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Liban - Cinéma engagé

« Nour », un film-fiction qui dénonce les mariages précoces

Avant-première du film « Nour », réalisé par Khalil Dreyfus Zaarour, mardi dernier au Grand Cinemas de l'ABC, Achrafieh.

L’affiche du film « Nour » qui est diffusé en salle dès aujourd’hui.

« Je m'appelle Nour et j'ai 15 ans. C'est aujourd'hui le jour de mon mariage. » Nour est la plus belle fille du village. Elle a aussi le plus beau sourire. L'adolescente au visage poupin et sa bande de copains se retrouvent tous les jours, après l'école, pour une balade à vélo. L'été, ils sillonnent les ruelles du village, grimpent aux arbres, se baignent dans le fleuve et tentent d'imaginer ce que sera leur vie d'ici à une dizaine d'années.

Insouciants, heureux malgré leur petite condition sociale, ils se suffisent de peu, commettant de temps à autre de menus larcins sans gravité. Nour et Wassim sont complices, quasiment inséparables. Ensemble, ils rêvent tout haut d'amour, d'avenir. Jusqu'au jour où le fils du beik, 35 ans, rentre d'Australie et jette son dévolu sur la jeune fille à peine sortie de l'enfance. Suit une demande en mariage, même si dans ce village comme dans tant d'autres, il est impensable que les notables épousent les filles du peuple. Nour est fille de cuisinière. Qu'importe. L'adolescente tente de s'opposer, mais sa mère, veuve, insiste : un bon parti comme celui-là, ça ne se refuse pas. Et puis son frère, vaurien sur les bords, se fait violent, menaçant même.

 

(Pour mémoire : Au Parlement, un texte qui criminalise le mariage des mineurs)

 

Fixer l'âge du mariage à 18 ans
Nour est le titre d'un long-métrage qui dénonce le mariage des mineures dans la société libanaise. Réalisé par Khalil Dreyfus Zaarour, ce film-fiction libanais inspiré de multiples histoires de mariages précoces sort dès aujourd'hui en salle. Lors d'une avant-première, mardi dernier, il a été présenté à la presse et à la société civile sur les écrans du Grand Cinemas à l'ABC d'Achrafieh. Avec pour acteurs principaux Vanessa Ayoub, une débutante de bientôt 18 printemps dans le rôle de Nour, mais aussi des acteurs confirmés, Khalil Zaarour, lui-même dans le rôle du mari autoritaire et violent, Julia Kassar qui joue la mère (de Nour), étroite d'esprit et soucieuse de caser sa fille à un homme fortuné, Yvonne Maalouf dans le rôle de la méchante belle-mère et Aïda Sabra dans le rôle de la femme à tout faire au service de la famille du beik.

« Mon but est que les autorités adoptent une loi civile pour fixer l'âge légal du mariage à 18 ans », révèle à L'Orient-Le Jour le réalisateur. M. Zaarour est engagé dans la défense des droits de l'homme. Il l'a déjà prouvé dans son documentaire Malaki, diffusé en 2011, sur la lutte des mères de disparus. Aujourd'hui, c'est par une fiction, coécrite avec la scénariste Elissa Ayoub, qu'il poursuit son combat. « Il m'était impossible de filmer dans la vraie vie des jeunes femmes confrontées à cette réalité », explique-t-il, évoquant « le côté tabou de la question ».

 

(Pour mémoire : Abolir le mariage des enfants au Liban : le débat est lancé)

 

Victimes de violence et de viol conjugaux
Tour à tour drôle et grave, mutin et dramatique, émouvant et poignant, le film Nour raconte le sort réservé aux jeunes filles mariées contre leur gré. Retirées de l'école, confinées à la cuisine et aux tâches ménagères, surveillées jusque dans leurs moindres gestes par la belle-famille, non seulement sont-elles privées de liberté, d'éducation et d'amour, mais dans leur grande majorité, elles sont victimes de viol conjugal, de violence aussi. Victimes silencieuses, car la société ne reconnaît pas le viol conjugal et continue d'accepter les mariages précoces. « Chaque fille rêve pourtant du plus beau jour de sa vie », révèle l'affiche du film, où l'on voit une Nour apeurée dans sa robe blanche de mariée.

Nour est à voir absolument. Par les défenseurs des droits humains, la classe politique et les dignitaires religieux, certes. Il gagnerait assurément à être diffusé dans les écoles et les municipalités, dans les zones rurales et les régions éloignées, où les mariages d'enfants sont une réalité quotidienne.

Deux bémols toutefois : l'action filmée dans le village de Yahchouch met en scène une société chrétienne. Or « les mariages précoces ont quasiment disparu des mœurs des différentes communautés chrétiennes depuis une bonne vingtaine d'années », comme l'affirmait à L'OLJ le vicaire patriarcal maronite, Mgr Hanna Alwan, quelques jours plus tôt, lors d'une interview. Autre ombre au tableau, la liberté quasi totale dont jouissent l'héroïne et sa bande de copains (jusqu'au mariage de Nour) risque de n'être pas transposable aux sociétés rurales plus traditionnelles, où la jeune fille est généralement élevée dans un cocon. Ce qui n'enlève rien au message du réalisateur, à sa volonté de sensibiliser la population aux mariages des mineures.

 

 

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