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À La Une - Conflit

La reconquête de l'est de la Syrie, nouvel enjeu du conflit

Assad a un objectif politique à Deïr ez-Zor : rasseoir sa légitimité internationale en luttant contre l'EI, selon un spécialiste.

Photo prise le 30 août 2013 à Deïr ez-Zor, en Syrie. REUTERS/Khalil Ashawi

La guerre en Syrie est entrée dans une nouvelle phase avec la progression vers l'est des forces du président Bachar el-Assad, qui ont pu engager davantage de moyens dans la reconquête de territoires contrôlés par le groupe Etat islamique grâce aux cessez-le-feu négociés par la Russie dans l'ouest du pays.

Appuyées par Moscou et Téhéran, les forces gouvernementales espèrent prendre de vitesse les milices arabo-kurdes soutenues par les Etats-Unis pour reprendre à l'EI ce qui constituera son dernier grand bastion après la chute de Raqqa, la région de Deïr ez-Zor le long de la frontière irakienne. La prise de la ville de Soukhna, la semaine dernière, a été vue à Damas comme un pas important dans cette direction.

Une telle marche vers l'est, encore impensable il y a deux ans quand le régime était sur la défensive, traduit l'assurance de Bachar el-Assad alors que les gouvernements occidentaux et arabes qui réclamaient depuis cinq ans son départ ne semblent plus en mesure de parvenir à leurs fins.

La lutte pour le contrôle de l'ouest du pays - la "Syrie utile" - n'est plus une priorité absolue depuis la capitulation de nombreuses poches rebelles et la mise en place de trêves plus ou moins respectées sous l'égide de la Russie et, dans le sud du pays, des Etats-Unis.

Cette "désescalade" n'a pas pour autant permis de relancer le processus de paix dont les adversaires de Bachar el-Assad espéraient qu'il aboutirait au départ du président syrien.

L'émissaire spécial de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a d'ailleurs annoncé jeudi le report des discussions prévues la semaine prochaine à Genève avec les représentants de l'opposition. Il a dit ne pas espérer désormais une reprise des pourparlers de paix avant octobre ou novembre.

 

(Lire aussi : Dans l'est syrien, on fuit en masse le recrutement forcé par l'EI)

 

Assad sur les billets de banque
Pendant ce temps à Damas, le visage de Bachar el-Assad a été imprimé pour la première fois sur les billets de banque et ses promesses répétées de victoire militaire totale suggèrent qu'une fois l'opération de reconquête de l'est du pays terminée, il tournera ses canons contre les derniers bastions rebelles dans l'ouest.

D'autant plus que la décision du président américain Donald Trump de mettre fin au programme d'aide de la CIA à certains groupes insurgés a affaibli la rébellion, tout en privant les Occidentaux d'un de leurs rares moyens de pression sur le régime syrien.

Alors que l'Iran ne cesse d'accroître son influence grâce à l'engagement des milices chiites, notamment le Hezbollah, les opposants d'Assad en sont réduits à espérer que Moscou parviendra à un moment ou un autre à la conclusion que le meilleur moyen de stabiliser la Syrie et d'impliquer les Occidentaux dans la coûteuse reconstruction du pays sera d'écarter l'actuel chef de l'Etat.

"Il ne fait guère de doute que les Russes aimeraient qu'il y ait une solution politique au conflit. La guerre leur coûte cher et plus elle durera, moins elle apparaîtra comme un succès pour (Vladimir) Poutine", estime Rolf Holmboe, chercheur associé à l'Institut canadien des affaires mondiales et ancien ambassadeur du Danemark en Syrie. "Mais les Russes veulent une solution à leurs conditions, à savoir une avec un maintien d'Assad au pouvoir", ajoute-t-il.

"Les cessez-le-feu ont deux objectifs. Ils permettent aux Russes de prendre la main sur les négociations politiques et de valoriser leur image sur la scène internationale. Mais, plus important encore, ils laissent les mains libres à Assad et aux milices soutenues par l'Iran pour reprendre les territoires que l'Etat islamique est sur le point de perdre", souligne l'ancien diplomate.

 

(Lire aussi : Les civils fuyant l'EI en Syrie vivent dans des conditions "terribles", affirme le CICR)

 

Réserves pétrolières
Cette progression vers l'est des troupes gouvernementales syriennes a provoqué quelques accrochages avec les milices majoritairement kurdes soutenues par Washington qui assiègent Raqqa, mais dans l'ensemble les deux grandes forces prennent soin de s'éviter. La coalition internationale formée par les Etats-Unis pour lutter contre l'EI a maintes fois répété qu'elle ne voulait pas entrer en conflit avec Assad.

Le contrôle de la région de Deïr ez-Zor et de ses réserves pétrolières est cruciale pour le régime syrien, qui contrôle encore la moitié de la ville et une base aérienne voisine. Le reste de la province est aux mains de l'EI. Bachar el-Assad n'est pas le seul à la convoiter : le porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), l'alliance de miliciens kurdes et arabes soutenus par les Etats-Unis, a déclaré mercredi à Reuters que les FDS feraient "prochainement" mouvement en direction de Deïr ez-Zor à partir de leurs positions au nord de la ville.

La reprise de la province ne s'annonce pas simple pour autant, l'EI y ayant concentré un nombre important de combattants depuis la chute de Mossoul, en Irak, et l'encerclement de Raqqa.

 

(Lire aussi : Plus de 600.000 Syriens sont rentrés chez eux depuis janvier)

 

L'argent de la reconstruction
En outre, relèvent les bons connaisseurs de cette région, l'attitude des tribus sunnites locales sera déterminante. Rien ne permet de dire pour le moment avec certitude dans quel camp elles basculeront.

Pour Andrew Tabler, spécialiste de la Syrie au Washington Institute for Near East Policy, un cercle de réflexion, Assad a un autre objectif, plus politique, à Deïr ez-Zor : rasseoir sa légitimité internationale en luttant contre l'EI. "Il pense pouvoir obtenir ainsi l'argent de la reconstruction et que les choses pourront reprendre comme avant. Mais cela n'arrivera pas", juge-t-il.

Rien n'indique pour le moment que les pays occidentaux soient disposés à réhabiliter le président syrien, qu'ils accusent régulièrement d'utiliser des armes chimiques contre son peuple.

A défaut d'aide occidentale, le régime syrien essaie d'attirer les investissements chinois et a, symboliquement, annoncé que la foire internationale de Damas se tiendrait cette semaine, pour la première fois depuis cinq ans. "Le régime veut envoyer comme signal que tout va bien pour lui, qu'il est prêt à s'asseoir sur un champ de ruines et à discuter avec des amis qui sont prêts à l'aider", commente un diplomate occidental.

Pour Mohanad Hage Ali, directeur de la communication du Carnegie Middle East Center, un centre de réflexion basé à Beyrouth, Bachar el-Assad s'est imposé depuis le début du conflit, il y a six ans, comme le "maître du gain de temps". Militairement, cette stratégie est incontestablement en train de payer, dit-il. "Mais il lui reste deux défis : la normalisation politique avec le reste du monde et le défi économique, qui est considérable."

 

 

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commentaires (3)

Trop tôt encore pour miser sur "une reconquête substantielle au bénéfice du clan Assad...qui lui livrerait une Syrie unifiée" Mais il est temps d'abandonner toute idée de partage de pouvoir avec des opposants, quels qu'ils soient. Miser plutôt sur un "partage d'influences entre voisins plus ou moins puissants...sous le regard aigu des russes, dont l'enracinement informe, pour tous les cas de figures en Méditerranéeest

Chammas frederico

15 h 27, le 18 août 2017

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Commentaires (3)

  • Trop tôt encore pour miser sur "une reconquête substantielle au bénéfice du clan Assad...qui lui livrerait une Syrie unifiée" Mais il est temps d'abandonner toute idée de partage de pouvoir avec des opposants, quels qu'ils soient. Miser plutôt sur un "partage d'influences entre voisins plus ou moins puissants...sous le regard aigu des russes, dont l'enracinement informe, pour tous les cas de figures en Méditerranéeest

    Chammas frederico

    15 h 27, le 18 août 2017

  • Défaite totale en rase campagne pour les wahabites bensaouds manipulés par l'occident du complot contre le héros Bashar , occident lui même manipulé par israel . ALLEZ HOP , TOUT CE MONDE PRIS EN BROCHETTE PAR LA BAILLONETTE DES RESISTANTS .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 15, le 18 août 2017

  • AVIS A L'OCCIDENT COMPLOTEUR ! Qu'il est loin le temps où on annonçait le départ du héros syrien Bashar El assad en 2 semaines . Qu'il est loin le temps où on annonçait la fin du hezb résistant depuis son intervention bénéfique pour les résistances . Qu'il est très loin le temps où on annonçait l'embourbement de la Russie de Poutine depuis son intervention en Syrie agressée . Qu'il est hyper loin le temps où on annonçait l'arrivée d'un président us qui fera changer la donne , on ne donnera pas les dates de ce changement pour pas foutre la honte à ces spécialistes en geopo . LOIN LE TEMPS ? MAIS PAS DU TOUT C'ETAIT HIER . MAIS LA MEMOIRE A PARFOIS DES ACTIONS CURATIVES , ELLE PERMET AUSSI D'OUBLIER SES ERREURS .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 07, le 18 août 2017

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