Mohammad a vu son père, sa mère et son neveu de quatre ans mourir l'un après l'autre en quelques minutes. Ils se sont effondrés dans la rue, pris de convulsions, après l'attaque chimique présumée sur la ville syrienne de Khan Cheikhoun.
L'attaque de mardi, pour laquelle le régime de Bachar el-Assad a été pointé du doigt, a fait plus de 70 morts.
Des animaux ont aussi péri. Un journaliste de l'AFP a vu un chevreau gisant au bord d'une route et trois canaris morts dans une cage.
Mercredi, Khan Cheikhoun était une ville fantôme. Les habitants étaient en état de choc, parvenant à peine à articuler. Des témoins évoquent plusieurs frappes.
Mohammad a perdu ses parents dans l'attaque. "En sortant de la maison, mon père a vu un homme allongé par terre. Dès qu'il s'est approché de lui, il a lui-même commencé à trembler", raconte-t-il. Il parle lentement, le visage marqué par une profonde douleur. En voyant son époux, la mère de Mohammad "a commencé à crier. Elle est allée le rejoindre avant de s'effondrer à son tour", explique Mohammad. Les deux sont morts. "Ma sœur et son petit garçon ont accouru à leur tour. Eux aussi sont tombés". Sa sœur a survécu mais pas son neveu. "Ils tremblaient tous, de la mousse sortait de leur bouche", poursuit-il, assurant avoir tout de suite compris "qu'il s'agissait d'une attaque chimique".
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"Ils tombaient comme des mouches"
"Malgré cela, personne n'a voulu partir, les gens pensaient à secourir les autres", explique Mohammad, qui accuse le régime de Bachar el-Assad de cette attaque. "Que Dieu se venge de cet oppresseur".
Un autre habitant, Abdelhamid al-Youssef, 28 ans, a perdu 19 membres de sa famille dont ses deux enfants Ahmad et Aya et son épouse Dalal. Il est chez un proche, assis avec une perfusion dans le bras.
"Je ne peux raconter ma souffrance qu'à Dieu", dit-il désespéré. "Dieu reste éveillé, il n'oublie personne", répète-t-il, s'élevant contre l'impuissance du monde face à une guerre qui n'en finit pas de tuer.
"Les Européens ne peuvent rien faire, sauf condamner. Et les chefs d'Etat arabes, sont endormis sur leurs chaises", se lamente-t-il.
Abdelhamid raconte avoir "vu des gens s'évanouir les uns après les autres (...) personne n'arrivait à porter secours à personne. Ils tombaient comme des mouches".
Même les secouristes tombaient, les uns après les autres, raconte-t-il. La première frappe a eu lieu à 10 mètres de chez lui, la deuxième à 20 mètres de chez ses parents, dit-il.
"Je suis allé chez mon frère, j'ai secouru près de 20 personnes mais après ça je n'en pouvais plus, je me suis effondré à mon tour, je ne sentais plus rien".
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"Indescriptible"
Le visage abattu, Abdelqader Youssef, 28 ans, raconte, lui, avoir accouru sur les lieux, 15 minutes après une frappe: "Nous avons commencé à secourir les blessés, nous avons vu les gens effondrés pris de convulsions avec de la mousse sortant de la bouche". "Même les secouristes faisaient des crises de nerfs". Après une première frappe, une mère a pu quitter sa maison avec ses quatre enfants vers un lieu sûr, mais ils ont tous été tués par un nouveau raid, poursuit-il. "J'ai survécu par miracle (...) c'est indescriptible".
Dans la rue, une équipe portant des masques et des gants fait des prélèvements dans un trou, un cratère causé par une frappe.
Le docteur Hazem, directeur des services de santé de Khan Cheikhoun explique que les personnels médicaux ont "été surpris par le type de gaz (dégagé lors de la frappe), c'était étrange."
"Nous avons confirmé plus tard, d'après les symptômes, qu'il s'agissait du gaz sarin avec du cyanure", précise ce médecin. "Nous avons fait des prélèvements à l'endroit où a eu lieu la frappe, sur la roquette, ainsi que sur des animaux et des plantes", a-t-il ajouté. Mais le médecin déplore le manque de moyens: "Nous travaillons dans des conditions rudimentaires (...) Il ne nous reste même pas de masques".
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Encore un peu et quelqu'un va nos expliquer que ces gaz étaient effectivement du bakhour à forte dose.
02 h 42, le 09 avril 2017