographie vous ont inspiré ?
J'ai eu ma période Magnum au cours de laquelle je me suis penché sur le travail des grands photographes qui agissaient tels des « marqueurs » de leur époque. Plus récemment, en juillet denier, j'ai rencontré et interviewé Joel Meyerowitz, dont j'admire le travail. Sa manière de décrire la magie qui émane de la photographie m'a énormément inspiré, ainsi qu'une discussion que nous avons eue à propos du photographe Robert Frank. Tous deux se démarquent par la puissance de leur travail – à la fois méditatif et très ancré dans le réel –
qui distille la féerie de choses ordinaires. Dans un registre différent, j'ai été marqué par l'œuvre de Slim Aarons et Jean Pigozzi qui mettent plutôt l'accent sur du glamour, avec leurs piscines luxueuses, et dont la photo trace les contours d'un monde comme hors de portée.

Parlez-nous de la genèse de la série « Six Days at the Sporting Club » (soit une série de photos réalisée au Sporting en août dernier) qui a fait l'objet d'une exposition à Londres ainsi qu'une publication dans le magazine « Kennedy » ? De prime abord, qu'est-ce qui vous a marqué dans ce lieu ?
Je venais à Beyrouth deux fois l'an et je passais de plus en plus de temps au Sporting. C'est ainsi que je me suis mis à saisir tout ce qui rend ce lieu mythique et qu'hélas les mots peuvent difficilement décrire. C'est un lieu de loisir qui n'a rien à voir avec tous les autres que j'ai visités, en même temps élégant et bigarré. En fait, par-delà l'architecture et le cadre uniques, ce sont surtout les gens, que ce soit les habitués ou les gens de passage, qui rendent le Sporting doux et hors du commun. Je pense que l'art ne doit pas nécessairement verser dans la noirceur, surtout qu'il y a une aura de violence, de mort et de provocations qui entoure l'art moyen-oriental. Si l'art se doit de porter un message, dans mon cas, celui-ci est romantique, optimiste, d'autant plus que sur cette série, il se rapporte au sublime pays qu'est le Liban.

Pourtant, il émane de votre série une sorte d'urgence, celle d'immortaliser quelque chose qui risque de disparaître...
En côtoyant le capitaine Fawzi, le chef Hanna, ainsi que tous ceux qui font la marque de fabrique du Sporting Club, j'ai décelé une fidélité et une résilience de leur part, à continuer à accourir vers leur « QG » tous les jours, en dépit de la condition de santé de certains. Je me suis dit : ils pourraient ne plus être là dans le futur proche, d'où cette urgence justement. À travers leurs histoires fascinantes, ils constituent la mémoire de ce lieu. Je n'ai pas même eu besoin de leur demander de poser pour les portraits. J'ai pris mon temps pour discuter avec eux, comprendre leur personnage, et les photos (prises sous le format d'un 35mm) sont venues presque organiquement, à la faveur d'un moment ordinaire de leur journée.

Cet aspect de quotidienneté se ressent dans l'esthétique des photos...
C'était voulu. Même au niveau de l'impression, j'ai tenu à ce que les photos reflètent fidèlement ce que j'avais vécu. J'ai collaboré avec John McCarthy qui a son petit « labo » de photos, Labyrinth, à Londres. Dans un souci de vérité, tout a été travaillé à la main, sans intervention de machines et nous avons discuté en détail des ombres, des couleurs, de la chaleur des tirages.

Vous avez grandi à Londres où vous vivez jusqu'à aujourd'hui. Dans quelle mesure cette distance a-t-elle influencé votre démarche ?
Grandissant à Londres, j'ai été longtemps frustré par la vision tronquée ou simplifiée que relayaient les médias à propos du Moyen-Orient. En faisant mon master d'art contemporain, Anthony Downey (le directeur du programme) m'a recommandé la lecture d'Orientalisme d'Edward Said. Cet ouvrage, rédigé en 1978 et pourtant d'une modernité folle, m'a fasciné. Notamment la manière dont l'Occident a codifié les images de l'Orient a provoqué un déclic en moi et Six Days at the Sporting Club a été ma manière personnelle de réagir à l'exotisme que subit cette région.

Vous avez accompagné les photos d'un long entretien avec Walid Abou Nassar, dont le père Georges Abou Nassar a fondé le Sporting...
J'ai voulu approfondir ma compréhension de cet espace et de ses codes. Sans cet entretien, on peut facilement basculer dans l'exotisme du Sporting.

Pensez-vous faire suite à ce projet à Beyrouth ?
Oui. Le 15 février à 18 heures, aura lieu le lancement de l'édition du Kennedy Magazine qui comporte la série Six Days at the Sporting Club, au Sporting Club. Les photos y seront également exposées.

 

*« Six Days at the Sporting Club » de Cedric Bardawil, une série de photos qui figure dans le magazine « Kennedy» est exposée jusqu'au 31 janvier à Benk+Bo, 4-6 Gravel Lane, Londres, et sera présentée le 15 février à 18 heures au Sporting Club, Beyrouth.

 

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Tout au long de votre parcours, vous avez touché à plusieurs domaines : la photo, la musique, l'art et le journalisme. Comment jonglez-vous entre ceux-ci ?Je travaille dans l'art, c'est mon gagne-pain, tout en y prenant plusieurs rôles. Car, ensuite, il y a la photo, la musique et le journalisme en rapport avec ces deux mondes que je prends également au sérieux et considère comme une forme...

commentaires (2)

L’œil du photographe, son instinct, son regard particulier sur son sujet (il l'anime, il le fait parler, il lui fait raconter une histoire....), ses choix des lumières, des angles et pleins d'autres petits détails que le "passant" ne le voit pas du même angle ! Il y a une certaine magie ... dans son travail. (un appareil de choix ....aide le photographe, mais pour le reste ...?) Peut-on le déclasser ...le photographe au rang des artisans ? C'est un artiste.

Sarkis Serge Tateossian

17 h 15, le 10 janvier 2018

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Commentaires (2)

  • L’œil du photographe, son instinct, son regard particulier sur son sujet (il l'anime, il le fait parler, il lui fait raconter une histoire....), ses choix des lumières, des angles et pleins d'autres petits détails que le "passant" ne le voit pas du même angle ! Il y a une certaine magie ... dans son travail. (un appareil de choix ....aide le photographe, mais pour le reste ...?) Peut-on le déclasser ...le photographe au rang des artisans ? C'est un artiste.

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 15, le 10 janvier 2018

  • POUR MOI LA PHOTOGRAPHIE N,EST PAS UN ART ! LOIN DE LA ! C,EST UN HOBBY CAPRICIEUX OU S,EXPRIMENT DES BOITIERS SOPHISTIQUES... CMOS AUJOURD,HUI ET AUTRES ... ET NON LES ETRES HUMAINS... LEURS MANIPULATEURS ! LES ARTS SONT LA MUSIQUE, LA PEINTURE, L,ECRITURE DANS SES DEUX FORMES LA PROSE ET LA POESIE, LA SCULPTURE ET D,AUTRES OEUVRES DE CREATION ! DANS LA PHOTOGRAPHIE IL N,Y A PAS DE CREATION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 01, le 10 janvier 2018

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