Rechercher
Rechercher

Liban - Droits de l’homme

À Tripoli, l’UE veut améliorer la vie des détenus

Un centre médical dans la prison de Kobbé, une unité de médecine légiste au Palais de justice : de nouvelles installations réalisées grâce aux efforts de l'association Restart.

Mmes Lassen (à gauche) et Jabbour, lors de l’inauguration du pont qui relie la prison au centre médical.

« La prison de Kobbé n'avait pas de centre médical. Il n'y avait qu'une petite armoire qui servait de pharmacie avec des médicaments. » C'est ainsi que Pascale Bafitos, de l'association Restart, décrit pour L'Orient-Le Jour la situation dans cette prison de Tripoli qu'elle visite régulièrement pour y aider les prisonniers. Cette situation devrait s'améliorer nettement avec la création, grâce au soutien de l'Union européenne (UE), d'un centre médical et pour la réhabilitation des prisonniers, dans cette prison surpeuplée qui accueille un millier de prisonniers alors qu'elle est conçue pour 300. « Avec ce centre, les médicaments sont hors de prison et les malades peuvent dormir hors des cellules, ce qui facilite la permanence des médecins et du personnel, poursuit Pascale Bafitos. Tous les équipements sont désormais disponibles, ainsi que l'équipe. »

Ce nouveau centre a été inauguré jeudi dernier par la chef de la Délégation de l'UE au Liban, Christina Lassen, en présence du général Mounir Chaabane, représentant le ministre de l'Intérieur, et de Suzanne Jabbour, présidente de l'association Restart, très active au sein de cette prison. Le projet consiste en un centre situé dans le bâtiment supposé abriter la prison pour femmes, actuellement vide : il pourvoit des salles pour le traitement médical, ainsi que pour les rencontres avec les spécialistes de Restart, à des fins de réhabilitation.

En effet, les activités de réhabilitation étaient devenues un vrai casse-tête pour les spécialistes de Restart en raison du manque de place dans la prison. Pascale Bafitos raconte qu'ils étaient relégués aux parloirs, toujours bondés de monde, ou encore aux couloirs, où les échanges manquaient cruellement de confidentialité, sans compter les risques pour les professionnels de l'association.
Tout cela devrait changer dorénavant avec le nouveau centre où les Forces de sécurité intérieure (FSI) devraient installer une équipe qui pourra offrir tranquillement les services nécessaires aux prisonniers, hors des murs des cellules. Le projet a aussi permis de bâtir un pont fermé qui relie le bâtiment de la prison des hommes à celui du nouveau centre. Pascale Bafitos insiste sur le fait qu'il a été conçu en conformité avec les critères de sécurité les plus stricts.

 

(Lire aussi : Lassen inaugure trois projets majeurs à Tripoli)

 

 

Unité « unique » contre la torture
Dans ce projet de Restart pour améliorer les conditions de détention, un autre aspect a été pris en compte : la lutte contre la torture dans les interrogatoires. Christina Lassen a également inauguré, en présence du ministre de la Justice Salim Jreissati, au cœur même du Palais de justice de Tripoli, une unité pour la médecine légiste. Cette unité très moderne abrite des salles avec des équipements pour les médecins légistes, ainsi que pour d'autres spécialistes comme les psychologues. Désormais, si un détenu se plaint de mauvais traitements au cours des interrogatoires, il peut demander à être examiné, et son état général évalué. Selon Restart, cette mesure est de nature à bénéficier à tous les acteurs concernés : le détenu peut prouver la torture si celle-ci a effectivement eu lieu, et les forces de l'ordre peuvent démentir les prétextes quand ceux-ci sont infondés.

Cette unité est le fruit d'un dialogue de trois ans entre Restart et le ministère de la Justice, comme l'a précisé Suzanne Jabbour dans son discours pour la circonstance. Elle a énuméré les avantages d'un tel centre, notamment ceux d'offrir des services médicaux et psychologiques gratuits aux détenus, de constituer des dossiers médicaux confidentiels (livrés seulement à la demande d'un juge), de documenter d'éventuels cas de torture en conformité avec le protocole d'Istanbul, de découvrir des cas de maladies contagieuses pour isoler les concernés...

M. Jreissati, dont la présence a apporté un soutien supplémentaire au projet, a insisté sur le caractère « unique » et « exemplaire » de cette unité au Liban et réaffirmé la volonté de son gouvernement de placer les droits de l'homme au cœur de ses priorités. Il a estimé que la seule présence de ce centre sera « dissuasive » pour certaines pratiques. Il a assuré qu'après deux ans, cette nouvelle expérience sera évaluée, puis reprise dans les autres Palais de justice du pays.

 

(Pour mémoire : À la NDU, une armée de jeunes volontaires tendent la main aux prisonniers)

 


Deux projets « très importants »

Au cours de toutes ces étapes, Mme Lassen a insisté sur l'appui de l'UE en faveur de la réforme du système pénitentiaire, ainsi qu'en faveur des efforts de lutte contre la torture, qui figurent parmi les priorités de l'organisation. À L'OLJ, Mme Lassen a indiqué que les deux projets étaient « très importants », louant l'action de Restart, « une excellente ONG, notamment pour la prévention contre la torture et la réhabilitation des victimes de torture ». Et d'ajouter : « La réhabilitation d'un bâtiment dans la prison de Kobbé a permis d'avoir plus d'espace pour un centre pour les services sociaux. C'est un excellent projet et un début pour améliorer la condition des prisonniers. L'autre projet au Palais de justice de Tripoli est une unité unique en son genre, avec toutes les facilités pour permettre aux professionnels de faire leur travail. »

À la question de savoir si elle redoute que la mise en application de ce projet ne soit compromise pour une raison ou une autre, Mme Lassen répond que « l'application des projets est toujours un grand défi, mais nous sentons que les autorités sont désireuses de travailler avec nous », soulignant l'importance de la présence du ministre de la Justice. « Bien sûr, tout nouveau nécessite un changement dans les mentalités », a-t-elle ajouté.

Pour sa part, Samir Gharbawi, chef de projet à l'UE, précise à L'OLJ que ces deux projets combinés ont bénéficié d'un budget de plus de deux millions d'euros. Ces deux projets s'inscrivent dans le cadre d'un projet plus vaste de réforme du système pénitentiaire, dit-il, signalant un dialogue continu avec le ministère de la Justice et les FSI.

 

 ---

 

Une usine de traitement des déchets pour 450 tonnes par jour

La visite de la chef de la Délégation de l'UE, Christina Lassen, à Tripoli avait un aspect environnemental, par l'inauguration d'une usine de traitement des déchets qui desservira dorénavant quatre municipalités : Tripoli, Mina, Beddaoui et Qalamoun. En d'autres termes, 500 000 personnes desservies, 450 tonnes par jour traitées dans cette usine gérée durant sept ans par un consortium privé libano-français, AMB-Nicolin. Cette usine comporte un centre de tri, un grand hangar consacré au compostage à l'air libre des déchets organiques et une installation pour la transformation de déchets inertes en combustible, le Refuse Derived Fuel (RDF), qui peut être brûlé dans certaines industries comme les cimenteries.

Ce projet a été mis en place grâce à une collaboration entre l'UE, le ministère du Développement administratif (Omsar) et les municipalités. À l'inauguration, étaient présents la ministre d'État pour le Développement administratif, Inaya Ezzeddine, le mohafez du Liban-Nord Ramzi Nohra, le président du conseil municipal de Tripoli Ahmad Qamareddine et d'autres personnalités locales. Les mots ont insisté sur l'importance de ce projet dans la gestion des déchets de cette région, tout comme sur la nécessité de traiter l'actuelle décharge sauvage de Tripoli (à côté de laquelle est située la nouvelle usine), qui menace de s'effondrer dans la mer. À ce propos, M. Qamareddine a annoncé une promesse du Premier ministre Saad Hariri de trouver un terrain alternatif et de traiter enfin cette décharge, qui devait être fermée depuis 2012.

Quoi qu'il en soit, la nouvelle usine devrait réduire significativement le volume des déchets qui parviennent à la décharge, puisque près de 80 % y seront traités, comme l'a assuré la ministre Ezzeddine. Interrogé par L'OLJ sur le projet, Nicolas Ritzenthaler, chef de projet de la section sur le développement durable à l'UE au Liban, insiste sur les caractéristiques de cette usine. « Elle a bénéficié d'un investissement de l'opérateur lui-même, qui a permis d'augmenter sa capacité de 300 tonnes par jour initialement, à 450 actuellement, affirme-t-il. Cet apport encouragera l'opérateur à prendre davantage soin des équipements. »

L'autre caractéristique de l'usine, poursuit-il, est l'adoption de la technique du RDF pour le traitement d'une partie des déchets inertes qui, autrement, se retrouveraient à la décharge. Par ailleurs, après le tri, près de 10 % de recyclables sont revendus à des boîtes privées. Le tout pour un prix global de 27 dollars par tonne, précise-t-il. « Ce modèle décentralisé et simple nous paraît intéressant pour le Liban, nous finançons actuellement, en partie ou de manière globale, seize usines de ce type-là dans le pays, avec des décharges sanitaires dans le cadre de nos projets, qui seront terminées d'ici à 2018 », dit-il.

Interrogé sur le contrôle, notamment de technologies potentiellement controversées comme le RDF, M. Ritzenthaler assure que cela est du ressort du ministère de l'Environnement. Sur la pérennité de tels projets, il estime qu'à terme, les fédérations de municipalités devraient recevoir les fonds qui leur sont dus de la Caisse autonome des municipalités, pour acquérir leur autonomie, tout comme elles devraient être impliquées dans le contrôle des opérations.

Pour sa part, Christina Lassen confie à L'OLJ que l'UE est « heureuse que ce projet, qui est l'usine la plus grande de ce type actuellement au Liban, soit enfin inauguré après avoir nécessité un certain temps pour prendre forme ». Elle insiste sur l'importance de telles facilités dans un pays qui souffre « d'un système de gestion des déchets qui était déjà dysfonctionnel, et qui est exacerbé par l'afflux de réfugiés syriens ».

 

 

Pour mémoire

Les sit-in se poursuivent pour obtenir une amnistie générale

« La prison de Kobbé n'avait pas de centre médical. Il n'y avait qu'une petite armoire qui servait de pharmacie avec des médicaments. » C'est ainsi que Pascale Bafitos, de l'association Restart, décrit pour L'Orient-Le Jour la situation dans cette prison de Tripoli qu'elle visite régulièrement pour y aider les prisonniers. Cette situation devrait s'améliorer nettement avec la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut