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Liban - Exécutif

Un train de permutations et nominations quasi monochromes en Conseil des ministres

« Ils veulent tout peindre en orange », déplore un membre du gouvernement.

Saad Hariri et Gebran Bassil arrivant ensemble à la séance. Photo Dalati et Nohra

C'est un Conseil des ministres assez mouvementé qui s'est tenu hier au palais de Baabda sous la présidence du chef de l'État, Michel Aoun.
L'occasion pour le gouvernement d'adopter un train de permutations et de nominations administratives, et de discuter de plusieurs sujets d'actualité. Il s'agit notamment de la situation socio-économique du pays, ainsi que de la visite du Premier ministre, Saad Hariri, à Washington, et la cellule terroriste connue sous le nom d'el-Abdali démantelée au Koweït, et dans laquelle le Hezbollah serait impliqué, selon les autorités koweïtiennes.

Si l'équipe ministérielle a rempli de nombreux postes vacants au sein de l'administration libanaise, c'est surtout la décision de transférer le président du Conseil d'État, Chucri Sader, à la présidence d'une chambre au sein de la Cour de cassation, qui a suscité l'étonnement dans les milieux ministériels. D'autant que le mandat du successeur de M. Sader, le président de la cour d'assises du Mont-Liban, Henri Khoury, expire dans un an, c'est à-dire au même moment que celui de son prédécesseur.

Commentant la décision gouvernementale, des sources proches de M. Sader confient que ce dernier n'a pas été « obéissant » vis-à-vis du pouvoir politique. D'où la décision de le sortir du Conseil d'État.
Plusieurs ministres ont soulevé au cours de la séance des interrogations sur les raisons pour lesquelles M. Sader a été démis de ses fonctions à la tête du tribunal administratif, sur proposition du ministre de la Justice, Salim Jreissati. Ce dernier a répliqué que le ministre n'a pas besoin de justifier une proposition qu'il présente en Conseil des ministres.

 

(Lire aussi : Cinq combattants du Hezbollah libérés, 8 000 jihadistes et civils syriens en route pour Idleb)

 

« On ne saura jamais la raison de ce choix », confie un membre du gouvernement à L'OLJ. Mais le ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos (Marada), a été beaucoup plus explicite : « Toute personne qui n'est pas proche du sexennat est renvoyée chez elle », a-t-il déclaré sans détour à sa sortie de la séance, laissant ainsi clairement entendre que le successeur de Chucri Sader est un proche du courant aouniste.
C'est d'ailleurs ce que pense aussi un ministre qui a requis l'anonymat : « Ils veulent tout peindre en orange. » Cela est dû au fait que les personnes nommées sont globalement des proches du CPL ou de ses alliés et que ces nominations ont reçu l'aval du courant du Futur, apprend-t-on dans les milieux ministériels. La question est donc de savoir la contrepartie de ce feu vert de la part de la formation de Saad Hariri.

Pour ce qui est du reste des nominations, il s'agit de : Moustapha Bayram et Hori DerSarkissian à l'Inspection générale, Waël Khaddaj (Inspection financière) et Watfa-Laurence Makhlouf (Inspection agricole et sanitaire). Hadi Abou Farhat a été nommé au sein du conseil d'administration d'Ogero, alors que Ghassan Daher, déjà membre du conseil, a été reconduit à son poste, à l'heure où les nominations de deux mohafez ont été reportées.

Outre les nominations, les ministres Marwan Hamadé (joumblattiste), Nouhad Machnouk (courant du Futur) et Pierre Bou Assi (FL) ont soulevé la question des relations libano-koweïtiennes, à la lumière des accusations lancées par l'émirat contre le Hezbollah, de s'impliquer dans la cellule terroriste koweïtienne connue sous le nom d'el-Abdali qui s'apprêtait à perpétrer des attentats contre la capitale de l'émirat. Face au mutisme total des ministres du parti chiite, MM. Hamadé, Bou Assi et Machnouk ont insisté sur la préservation des relations entre les deux pays. Mais le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a indiqué qu'il attendait des informations supplémentaires pour pouvoir prendre les mesures adéquates.

 

(Lire aussi : Machnouk : L'armée aurait pu mener la bataille du jurd de Ersal si le feu vert politique lui avait été donné)

 

L'économie
S'exprimant au début de la séance gouvernementale, Michel Aoun a exposé la situation socio-économique (alarmante) du pays, présentant des prévisions sur les prochaines années et insistant sur l'importance d'élaborer un plan de sauvetage qui devrait être mis en application dans les plus brefs délais.
Évoquant la grille des salaires et ses sources de financement, le chef de l'État a insisté sur l'importance de se conformer aux textes constitutionnels liés au budget de l'État. M. Aoun a profité de son intervention pour informer le gouvernement des remarques formulées par de nombreux acteurs politiques et économiques concernant l'échelle des salaires et les nouvelles mesures fiscales destinées à la financer, appelant à évaluer ces remarques avec rigueur et objectivité.

Interrogé par L'OLJ au sujet du plan économique proposé par le président de la République, Raëd Khoury, ministre de l'Économie et du Commerce, souligne que cette initiative est axée sur la collaboration avec des experts internationaux pour relancer l'économie nationale. « Le plan devrait focaliser sur les secteurs de l'industrie et des services », ajoute-t-il, avant de poursuivre : « Il s'agit pour l'État de définir ses priorités, afin de permettre aux ministères concernés d'œuvrer pour réduire le chômage et relancer la croissance économique. »

Prenant la parole en Conseil des ministres, Saad Hariri, a dressé le bilan de sa visite aux États-Unis, faisant savoir que les sanctions prévues par le Congrès américain contre le Hezbollah étaient au menu des discussions. M. Hariri a fait savoir que « les Américains se sont montrés compréhensifs quant à la nécessité de ne pas porter atteinte à l'économie libanaise, encore moins aux institutions financières ». « Les aides à l'armée se poursuivront en vue de lui permettre d'affronter le terrorisme », a encore dit le Premier ministre.
Évoquant le dossier des réfugiés syriens également soulevé lors de la visite à Washington, le Premier ministre a déclaré : « La solution politique en Syrie passe par le retour des réfugiés syriens dans leur pays. En attendant, il est du devoir de la communauté internationale d'aider le Liban. » « La sécurité et la stabilité politique réduisent les risques financiers et pavent la voie aux investissements », a-t-il souligné.

Le Conseil des ministres, qui a évité de discuter les détails de la bataille du jurd de Ersal et des négociations ayant abouti à l'évacuation des jihadistes de Fateh el-Cham – même si plusieurs ministres ont insisté sur le rôle de l'armée dans la défense du pays –, a alloué deux crédits de 30 millions de dollars pour l'exécution de projets de développement dans la localité et son voisinage. Il a également chargé un commission ministérielle, présidée par Saad Hariri, de prendre les mesures nécessaires à l'application de la nouvelle loi électorale. Ce comité sera formé des ministres Talal Arslane (Parti démocrate libanais), Mohammad Fneich (Hezbollah), Ali Hassan Khalil (Amal), Gebran Bassil (CPL), Nouhad Machnouk (Futur), Pierre Bou Assi (FL) et Youssef Fenianos (Marada).

 

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commentaires (9)

Démettre des ses fonctions le juge administratif suprême Chucri Sader dont l'intégrité absolue et les hautes compétences étaient unanimement connues et reconnues, pour le prétendu motif d'une quelconque "désobéissance" sous le couvert d'une banale action administrative de permutation, est un acte éminemment grave par sa nature anticonstitutionnelle, qui sonne définitivement le glas du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Si le Corps judiciaire ne réagit pas massivement à ce holdup, l'ère d'une longue et sombre dictature aura alors commencé.

Paul-René Safa

09 h 50, le 05 août 2017

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Commentaires (9)

  • Démettre des ses fonctions le juge administratif suprême Chucri Sader dont l'intégrité absolue et les hautes compétences étaient unanimement connues et reconnues, pour le prétendu motif d'une quelconque "désobéissance" sous le couvert d'une banale action administrative de permutation, est un acte éminemment grave par sa nature anticonstitutionnelle, qui sonne définitivement le glas du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Si le Corps judiciaire ne réagit pas massivement à ce holdup, l'ère d'une longue et sombre dictature aura alors commencé.

    Paul-René Safa

    09 h 50, le 05 août 2017

  • ANA BEDDE HEYDA... OU ANA BEDDE HAYDEK... HEY ! MA TENSOUNE ANA KAMEN, BEDDE FLEYN... OU HAYDEK BEDDOU FLEYTEN ... EY AINSI LES NOMINATIONS SONT FAITES COMME ELLES LE FURENT DURANT DES DECENNIES ! 3AYB !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 02, le 04 août 2017

  • Plus j'y pense, plus je me dis que c'est énorme. Si le seul grief fait à M. Sader est son indépendance, ça mériterait qu'un(e) constitutionnaliste indépendant(e) analyse ce précédent pour l'OLJ. Si toutefois M. Sader est coupable d'un crime autre que celui de lèse-majesté, qu'il soit officiellement mis en examen et traduit devant l'instance judiciaire compétente pour juger des hauts fonctionnaires.

    Marionet

    13 h 29, le 04 août 2017

  • Ce qui me plait entre tout , c'est de les voir bosser ! et ce n'est pas rien , croyez moi !

    FRIK-A-FRAK

    13 h 18, le 04 août 2017

  • Si le "limogeage" de M. Chucri Sader est confirmé, il s'agirait là d'une grave entorse au principe de la séparation des pouvoirs et de l'inamovibilité des juges. Comment un juge peut-il rendre une décision de justice en toute indépendance s'il est menacé de destitution? Espérons que le "pouvoir" judiciaire s'insurgera contre cette entorse grave à un principe fondateur de la démocratie libanaise qui ressemble de plus en plus à la "démocratie" turque version Erdogan.

    Marionet

    12 h 23, le 04 août 2017

  • Chucri Sader est l'un des hommes de loi les plus intègres du Liban, mais lorsqu'on est gouverné par des sous-politiciens incompétents et fromagistes, il faut s'attendre à tout.

    Un Libanais

    11 h 29, le 04 août 2017

  • faut il esperer le jaune en lieu et place de l'orange ou l'orange ET le jaune ? le vert et bleu peut etre ? le cedre /blanc et l'orange? quel amalgane serait le moins profitable pour le Liban ? a nous de continuer a rever au moins destructeur !

    Gaby SIOUFI

    10 h 09, le 04 août 2017

  • Comment on appelle cela ? Ah oui le changement et la réforme !!

    yves kerlidou

    08 h 30, le 04 août 2017

  • Il serait naïf de penser que le « congédiement » du président du Conseil d’Etat (sous couvert de transfert) soit dû à une simple question de désobéissance au pouvoir politique dans une question de nomination. Ceci est, semble-t-il, l’arbre qui cache la forêt. Le pouvoir politique pourrait vouloir placer à la tête de la plus haute juridiction administrative une personne acquise (ou qu’il croit acquise), en prévision des litiges qui pourraient éclater dans un avenir proche entre l’Etat et les particuliers et, peut-être aussi, pour bénéficier d’une certaine bienveillance dans les avis que le Conseil d’Etat est habilité à donner à l’exécutif dans certaines matières administratives. Le corps de la magistrature restera-t-il indifférent à cet « outrage à magistrat » ou saura-t-il se solidariser avec son confrère lésé - dont la faute aura été de vouloir préserver l’indépendance de la Justice et l’Etat de droit - et faire front avec lui pour mettre en échec toute velléité de dictature du politique sur le pouvoir judiciaire ? La révolution des juges pourra alors commencer…

    Citoyen volé

    02 h 06, le 04 août 2017

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