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Ces Libanais de Montréal porteurs de changement - Libanais de Montréal porteurs de changement

Christian Boukaram, le cancérologue qui soigne les corps et apaise les esprits

Le médecin de 40 ans milite en faveur de l'humanisation des soins de santé à travers la médecine intégrative, également appelée la médecine du corps-esprit.

Le cancérologue Christian Boukaram, spécialiste de la médecine intégrative, une approche qui prend en compte le bien-être du patient.

Le décor est moderne, les tableaux contemporains, le clavier du piano automatique. Dans un coin, la masseuse s'attelle, avec des gestes lents et précis, à dénouer les tensions. La salle d'attente de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, situé dans un des quartiers les plus denses de Montréal, se donne des airs de lobby d'hôtel étoilé. Mais il ne faut pas s'y tromper : ce n'est pas tant le luxe que recherche cet hôpital situé dans l'est de la ville, que le bien-être.
Ici, au département de radio-oncologie de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, chimiothérapie et radiochirurgie cohabitent sans complexe avec yoga, méditation, hypnose et musique. À l'origine de ce concept, dont le but est d'améliorer la qualité de vie des patients et d'humaniser les soins de la santé, le cancérologue libano-canadien Christian Boukaram.

 

(Edito : Ces Libano-canadiens porteurs de changement)


Originaire de Mazraat Yachouh, où il a passé les premières treize années de sa vie avant d'émigrer avec sa famille au Canada, le docteur Boukaram navigue depuis plus de dix ans sur les eaux encore peu connues de la médecine intégrative, également appelée « médecine du corps-esprit ». Une pratique novatrice qui offre aux patients des outils pour apprivoiser le stress et développer une résilience à long terme face aux maladies chroniques. En 2011, il publie le résultat de ses recherches dans Le pouvoir anticancer des émotions, un livre traduit en quatre langues, qui propose une explication scientifique des liens entre la santé mentale et la santé physique, en se basant sur un modèle multifactoriel et biopsychosocial de la maladie. « Parler des émotions du patient était autrefois considéré tabou, explique le médecin de 40 ans, installé dans son petit bureau transformé en un agréable studio où il passe des journées entières. Avant, les médecins ne regardaient que la maladie, la tumeur, sans prendre en considération tout l'environnement social et culturel propre à chaque patient, alors qu'il est irréaliste de séparer les deux. »

 

 

 Christian Boukaram explique ce qu'est la méditation de pleine conscience.

 

« Travailler sur la qualité de vie des patients »
Aujourd'hui, le regard sur ces pratiques a bien changé. La faculté de médecine de l'Université de Montréal, par exemple, offre des cours de méditation en pleine conscience et de yoga aux étudiants en dernière année, menant à une certification d'instructeur en médecine et santé intégratives. Une récente étude montre d'ailleurs que plus de 60 % des visites chez le médecin concernent des maladies liées au stress. « Il a fallu de longues années pour développer des traitements efficaces contre le cancer, et le taux de survie est en nette augmentation, affirme Christian Boukaram. Maintenant, il faut travailler sur la qualité de vie des patients. »
Ce constat, Christian Boukaram l'a fait tôt dans sa carrière, lorsque deux de ses amis proches ont développé un cancer. « Avec l'abondance des informations sur internet et l'accessibilité des produits dits naturels, les gens sont prêts à essayer plusieurs traitements alternatifs à l'insu de leur médecin, de peur d'être jugés ou découragés, dit-il. Pourtant, certains de ces produits peuvent être très dangereux, comme le bêtacarotène qui est nuisible pour les gens atteints du cancer du poumon. D'autres personnes se demandent aussi, par exemple, si elles ne devraient pas tenter de jeûner... » « La médecine intégrative, explique-t-il, répond à un besoin et permet, par exemple, d'atténuer l'anxiété des patients et d'améliorer leur sommeil. Dans ce cadre-là, on y a recours de manière sûre, en sus des traitements conventionnels, pour diminuer les douleurs et la nausée. »

 

Christian Boukaram au clavier avec sa chorale lors d'un spectacle de charité à Montréal. Photo tirée de la page Facebook de M. Boukaram

 

 

D'une guerre à une autre
Parmi les nombreuses thérapies qu'il a contribué à mettre en place au sein de l'hôpital Rosemont-Maisonneuve, le docteur Boukaram – qui est également auteur, compositeur et interprète à ses heures perdues – se dit particulièrement fier de sa chorale composée d'une trentaine de patients et de survivants du cancer. « La chorale, c'est à la fois une thérapie de groupe, de la musique qui apaise et une pratique qui permet de travailler la respiration », souligne-t-il. « Au début, tout le monde me décourageait, disant que ça allait être difficile à maintenir, que les patients ne viendraient pas, qu'ils allaient abandonner, poursuit-il. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit ! Aujourd'hui, le chant est devenu l'une des activités les plus populaires auprès des patients. Ils ont hâte d'y participer, ils veulent chanter en groupe. Nous avons même déjà fait plusieurs spectacles, et le prochain aura lieu en décembre. » Et le radio-oncologue d'assurer que « le fait d'avoir un but fait des merveilles pour les patients », tout en aidant, aussi, les familles qui n'échappent pas aux bouleversements qu'engendre la maladie.

 

 

Dans le cadre du spectacle de Noël annuel au département de radio oncologie de l’hôpital Maisonneuve Rosemont, les patients de la chorale CROIRE chantent Stand By Me.

 


La musique a joué un grand rôle dans la vie du médecin lui-même, lui permettant de surmonter les moments les plus difficiles de sa vie, que ce soit durant la guerre au Liban où il a appris le piano dès son jeune âge, ou encore à son arrivé au Canada. « La musique et la médecine sont devenues indissociables pour moi, affirme le médecin qui s'apprête à sortir son propre album. Quand je suis devant mon clavier, je perds la notion du temps, c'est apaisant et c'est un moyen de canaliser les émotions de la journée. Impossible d'arrêter ! »
Ses interprètes favoris ? « Sinatra, Aznavour et Piaf... un peu », dit le médecin célibataire aux airs de crooner américain avec ses cheveux attachés en queue de cheval, sa courte barbe soignée, sa veste noire et sa chemise aux couleurs de l'été.


Pour cultiver sa propre résilience face au stress, Christian Boukaram dit puiser dans ses racines « orientales », où « la relation entre le corps et l'esprit est beaucoup plus présente dans la vie des gens ». « Quand j'ai commencé mes études en médecine, la guerre contre le cancer battait son plein. Et la guerre, je sais ce que c'est... dit-il. Ma culture orientale m'a montré à quel point l'esprit de solidarité et le soutien communautaire sont importants dans les périodes difficiles. Transposer cette mentalité d'une guerre à une autre était pour moi une évidence. »


Depuis son arrivée au Canada en 1990, avec ses parents, son frère et sa sœur aînés, le radio-oncologue ne s'est rendu que deux fois au Liban : « J'y suis allé la première fois après dix ans d'absence, c'était pour les funérailles de mon père, se rappelle-t-il. J'y suis revenu une seconde fois en 2012, mais j'ai senti que l'atmosphère y était toujours tendue et ce n'était pas relaxant du tout pour moi. » Cela dit, ajoute-t-il, le Liban lui « manque beaucoup, sans doute », citant notamment « l'atmosphère de convivialité, le rapport entre les gens, le beau temps, les panoramas... ».


Pas du genre à se reposer sur les acquis, Christian Boukaram est déjà engagé dans un nouveau défi : impliquer plus de médecins dans son projet musical. Une idée qui lui a été inspirée par les concerts et les galas de l'association libanaise Heartbeat visant à rassembler des fonds pour améliorer la qualité de vie des patients et survivants du cancer. Car, en plus d'adoucir les mœurs, la musique sauve assurément des vies.

 

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Le décor est moderne, les tableaux contemporains, le clavier du piano automatique. Dans un coin, la masseuse s'attelle, avec des gestes lents et précis, à dénouer les tensions. La salle d'attente de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, situé dans un des quartiers les plus denses de Montréal, se donne des airs de lobby d'hôtel étoilé. Mais il ne faut pas s'y tromper : ce n'est pas tant le...

commentaires (5)

Mabrouk à mazraet yachouh pour son fils au Canada

Wlek Sanferlou

14 h 51, le 26 octobre 2017

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Commentaires (5)

  • Mabrouk à mazraet yachouh pour son fils au Canada

    Wlek Sanferlou

    14 h 51, le 26 octobre 2017

  • BRAVO A CE LIBANAIS DE LA DIASPORA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 51, le 25 octobre 2017

  • Chapeau pour les innovations du Dr. Christian Boukaram. Encore une étoile libanaise mais qui scintille dans le ciel canadien . Dommage .

    Antoine Sabbagha

    16 h 18, le 25 octobre 2017

  • Saviez-vous qu'il y a plus de 400 Médecins d'origine Libanaise installés à Montreal et qui font souvent la fierté de notre communauté, car, dans la majorité des cas, au départ, c'était des diplômés de Médecine de la Faculté Française qui venaient faire leur spécialité à Montréal à cause des excellentes Universités surtout francophones, mouvement qui avait débuté au tout début des années 70, et quand le Québec avait besoin de beaucoup de Médecins à cause de l'instauration du service public d'Assurance Maladie... Au fil des années plus de 80% retournaient au bercail, mais durant la guerre, plus de 50% s'installaient, et, depuis ce temps, on peut vous nommer au moins une cinquantaine d'entre eux qui ont brillé dans leurs domaines respectifs,... Au point que je me rappelle une soirée de la chambre de commerce de Montréal pour honorer une trentaine de Médecins Libanais ou le maire de la ville avait dit: " vous n'avez rien coûté à notre société, mais vous nous avez amené une telle richesse humaine et de connaissances, que la société québécoise vous honorera toujours comme l'immigrant modèle à imiter". Oui, le Dr Boukaram serait l'un d'eux: il y'a de quoi en être fier.

    Saliba Nouhad

    14 h 49, le 25 octobre 2017

  • Un médecin comme un aime en avoir. Bravo Dr Christian Boukaram avec tous nos vœux de réussites, encore et encore.

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 56, le 25 octobre 2017

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