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Ces Libanais de Montréal porteurs de changement - Libanais de Montréal, porteurs de changement

Fady Dagher, le policier qui aime travailler « dans le gris »

Premier chef de police au Québec issu de l'immigration, Fady Dagher a dédié plus de 25 ans de sa carrière à la lutte contre le profilage racial et social.

Fady Dagher dans son bureau au Service de police de l'agglomération de Longueuil, au sud de Montréal. Photo Rania Massoud

« Je déteste tout ce qui est noir ou blanc, j'aime travailler dans le gris, les situations floues et complexes. C'est ça le défi. » Et des défis, Fady Dagher en a relevés plusieurs au fil de sa carrière de plus de 25 ans dans le milieu policier au Canada. L'homme de 49 ans, qui a passé sa jeunesse entre les montagnes libanaises et les côtes ivoiriennes, a gravi les échelons quatre à quatre jusqu'à sa nomination en février dernier comme chef de la police de Longueuil, en banlieue de Montréal, devenant ainsi le premier chef de police au Québec issu de l'immigration.


Reconnu pour son approche qui sort des sentiers battus, Fady Dagher s'est notamment démarqué par sa capacité à tisser des liens avec les diverses communautés ethniques dans lesquelles il a travaillé, que ce soit à ses débuts, en tant qu'agent infiltré dans les milieux du crime organisé, ou, en 2005, comme commandant du poste du quartier de Saint-Michel – l'un des plus « difficiles » de Montréal –, ou encore, en 2012, comme directeur adjoint de la police de Montréal. Aujourd'hui, plus que jamais, le Libano-Canadien, originaire des hauteurs de Bickfaya, continue de voir grand : « S'il y a une chance que je réussisse là où d'autres ont échoué, alors je suis le premier à me lancer », assure-t-il.

 

(Edito : Ces Libano-canadiens porteurs de changement)


« Faire une différence »
Les débuts n'ont toutefois pas été faciles pour ce spécialiste de la lutte contre le profilage racial au parcours atypique. Né à Abidjan de parents libanais, Fady Dagher est arrivé à Montréal à l'âge de 17 ans, accompagné de son frère Philippe, de quatre ans son aîné. La première impression qu'il garde de Montréal à cette époque est « la liberté ». « Pour la première fois, mon frère et moi étions loin des parents, indépendants, se rappelle-t-il. C'était d'autant plus important que nous venions d'une école jésuite très stricte à Abidjan. »
Le plan, au départ, était de faire des études en comptabilité avant de retourner en Côte d'Ivoire pour reprendre le flambeau de l'entreprise familiale. « Mais le destin en a voulu autrement », lance-t-il, un sourire en coin. C'est par un beau jour en 1990 que Fady, alors âgé de 22 ans, rencontre un policier dans un magasin de lunetterie où il travaillait comme gérant. L'homme en uniforme lui parle de son métier et Fady tombe instantanément sous le charme : « Pour moi, c'était clair, j'ai tout de suite su que c'était là ce que je voulais faire. » Il commence d'abord par faire du bénévolat, accompagnant les patrouilles et faisant le suivi des appels 911. « J'ai commencé à voir une autre réalité de la ville, raconte-t-il. Tous les vices cachés, des histoires qui ne sont pas nécessairement relayées dans les médias, des histoires de violences conjugales, de crimes, etc. » « J'ai senti que, là, je pouvais faire une vraie différence dans la vie des citoyens, aider les gens et voir l'impact de cette action en direct, poursuit-il. Cela m'a énormément intrigué. »

 

Fady Dagher, chef de la police de Longueuil (à droite), se jetant à l’eau pour la bonne cause dans le cadre du Défi de l'ours polaire pour soutenir Olympiques Spéciaux Québec. Photo Facebook


En tête du cortège
Ses parents, qui espéraient son retour à Abidjan, accueillent froidement ce changement de carrière, notamment en raison des dangers qui accompagnent ce métier. « Mais aussi parce que c'était un métier qui était mal vu dans notre famille », souligne M. Dagher. « Finalement, le 8 novembre 1991, mon père est venu me rendre visite à Montréal. C'était aussi le jour de l'obtention de mon diplôme de l'Académie de police. Mon père était au courant de la cérémonie, mais ne savait pas que j'avais été choisi comme président de la promotion et que c'était donc moi qui devais marcher en tête du cortège, en uniforme. C'est à ce moment-là, je pense, qu'il a compris à quel point j'étais fier de faire partie du corps policier. »


Cette fierté, Fady Dagher dit la tirer du travail d'équipe, à toutes les étapes de son parcours. « C'est le travail d'équipe qui fait toute la différence, affirme ce père de trois enfants, marié à une Italienne. C'est comme pour un chef d'orchestre : sans de bons musiciens, il ne peut pas faire grand-chose. » Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il est resté chef du poste de police du quartier de Saint-Michel pendant plus de cinq ans. « C'est le plus long mandat qu'ait fait un chef de poste dans ce quartier, dit Fady Dagher. Il y avait un véritable esprit de famille. C'est comme ça que j'aime travailler. » Aujourd'hui, à Longueuil, il se dit entouré de « bijoux de policiers », et ses agents semblent apprécier son approche innovante et le fait qu'il n'hésite pas à troquer sa chemise blanche contre l'uniforme bleu pour les assister dans les situations d'urgence ou les accompagner lors des patrouilles nocturnes.

 

 Fady Dagher accordant une interview à RDI-Matin en mai dernier


Profilage racial
Spécialiste des relations avec les communautés, Fady Dagher est aussi l'auteur de la première politique au Canada en matière de profilage racial et social, et a été l'un des architectes du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. C'est à la suite des attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis que la question du profilage racial a pris de l'ampleur à travers le monde, selon M. Dagher qui était à l'époque sergent officier. « Je me faisais fouiller et interroger à chaque passage aux États-Unis, uniquement en raison de mes origines libanaises, regrette-t-il. Pour calmer mes enfants, qui étaient jeunes à l'époque, je leur disais que j'étais quelqu'un de très important et que c'est pour cela que les policiers voulaient me parler... »
La politique en matière de profilage racial et social, présentée en 2012, intervenait en outre dans un climat tendu à Montréal. Le souvenir des émeutes de 2008 qui avaient éclaté après la mort d'un jeune Noir de 18 ans, tué par un policier lors d'une opération dans le nord de la ville, était toujours vif. Le document d'une cinquantaine de pages, élaboré par l'équipe de M. Dagher à la suite d'une série de consultations internes et externes, « insiste sur la nécessité d'encadrer et de renforcer les compétences interpersonnelles et interculturelles » du corps policier « pour améliorer ses relations avec les citoyens ». Le plan n'a peut-être pas fait l'unanimité chez les groupes de défense des droits de la personne, dont plusieurs accusent la police de Montréal de laxisme envers ses agents accusés de discrimination, mais l'initiative de M. Dagher a été saluée car elle représente « la reconnaissance de l'existence du problème».
De manière générale, l'une des leçons tirées de ses 25 ans de carrière est, pour Fady Dagher, l'importance du dialogue, de l'ouverture et de la communication.


Son prochain défi ? « Redonner » quelque chose au Liban, où il se rend tous les deux ans pour une dizaine de jours, notamment pour voir la maison de famille, et rendre visite à son ami d'enfance Abdallah Abi Haila. « Mon mandat à Longueuil est de cinq ans et je ne sais pas encore s'il sera renouvelé ou pas, mais j'ai toujours dit à ma famille que la porte pour une carrière au Liban n'est pas fermée, lance Fady Dagher. Je ne sais pas encore quelle forme ceci pourrait prendre, mais le côté sécuritaire m'intéresse sûrement. Le Liban est très diversifié, d'où l'importance du dialogue et la nécessité d'avoir une police résiliente, tolérante, proche des communautés... »

 

 

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« Je déteste tout ce qui est noir ou blanc, j'aime travailler dans le gris, les situations floues et complexes. C'est ça le défi. » Et des défis, Fady Dagher en a relevés plusieurs au fil de sa carrière de plus de 25 ans dans le milieu policier au Canada. L'homme de 49 ans, qui a passé sa jeunesse entre les montagnes libanaises et les côtes ivoiriennes, a gravi les échelons quatre à...

commentaires (6)

Un bel exemple d'integration,ce jeune homme fait honneur à son pays et à sa famille.Félicitations

DAGHER JEAN CLAUDE

02 h 25, le 28 octobre 2017

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Un bel exemple d'integration,ce jeune homme fait honneur à son pays et à sa famille.Félicitations

    DAGHER JEAN CLAUDE

    02 h 25, le 28 octobre 2017

  • BRAVO FADY

    Gebran Eid

    13 h 06, le 27 octobre 2017

  • IL FAIT HONNEUR A SA PATRIE D,ORIGINE LE LIBAN ! SI D,AUTRES ICI CHEZ NOUS COMPRENAIENT LE SENS DE PATRIOTISME ET ARRETAIENT DE SE VENDRE A L,ETRANGER CONTRE LEUR PATRIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 42, le 27 octobre 2017

  • On ne peut que saluer les ambitions de Fady Dagher, le policier qui garde toujours son sang libanais .

    Antoine Sabbagha

    11 h 17, le 27 octobre 2017

  • Encore un exemple de la société québécoise qui vous permet d'arriver aux plus hauts échelons dans votre domaine, sans aucune discrimination, dans la mesure où vous démontrez vos compétences et que vous vous intégrez bien dans leur culture et leurs traditions. Bravo, Mr Dagher... Mais, pensez-vous que si vous retournez au Liban, vous ne serez pas discriminé pour votre appartenance communautaire ou votre religion, ou que vous ne fassiez pas allégeance à un leader local pour pouvoir grimper si haut ? Ce n'est pas pour vous décourager d'essayer, car notre pays a besoin de gens comme vous.

    Saliba Nouhad

    02 h 38, le 27 octobre 2017

  • oui lui je le connais personnellement et lui a su se frayer un chemin vers la reussite absolu

    Bery tus

    16 h 32, le 26 octobre 2017

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