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Liban - Prisonniers islamistes

Les sit-in se poursuivent pour obtenir une amnistie générale

Le député Khaled Daher avance les chiffres de 2 000 détenus et de plus de 12 000 personnes faisant l'objet de recherches.

À Abra, les calicots sont brandis pour réclamer l’amnistie pour les détenus islamistes. Photo ANI

Dans le cadre de leur mobilisation entreprise depuis quelques semaines en vue d'obtenir une amnistie générale en faveur des prisonniers islamistes, les familles des détenus ont observé hier des sit-in à Baalbeck (Békaa), Saïda (Liban-Sud) et Tripoli (Liban-Nord).

Des manifestants ont ainsi coupé en matinée l'autoroute à hauteur de Baalbeck pour demander une amnistie générale des prisonniers et des personnes recherchées originaires de la région. Également, à l'entrée du camp palestinien de Aïn el-Héloué, près de Saïda, un sit-in a été un peu plus tard organisé par des proches des prisonniers impliqués dans les événements de Abra (qui avaient opposé l'armée aux islamistes menés par le cheikh salafiste Ahmad al-Assir en 2013). Les contestataires ont appelé à cette occasion le président de la République, Michel Aoun, le Premier ministre, Saad Hariri, et le président du Parlement, Nabih Berry, à décréter une amnistie générale.

Enfin, devant la mosquée al-Taqwa, à Tripoli, les protestataires islamistes ont brandi des calicots réclamant la libération de leurs proches. Venu leur apporter son soutien, Khaled Daher, député du Akkar, a exhorté l'État à « prononcer une amnistie générale, à l'ombre des circonstances politico-sécuritaires difficiles », d'autant, a-t-il affirmé, que « ces jeunes détenus sont utilisés comme carburant pour les batailles que se livrent les hommes politiques dans le pays ». M. Daher a cependant souligné que sa demande d'amnistie générale ne concerne pas uniquement les détenus islamistes, mais aussi ceux qui sont accusés d'être impliqués dans des affaires de drogue, déplorant que « seuls sont arrêtés les pauvres et les faibles, tandis que les gros trafiquants ne sont pas inquiétés ». Il a en outre affirmé que « plus de 60 % des jeunes musulmans sont torturés dans les prisons libanaises », s'appuyant, a-t-il dit, sur des chiffres présentés par des organisations internationales des droits de l'Homme.

« Les terroristes ne sont pas les islamistes, mais plutôt ceux qui poussent le peuple syrien à l'exode », a en outre lancé M. Daher, dénonçant la destruction des villes et les attaques contre le peuple syrien au moyen d'armes chimiques, avant de déplorer que « le nombre des déplacés à l'intérieur de la Syrie s'élève désormais à 12 millions, tandis que ceux qui se sont réfugiés à l'étranger ont atteint les 8 millions ».

Dans un entretien téléphonique avec L'Orient-Le Jour, M. Daher affirme avoir soulevé il y a quelques semaines, lors du débat parlementaire autour de la déclaration ministérielle, la question de la libération des prisonniers islamistes, indiquant qu'il avait alors « réclamé une amnistie générale et demandé à la classe politique de prendre en considération les circonstances politiques et sécuritaires qui ont poussé ces jeunes à commettre leurs actes ». Selon M. Daher, certains ont été emprisonnés il y a près de 10 ans, suite aux événements du 7 mai, ainsi qu'aux affrontements de Tarik Jdidé et aux accrochages entre les habitants sunnites de Bab el-Tebbané et les habitants chiites de Baal Mohsen, qui avaient eu lieu en 2008.

 

(Pour mémoire : Les détenus de Roumieh réclament une égalité de traitement avec Samaha)

 

 

« La politique des deux poids, deux mesures »
Le député du Akkar dénonce à ce sujet la politique des « deux poids, deux mesures », se demandant « pourquoi les militants du Hezbollah n'ont pas été interpellés dans ce cadre ». Évoquant la crise syrienne, il déplore également « un déséquilibre dans la justice », et s'interroge sur les raisons pour lesquelles « le Hezbollah, qui combat en Syrie, n'est pas inquiété, alors que des sunnites ayant choisi de défendre leurs coreligionnaires dans cette guerre sont sous les verrous ».

À la question de savoir combien d'islamistes sont détenus dans les prisons, M. Daher avance le chiffre de 2 000. Mais plus de 12 000 personnes « sont sur les listes de surveillance des organismes sécuritaires », indique-t-il. Dès lors, ces personnes, poursuit-il, font l'objet de rapports des services de renseignements et de « mesures de soumission » (mouzakkarat ikhdah). Ces dernières mesures, qui n'existent dans aucun texte de loi, sont appliquées par les services sécuritaires, alors même que le gouvernement est intervenu en 2014 pour faire cesser ces pratiques. M. Daher déplore que la décision du gouvernement ne soit pas mise en œuvre.
Mais est-il acceptable de rendre ainsi la liberté à des milliers de personnes dans le collimateur de la justice ? « Sans nul doute, parce qu'il ne s'agit pas d'actes individuels commis dans le cadre de crimes et de délits de droit commun, mais dans un contexte politique », assure le député du Akkar à L'OLJ.

Quid des prisonniers impliqués dans des affaires de drogue ?
« Eux aussi doivent être libérés, parce qu'ils sont victimes d'une crise socioéconomique due à la négligence de l'État », martèle M. Daher, appelant celui-ci à « remplir son devoir d'assurer aux citoyens des opportunités de travail et de soutenir le secteur de l'agriculture, afin qu'ils puissent subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles ». « Une fois ces failles palliées, l'État pourra alors leur demander des comptes », juge-t-il.
Le député du Akkar évoque par ailleurs un « ciblage » des jeunes de la communauté sunnite, estimant qu'il est favorisé par les dissensions politiques à l'intérieur de cette communauté. Pour éviter que les sunnites continuent à être « des proies faciles », il appelle à « une unification des rangs, à l'instar de l'unité qui caractérise chacune des communautés chiite, chrétienne et druze ».

« J'ai exhorté le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, à œuvrer en ce sens, tout comme l'avait fait le patriarche maronite lorsqu'il avait appelé les composantes chrétiennes à rester solidaires », souligne M. Daher, indiquant que le cheikh Deriane « a entrepris des démarches traduisant son attachement aux constantes qui préservent la communauté sunnite ».

 

 

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