Dans un lieu symbolique qu'est le bâtiment de l'Office des chemins de fer et du transport en commun, à Mar Mikhaël, de nombreux intervenants ont, à l'invitation du parti Kataëb et de la Fondation Konrad Adenauer, mis les points sur les « i », mardi, concernant cette véritable crise quotidienne qu'est le trafic sur les routes libanaises, aggravé par deux facteurs : la suprématie des véhicules individuels et l'inefficacité du transport en commun.
La rencontre avait prévu un bilan complet allant des répercussions économiques à la description de la situation actuelle, puis aux solutions en vue. Le plus frappant a été le contraste entre les chiffres effarants présentés par les experts – comme le fait que les pertes directes et indirectes des embouteillages incessants sont estimées à deux milliards de dollars par an – et les révélations rapportées dans des interventions comme celle du député (Kataëb) Samer Saadé, membre de la commission parlementaire des Travaux et des Transports. Celui-ci, avec son franc-parler habituel, a déploré le fait qu'un plan global sur la question du trafic n'a été que très rarement débattu au sein de cette commission (et jamais adopté). Il a ajouté qu'il n'y a pas de vision officielle claire sur le sujet et que le gouvernement devrait en faire sa priorité, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Autre indication : l'intervention d'un représentant des Forces de sécurité intérieure (FSI), le colonel Jihad el-Asmar. Celui-ci a énuméré les raisons pour lesquelles son organisme, responsable de l'application du code de la route, peine à gérer ce problème quotidien, en raison de manque d'effectifs, d'empiétements sur le domaine public, de manque de planification urbaine...
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Enfin, il a plusieurs fois été mention de raisons financières – si ce n'est le manque de volonté politique – qui empêchent la mise en place de plans existants pour le développement du transport public. Cet argument a notamment été relevé par un autre officiel, Ziad Nasr, directeur général de l'Office des chemins de fer et du transport en commun.
Or, le problème s'aggrave quotidiennement, en raison d'un échec évident de l'État à gérer ce secteur, comme l'a relevé Albert Kostanian, cadre du parti Kataëb. Avec des conséquences désastreuses pour le citoyen : une moyenne de 720 heures perdues par an sur les routes, sans compter le millier de tués et les quelque 6 000 blessés annuels, selon des chiffres récents. Le bilan sombre s'est poursuivi avec Rock-Antoine Mehanna, doyen de la faculté de gestion et de finance de l'université La Sagesse. Celui-ci a mis l'accent sur les répercussions de l'utilisation presque exclusive de la voiture – 85 % actuellement – avec une quasi-absence d'un transport public efficace, le manque de coordination des dates de travaux publics sur les routes, les bouchons dus aux horaires concordants (écoles, bureaux, administrations officielles...). Il déplore le coût énorme de cette crise de trafic, près de 5,4 millions de dollars par jour ou deux milliards par an, supérieur aux pertes causées par le secteur de l'électricité.
(Pour mémoire : Vers la création de 21 lignes de bus dans le Grand Beyrouth ?)
L'élargissement des routes ne suffit plus
Les solutions présentées au cours de cette rencontre étaient nombreuses, tournant principalement autour d'un point : le simple élargissement des routes n'est plus viable, il faut recourir aux solutions durables telles que le développement des transports en commun en tout genre (bus, trains...).
Parmi les solutions apportées au débat, Albert Kostanian a suggéré des mesures institutionnelles, comme la création d'un ministère indépendant des Transports, la décentralisation administrative par l'octroi de prérogatives et de budgets aux municipalités, le partenariat public/privé, notamment pour l'exécution, le gel du nombre de voitures sur les routes... Rock-Antoine Mehanna a évoqué des solutions à court et long terme, surtout pour décongestionner l'axe Beyrouth-Nord, coordonner les travaux, assurer des parkings à étages, répartir les horaires des écoles et des bureaux pour éviter les bouchons, construire les tunnels pour profiter des montagnes et des vallées...
Michel Moutran, s'exprimant au nom des FSI, a proposé d'investir massivement dans les alternatives à la voiture individuelle, afin que le Liban perde le statut peu envié de 17e nation mondiale en termes de propriétés de voitures. Il a plaidé pour des solutions innovantes et pour une politique globale de transports.
Seul à évoquer un projet en vue, le directeur général du ministère des Transports, Abdel Hafiz Kaïssi, a dévoilé un projet pilote de bus rapides pour le Grand-Beyrouth, avec des lignes desservant les différents quartiers de Saïda à Tripoli. Ce projet nécessite un budget de 70 millions de dollars pour desservir près de deux millions et demi de personnes, et pourrait bénéficier d'un prêt de la Banque mondiale, mais aucun délai d'exécution n'a été avancé par le responsable.
Le député Samy Gemayel, président du parti Kataëb, a précisé que son parti comptait s'appuyer sur les interventions de cette table ronde afin de concevoir un programme sur ce sujet de grande gravité. Soulignant le manque d'intérêt manifesté par des responsables à l'encontre de propositions à ce sujet, le député a insisté sur l'importance de la volonté politique pour la résolution d'un problème qui ne s'est que trop aggravé.
Pour mémoire
La ligne de bus Beyrouth-Tabarja approuvée par la commission des Travaux publics
commentaires (9)
1. Mettre en place un ensemble d’arrêts de bus, et FORCER les bus à ne s’arrêter que là pour prendre et descendre les passagers. Facile, pas cher, et solutionnera déjà 50% des causes des embouteillages. 2. Combattre comme la peste les goulots d’étranglement, c.à.d. surtout les voitures mal parquées ou arrêtées. Facile, et ça peut rapporter gros, à condition que les gendarmes acceptent d’éteindre leur cell de temps en temps... il me semble qu’actuellement les contraventions ne sont distribuées qu’aux voitures qui sont bien parquées mais qui ont dépassé le temps de quelques minutes, alors que les 2ème et 3ème files sont exemptés... 3. Civisme et respect du code de la route. Mais peut-on demander celà à un peuple qui nous a systématiquement pondu des "élus" comme les nôtres?
Gros Gnon
05 h 15, le 03 novembre 2017