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Lifestyle - Vin sur vin

Le tonneau, un contenant précieux

Photo DR

Tonneau, barrique, fût, pièce : même si le nom varie en fonction des régions ou de la taille, le principe reste le même. Depuis plus de 2 000 ans, son utilisation était limitée au transport. Aujourd'hui, elle concerne exclusivement l'élevage et l'affinage des vins et eaux-de-vie.

Fabriqué pour remplacer l'amphore grecque, trop fragile et difficilement stockable, le tonneau trouve rapidement sa place, car il résiste aux chocs et peut être roulé et empilé. Mais le XXe siècle et sa révolution industrielle vont détrôner le bois au profit de l'acier inoxydable, du béton et du plastique. Dans les années 80, avec la mode des vins au goût boisé, le fût est revenu habiter les chais, où aujourd'hui le vin est conservé et élevé.

Le chêne reste le principal bois servant à la fabrication des tonneaux utilisés pour l'élevage des vins. Car il est noble, dur, résistant et fortement chargé en tanins. Parmi les quelque 250 espèces du genre, trois sont communément utilisées en tonnellerie : Le chêne sessile ou rouvre, à grains très fins (les vaisseaux du tronc permettant la circulation de la sève), cette espèce convient le mieux à l'élevage de vins fins ; le chêne pédonculé qui dispose d'une faible teneur en composés aromatiques. Son bois est plus favorable à l'élevage des eaux-de-vie. Et enfin le chêne blanc d'Amérique caractérisé par un grain fin, notamment lorsqu'il pousse dans des régions froides. C'est également la plus aromatique des trois espèces.
Le bois de ces trois chênes est facile à débiter par fendage, à cintrer (plier pour former le tonneau) ; il présente une légère porosité et confère aux vins des arômes particuliers. Leur origine géographique influe sur leurs composés phénoliques et aromatiques. Il existe, comme pour la vigne, une notion de terroir qui permet de distinguer des régions aptes à produire des bois de grande qualité.

 

La sélection des bois. Les arbres choisis sont exclusivement des chênes âgés de 80 à 150 ans. Les arbres sont coupés en hiver, entre novembre et février, lorsque le bois est hors sève. Aussitôt, la grume (le tronc d'arbre brut après l'abatage dont on a enlevé la tête et les branches) commence à sécher, elle sera ensuite débitée en billons de 1 à 1,20 m environ.

La fabrication des merrains. Ces planches en bois se plient au processus suivant : tout d'abord on fend le billon en quartiers à l'aide d'une fendeuse, qui sont ensuite sciés de manière à conserver la partie la plus fine du bois. Puis ils sont coupés plus finement. Il faut environ 5 m³ de bois frais pour produire 1 m³ de merrains, destinés à la fabrication de 10 pièces environ. Les merrains sont ensuite empilés en tas parallélépipédiques et séchés au grand air. Le séchage est un élément essentiel et déterminant de la qualité d'un fût. Il doit être le plus naturel possible. Ils sont soumis aux éléments climatiques (soleil, pluie, vent) afin de dégrader les tanins, et de ne garder que la partie la plus noble du bois. Trois ans en moyenne sont nécessaires pour faire convenablement sécher un merrain.

La transformation du merrain en douelle. Quatre opérations sont nécessaires pour obtenir ces pièces en bois qui forment la paroi des tonneaux : l'écourtage recoupe le merrain afin de l'ajuster à la longueur finale du fût ; l'évidage élimine une partie du bois sur une face du merrain; le dolage bombe l'autre face du merrain et donne à la douelle sa forme concave ; le fléchage donne sa forme en fuseau à la douelle et assure le cintrage de la pièce alors que le jointage permet d'assurer une bonne étanchéité entre les douelles.

La mise en rose. Il faut environ 30 douelles pour monter un fût. Cette opération, qui se fait manuellement, s'appelle la mise en rose. Elle consiste à assembler les douelles autour d'un cercle métallique (le moule). La rose ainsi formée est prête pour la chauffe de cintrage.
Le cintrage. Le fût est alors chauffé et aspergé d'eau de manière à rendre le bois plus souple. L'arrosage de la coque permet de maîtriser l'élévation de la température à la surface des douelles tout en laissant la chaleur pénétrer au cœur du bois. Le bas de la coque est alors cintré par des mâchoires jusqu'à ce que les douelles se touchent et ferment la coque. La chauffe de cintrage est une opération délicate, car c'est le moment où les risques de casse sont les plus nombreux.

La chauffe aromatique, ou le bousinage. Comme pour le séchage, la chauffe aromatique est une étape essentielle et décisive quant à la qualité finale d'un fût. Elle est destinée à favoriser une dégradation thermique superficielle génératrice de composés aromatiques nouveaux, qui auront une répercussion évidente sur le profil organoleptique des vins.

Les fonds. Ils sont fabriqués manuellement avec des merrains plus courts qui sont assemblés entre eux. L'ensemble forme une large planche qui est ensuite chantournée en rond.

Contrôle, ponçage et finition. Une fois le fût entièrement monté, on teste son étanchéité en y injectant 5 à 10 litres d'eau sous pression pour vérifier qu'il n'y a pas de fuite importante au travers d'une douelle. Le tonneau est ensuite poncé sur toute sa surface. Pour finir, on place les cercles définitifs qui assureront la solidité et l'étanchéité finale du tonneau.

 

Le chiffre
225
La contenance en litre de la barrique bordelaise

 

L'accord mets et vin
Un grand vin Blanc du Jura et un Comté âgé de 24 mois

Franz et Matthias Stockinger, des tonneliers haute couture
Franz et Matthias Stockinger sont à la tête d'une petite entreprise familiale nichée au pied des Alpes autrichiennes, à deux heures de route de Vienne. Ces tonneliers pas comme les autres n'aiment ni les panneaux ni les sites internet. Marketing degré zéro. Et pourtant, leur clientèle a pour nom Chave, Jamet, Jobard, Pavie-Macquin, Roulot, Clinet, pour n'en citer que quelques-uns.
Le père de Franz Stockinger a repris l'entreprise en 1959. Jusqu'à la fin des années 80, les vins étaient élevés en cuves béton revêtues en epoxy et les affaires n'étaient pas florissantes pour les tonneliers. Seule issue possible : la qualité. L'un des premiers vignerons à faire confiance aux Stockinger sera le Toscan Antinori pour ses célèbres cuvées Solaia et Tignanello. Les plus grands vignerons piémontais suivront, puis les Allemands et les Français. La production annuelle de ce tonnelier haute couture est, au plus, de 1 500 fûts. Sur place, rien d'innovant, mais un souci de la qualité dans le moindre détail, depuis la maturation lente des bois dans le parc jusqu'au suivi chez les vignerons.

Aujourd'hui Stockinger est considéré par les experts comme l'une des meilleures tonnelleries artisanales au monde. Les maîtres tonneliers marient les techniques artisanales traditionnelles aux exigences de l'art de vinification et répondent aux critères des meilleurs vignerons de la planète. Passionnés par la matière, ils façonnent avec respect et humilité ces bois que la nature a élevé pendant plus que 200 ans.
À 80 % d'Allemagne et d'Autriche, les chênes sont coupés à la lune descendante, entre décembre et février, lorsque le bois est à sa densité maximale et la sève la plus retirée. Les merrains mûrissent au pied des montagnes jusqu'à 36 mois. Ici pas de maquillage ni de caractère toasté, le terroir et le fruit se révèlent naturellement. Le bois prête ses tanins subtils et apporte aux vins finesse et élégance.

*Ingénieur agronome de formation, diplômé en œnologie de l'Université de Bourgogne à Dijon, Louis Tannoury a obtenu un master en commerce international des vins et spiritueux. Après quelques années d'expérience dans le vignoble bourguignon, il est actuellement importateur et distributeur de vins au Liban (Terroirs-Y-Seleccion).

 

 

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