« Le phénomène des tirs lors de circonstances précises est une honte pour nous et pour le pays », a affirmé hier M. Machnouk lors d’une cérémonie de remise de .diplômes. Photo ANI
La polémique qui a suivi l'arrestation de 78 personnes soupçonnées d'avoir tiré en l'air pour célébrer les résultats du brevet, et dont la majeure partie a été relâchée moins de 48 heures plus tard, s'est transposée hier en Conseil des ministres. Si les échanges étaient moins acerbes que la veille, selon plusieurs sources ministérielles, il n'en reste pas moins que cette affaire a créé un malaise au sein de l'exécutif.
Le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, est revenu à la charge assurant que des ingérences politiques ont effectivement eu lieu pour inciter les juges à libérer une partie des prévenus. Selon une source proche du ministre, « les ingérences ne sont pas l'œuvre d'une seule partie politique, mais concernent plusieurs formations ».
La couverture politique dont bénéficient certains suspects a été évoquée par le gouvernement dans le cadre du dossier de l'homme d'affaires Rida al-Masri, relâché peu de temps après avoir été arrêté. Dans des apparitions largement médiatisées, Rida al-Masri s'affiche comme étant proche des deux mouvements chiites Amal et le Hezbollah, des informations démenties par les ministres d'Amal et du Hezbollah. Selon une source informée, le ministre de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, est monté au créneau, estimant que les accusations qui circulent à ce sujet sont « injustifiées ». Il a affirmé en substance la détermination du Hezbollah à coopérer et à soutenir les forces de l'ordre dans leur mission. Pour preuve, le ministre chiite a « cité l'exemple de son neveu arrêté dans une affaire de drogue, une mesure qui avait été avalisée par le parti », a révélé la source.
(Lire aussi : La vendetta au Liban, ou lorsque les morts tuent...)
Un « État policier »
L'affaire des arrestations en série et de la relaxe d'une soixantaine de suspects a continué de susciter des remous dans les milieux judiciaires qui dénoncent la « politisation à outrance » d'une procédure judiciaire qui a pris son cours d'une manière régulière.
Dans ces milieux, on reproche aux Forces de sécurité intérieure d'avoir cherché à faire « un coup d'éclat en publiant, de manière illicite, une liste de noms concoctée à la va-vite sur base de données fournies par des informateurs, même pas par des témoins ».
« C'est un scandale », indique une source judiciaire. « Comment peut-on publier les noms de personnes qui ne sont même pas encore accusées et procéder ainsi à un tel lynchage ? » poursuit la source judiciaire qui déplore tout autant la « déception exprimée par l'opinion publique à l'annonce de la relaxe d'une grande partie des personnes arrêtées ». « On a l'impression d'être dans un État policier ou à l'époque de l'Inquisition », commente la source précitée. Et de rappeler que le procureur ne peut porter plainte contre quelqu'un qui a été pointé du doigt par un informateur qui dit l'avoir vu tirer en l'air, sans aucune preuve pour soutenir ces allégations.
Dans ces milieux, on rappelle que la détention provisoire obéit à des règles strictes « que l'on ne saurait manipuler pour des objectifs politiques ».
« On ne peut pas détenir quelqu'un plus de 48 heures, surtout si l'on n'a pas de preuves tangibles. Cela ne veut pas dire non plus que les personnes libérées ont été innocentées. Elles peuvent être convoquées à nouveau devant la justice à n'importe quel moment », indique un juriste qui tient à rappeler qu'une quinzaine de personnes sont toujours en état d'arrestation. « Le législateur a consacré le principe de la liberté de la personne, l'arrestation étant un état d'exception », dit-il.
Quant aux ingérences politiques, si elles ont effectivement eu lieu, il reste à les prouver, « une tâche qui incombe à l'Inspection judiciaire et ne saurait être débattue dans l'arène politique ou dans les médias », conclut le juriste qui reconnaît qu'il s'agit effectivement d'une violation grave du principe de l'indépendance judiciaire. Une réunion de la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice est d'ailleurs prévue lundi prochain pour examiner si effectivement il y a eu une brèche en ce sens et si les allégations d'ingérences faites par M. Machnouk sont justifiées. De son côté, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, a promis de soumettre, d'ici à quinze jours au plus tard, un rapport détaillé sur l'affaire, comportant notamment des précisions sur les personnes qui ont été relâchées.
Lire aussi
« Le phénomène des armes individuelles doit être rapidement réglé », insiste Bkerké
Les parents de la petite Lamis, victime d’une balle perdue, veulent quitter le pays
commentaires (7)
QUE NE NOMME-T-IL !!!
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 09, le 06 juillet 2017