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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Macron, l’héritier du trône français

Deux mois à peine après son investiture, l'autorité dont fait preuve Emmanuel Macron fait couler de l'encre. Un style signé En Marche!, non sans risques de dérive.

Emmanuel Macron applaudi par les parlementaires lors de son allocution à Versailles le 3 juillet. POOL/Eric Feferberg/AFP

« Ce que nous avons à accomplir, c'est une véritable révolution », a lancé le président français Emmanuel Macron lundi devant les députés et les sénateurs réunis en Congrès au château de Versailles.

Une révolution dont le chef de l'État, en fonctions depuis le 14 mai, a explicité les grandes orientations dans un discours-fleuve d'une heure et demie. Priorité sera donnée au renforcement de la lutte antiterroriste, à la refonte du droit d'asile, à l'Europe, mais surtout à la réforme des institutions.

Bien que le président Macron prévoie seulement une année pour ce dernier projet, le chantier risque d'être long tant ce renouvellement semble ambitieux : introduire une « dose de proportionnelle » et réduire d'un tiers le nombre des sénateurs et des députés. « Un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens (...), c'est un Parlement qui travaille mieux », a-t-il affirmé lundi. Sous les ors de Versailles, la révolution Macron semble officiellement s'être mise en marche.

Depuis l'investiture de M. Macron, cinquante jours se sont écoulés, qui donnent déjà le ton de son mandat. C'était l'une de ses promesses de campagne : il incarnerait le renouveau démocratique. Force est de constater qu'il semble la tenir. S'il a décidé d'abandonner la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet, un discours devant le Congrès aura lieu chaque année, comme il l'a annoncé lundi. Une symbolique non sans rappeler son désamour pour les médias qui lui avait valu d'attirer les foudres de la presse française peu après le début de son mandat, lorsqu'il avait lui-même choisi les médias qui l'accompagneraient au Mali, son premier déplacement. Et l'annonce de son portrait officiel sur les réseaux sociaux jeudi dernier avait tout l'air d'un nouveau pied de nez à la presse de l'Hexagone, habituée à en avoir l'exclusivité.

 

(Pour mémoire : Macron promet un "changement profond" devant le Congrès)

 

« On est dans un monde de communication. Changer les pratiques s'accompagne toujours de critiques », affirme Frédéric Charillon, professeur des universités en sciences politiques, interrogé par L'Orient-Le Jour. Rompre avec la tradition et le style de ses prédécesseurs, tel semble l'enjeu du renouveau Macron, quitte à faire couler de l'encre et essuyer les critiques.

Pourtant, ce sont bien certains chefs de l'État de la Ve République qui inspirent le président actuel. « On constatera aisément que le fondateur de la Ve République, Charles de Gaulle, était un monument qui ne délivrait son message et sa parole, quasi monarchique, qu'en la contrôlant excessivement. On peut dire qu'Emmanuel Macron renoue avec la pratique des plus grands présidents qui l'ont précédé à l'Élysée, depuis 1958 », explique Jean Petaux, politologue à Sciences Po Bordeaux, interrogé par L'Orient-Le Jour.

Son portrait officiel en est la preuve : la symbolique des références au général de Gaulle et à François Mitterrand souligne sa volonté de s'inscrire dans leur sillage. S'il apparaît confiant sur cette photo, c'est le visage fermé qu'Emmanuel Macron est arrivé au château de Versailles lundi avant de prononcer son discours devant les parlementaires français. Dans la posture du jeune président, rien n'était laissé au hasard pour s'adapter à l'importance de l'événement.

À l'instar du Roi Soleil au XVIIe siècle, l'héritier du « trône » français s'est présenté face à une cour de plus de 900 personnes, dont le tiers affilié au groupe de La République en marche (LREM) était acquis d'avance. « On peut dire ici que le président Macron a été plutôt "gonflé" de faire applaudir par les parlementaires eux-mêmes son discours dans lequel il leur disait, sans rire, que 304 d'entre eux seront dévorés sur l'autel de la démagogie antiélus... » souligne Jean Petaux.

 

(Lire aussi : Des intellectuels français interpellent Macron sur son revirement vis-à-vis d'Assad)

 

« Le président préside »
C'est précisément les attentes de l'opinion publique qui dictent la conduite et les actions du président Macron. Dans un sondage réalisé par OpinionWay pour Non Stop Politique durant la campagne présidentielle, 81 % du panel interrogé affirmait que la France avait besoin d'un président autoritaire. Par choix ou obligation, le président élu s'est exécuté. Il doit « montrer aux Français que le président "préside" et qu'il incarne fortement la fonction présidentielle », affirme M. Petaux.

Mais si l'exercice du pouvoir du nouveau chef de l'État français peut surprendre, il se fonde en réalité sur l'essentiel des pouvoirs que lui confère la Constitution de la Ve République. Entre rupture et héritage, le président se contente de forger un style qui lui est particulier. « Macron est à la confluence de l'autorité d'un de Gaulle ou d'un Mitterrand, au croisement (aussi) de l'habileté d'un Pompidou, d'un Chirac ou d'un Hollande, et de l'omniprésence d'un Sarkozy ou d'un Giscard d'Estaing au début de son mandat », analyse Jean Petaux.

Autant que le candidat, l'arrivée d'Emmanuel Macron au poste de président de la République inquiète. Et le changement d'allure du nouveau chef de l'État fait renaître de ses cendres le qualificatif d' « hyperprésident » attribué à Nicolas Sarkozy pendant son mandat de 2007 à 2012. Présent sur tous les dossiers et dans les médias, inscrivant son action dans l'immédiateté et affaiblissant le rôle du gouvernement au profit de ses conseillers, le style Sarkozy agaçait. Aujourd'hui, l'envergure de son successeur, deux mandats plus tard, semble prendre un chemin similaire.

« C'est l'effectivité qui dicte la démarche d'Emmanuel Macron... sans doute plus que la recherche de l'efficacité », confirme Jean Petaux. Si celui-ci se méfie du bien-fondé d'attribuer à Emmanuel Macron le qualificatif d'« hyperprésident », il affirme que « le jeune et nouveau président aime "jouir du pouvoir" », en faisant référence au philosophe Pierre Legendre.

 

(Lire aussi : Macron concentre les pouvoirs, l’opposition critique un « monarque présidentiel »)

 

Assurer son pouvoir
Assurer son pouvoir, tel est l'objectif du président Macron. Peu de doute en effet sur la stratégie du chef de l'État, qui a même convoqué le Congrès la veille du discours de politique générale devant l'Assemblée nationale de son Premier ministre, Édouard Philippe. Mais le style Macron va plus loin. Le dernier remaniement gouvernemental a permis l'intégration de Benjamin Griveaux et Julien Denormandie qui font partie du premier cercle du chef de l'État, montrant qu'Emmanuel Macron s'entoure de ceux qui ne le contrediront pas. C'est même toute son équipe de campagne qui occupe désormais des postes-clés à des postes de conseillers ou de secrétaires d'État. C'est « un président qui tente d'imposer son autorité présidentielle, certainement. Un président qui assume une centralité dans le processus politique, très probablement », observe Frédéric Charillon.

Si Emmanuel Macron se laisse aller à monopoliser la scène publique, une dérive autoritaire pourrait venir circonscrire les bonnes intentions du nouveau président français. « On prêtait à Nicolas Sarkozy une hégémonie absolue sur l'échiquier politique français au début de son mandat, il n'a pas été réélu. Tout le monde en a tiré les leçons », note Frédéric Charillon.

Toujours est-il qu'avec Emmanuel Macron, « le changement, c'est maintenant ».

 

 

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commentaires (4)

OU MACROHOLLANDE LE IIEME ?

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 04, le 05 juillet 2017

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Commentaires (4)

  • OU MACROHOLLANDE LE IIEME ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 04, le 05 juillet 2017

  • LOUIS-MACRON LE 1ER ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 07, le 05 juillet 2017

  • "Le fondateur de la Vè République, Charles de Gaulle, était un monument." Emmanuel Macron essaye de porter un costume trop grand pour lui. N'est pas le Général qui veut !

    Un Libanais

    11 h 26, le 05 juillet 2017

  • “Il ne suffit pas d'être un grand homme, il faut l'être au bon moment.” de Georges Pompidou

    FAKHOURI

    09 h 33, le 05 juillet 2017

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