Rechercher
Rechercher

Liban - Réfugiés syriens

« Les relations sexuelles m’effrayaient. Il m’obligeait donc à boire de l’alcool tous les soirs... »

Elles sont deux et elles ont de nombreux points communs. Salima et Sahar sont toutes les deux des réfugiées syriennes. Elles habitent dans des camps à Saadnayel, dans la Békaa, et ont dix-huit ans. Toutes les deux se sont mariées à l'âge de 14 ans et ont divorcé. Toutes les deux, aussi, sont prises en charge par la fondation Beyond, qui assure un soutien aux femmes en difficulté dans le cadre de ses activités de développement social. Salima et Sahar ont livré leur témoignage à L'Orient-Le Jour.

Salima est une jeune femme brune, grande et mince. Elle participe aux sessions de sensibilisation aux mariages précoces de Beyond. Ces mariages sont courants chez les Syriens des zones rurales. Salima a vu son mari une fois avant son mariage. C'était le jour où il est venu demander sa main. Elle avait 14 ans, lui 24. « Je connaissais sa sœur, une Libanaise habitant Saadnayel. Ça a commencé comme une plaisanterie. Elle a dit : Je veux une épouse pour mon frère, et ma mère lui a répondu : Je lui donnerai ma fille », raconte-t-elle. Salima est l'aînée d'une famille de huit enfants.

Très vite, la plaisanterie a pris un ton sérieux, et, une semaine plus tard, le jeune Libanais est venu demander sa main. Il vivait dans une vallée, dans le petit village de Marj Bizri au Liban-Sud.
« Il est venu chez nous, il a récité la Fatiha avec mon père. J'étais contente. J'allais épouser un Libanais. J'allais vivre à nouveau dans une maison et non sous une tente. J'allais fonder une famille », se souvient-elle.

Mais, très vite, les choses prennent une autre tournure quand elle déménage chez son mari. La maison est isolée au fond d'une vallée. Il lui raconte au bout de quelques jours qu'il l'a épousée pour rendre jalouse une fille dont il est amoureux et qu'il voit toujours. Elle n'a pas le droit de voir ses parents. Elle est battue tous les soirs quand il rentre à la maison, soit parce que l'eau du bain n'est pas assez chaude, soit parce qu'un ingrédient manque au plat qu'elle a préparé. Tous les soirs, il couche avec elle contre son gré. À deux reprises, en l'espace de trois mois, elle fait des hémorragies dues aux relations sexuelles forcées. Son mari ne l'amène pas voir un médecin.

Salima découvre aussi que l'homme qu'elle a épousé est un sans-papiers. Né de mère libanaise et de père palestinien, il n'a jamais été enregistré. Son mariage aussi s'avère nul, le cheikh à qui son mari avait fait appel n'en étant pas un.

La jeune femme veut à tout prix rentrer chez ses parents. Sa mère et son voisin se rendent au Sud, elle part avec eux en promettant de revenir, mais ne met plus jamais les pieds dans la maison de la vallée.
Il lui a fallu plus de deux ans pour se reconstruire. Pour pouvoir évoquer, ne serait-ce qu'un peu, son expérience. Aujourd'hui, c'est elle qui met en garde les jeunes filles contre les mariages précoces durant les sessions de sensibilisation de Beyond.

 

(Lire aussi : « La dignité », condition sine qua non pour le retour des réfugiés syriens)

 

Elle a 14 ans, lui 60
Sahar est une brune pulpeuse. À 14 ans, elle a épousé un homme de 60 ans. C'était un ami libanais de son père. « Nous vivions dans un petit appartement qui lui appartenait. Quand il m'a épousée, il a mis mes parents dehors. Ils sont donc venus dans ce camp », dit-elle.

Sahar a toujours été une enfant battue. Ses parents ne lui permettaient jamais de sortir. Elle avait donc hâte de quitter la maison. La différence d'âge entre elle et l'homme qu'elle a épousé ne la choque pas. Dans certaines communautés syriennes, la notion de pédophilie, quand il s'agit d'une fille ayant atteint l'âge de la puberté, ou encore celle du viol conjugal n'existent pas.
« Pour moi, tout était mieux que de vivre chez mes parents. Pourtant, les relations sexuelles m'effrayaient. Il m'obligeait donc à boire de l'alcool tous les soirs pour que je puisse me donner à lui. À la fin, je me suis habituée en me disant que c'est un mauvais quart d'heure à passer », dit-elle.

Son mari la chasse à plusieurs reprises de chez lui, puis la reprend... Ça sera comme cela durant trois ans. Jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte. Il l'accuse alors d'adultère et la répudie. Elle retourne chez ses parents qui la battent presque tous les jours et lui interdisent de sortir. La fille de Sahar a aujourd'hui cinq mois. Elle ne bénéficie d'aucune aide onusienne, d'aucun soutien de sa famille. L'homme qui a répudié Sahar n'a pas reconnu l'enfant. L'association Beyond a encouragé la mère à effectuer un test de paternité pour prouver que l'enfant est bien celui de son ex-mari. Elle a ainsi pu porter plainte, espérant pouvoir l'obliger à assurer les dépenses de l'enfant. En attendant que la plainte aboutisse, Sahar n'a aucune perspective. Elle pleure tous les soirs, dort mal, et rêve parfois de mourir.

 

Lire aussi

Pour Nabil el-Halabi, l'opération de retour des réfugiés en Syrie n'est que de la poudre aux yeux

Le Hezbollah mène les négociations pour le retour chez eux de certains réfugiés syriens

Pour mémoire

Hariri : La crise des réfugiés syriens au Liban a atteint un "point de rupture"

À Naamé, la municipalité ferme les petites entreprises appartenant à des Syriens

Damas appelle les réfugiés syriens à rentrer chez eux

Elles sont deux et elles ont de nombreux points communs. Salima et Sahar sont toutes les deux des réfugiées syriennes. Elles habitent dans des camps à Saadnayel, dans la Békaa, et ont dix-huit ans. Toutes les deux se sont mariées à l'âge de 14 ans et ont divorcé. Toutes les deux, aussi, sont prises en charge par la fondation Beyond, qui assure un soutien aux femmes en difficulté dans le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut