On se croirait revenu (presque) quatre ans en arrière. Au lendemain de l'attaque à l'arme chimique contre la Ghouta en août 2013, les Occidentaux avaient unanimement imputé ce massacre au régime syrien et menacé d'agir en représailles.
La volte-face du président américain Barack Obama, sur fond d'accord avec la Russie sur un démantèlement de l'arsenal chimique syrien pour annuler les opérations militaires à l'encontre de Damas, malgré le franchissement de la ligne rouge qu'il avait lui-même fixée, avait été considéré par de nombreux observateurs comme un blanc-seing accordé au régime Assad.
Force est aujourd'hui de constater que leurs analyses ne manquaient pas de pertinence. Attribuée au régime par les puissances occidentales, l'attaque chimique perpétrée contre la localité de Khan Cheikhoun, dans la province d'Idleb, a déjà provoqué la mort de 86 civils, dont 30 enfants, selon un bilan établi par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Si Damas a démenti catégoriquement « avoir utilisé toute substance chimique ou toxique à Khan Cheikhoun », son parrain russe a assuré que l'aviation syrienne avait bombardé la veille un « entrepôt » des rebelles où étaient entreposées des « substances toxiques » destinées à des combattants en Irak.
(Lire aussi : Trump dénonce « un affront à l’humanité » et change d’attitude vis-à-vis d’Assad)
La thèse ne tient pourtant pas la route. Les experts en armements chimiques s'accordent à dire qu'un tel bombardement n'aurait pas permis la dissémination de l'agent toxique et n'aurait donc pas pu provoquer autant de morts. Le bombardement, quelques heures après, de l'hôpital où étaient soignés une partie des blessés décrédibilise encore plus la thèse russe. La responsabilité du régime syrien est d'autant moins susceptible d'être mise en doute que ce dernier a déjà utilisé les armes chimiques à plusieurs reprises depuis 2013 selon l'ONU, ce qui implique que l'accord de démantèlement n'a été que partiellement respecté.
Le timing des bombardements contre Khan Cheikhoun est toutefois sujet à interrogation. Quel était l'intérêt du régime syrien à perpétrer une telle attaque chimique, qui lui vaut une condamnation unanime des pays occidentaux, alors que ces derniers commençaient à modérer leur position à son égard ? A priori, aucun. Mais la réflexion ne peut se contenter d'une réponse a priori lorsqu'il s'agit du régime syrien.
Le précédent de la Ghouta est fort instructif en la matière : Bachar el-Assad savait qu'en utilisant l'arme chimique, il risquait de provoquer une réaction militaire américaine, mais cela ne l'a pas empêché de le faire. Peut-être n'a-t-il jamais pris cette offensive au sérieux, rassuré qu'il était par le soutien des Russes. Il n'empêche, le président syrien a prouvé en 2013 qu'il pouvait franchir les lignes rouges imposées par les puissances occidentales sans la moindre conséquence. Il a utilisé plusieurs fois les armes chimiques depuis, notamment durant l'offensive contre Alep, toujours sans la moindre conséquence. Pourquoi se priverait-il alors de cet instrument dévastateur pour les rebelles syriens, qui ne peut que les encourager à se radicaliser davantage ?
(Lire aussi : Assad et l’Occident, l'édito de Michel TOUMA)
Calcul coûteux ?
L'attaque de Khan Cheikhoun intervient quelques jours seulement après que l'administration Trump eut déclaré qu'elle ne faisait plus du départ du président syrien une priorité en Syrie. Le message semble avoir été parfaitement reçu par les autorités de Damas, qui ont pu considérer que tout leur était désormais permis. Les condamnations morales des puissances occidentales ne valent pas grand-chose face au veto russe concernant toute résolution visant à mettre en cause la responsabilité du régime syrien dans l'attaque. L'impuissance de la communauté internationale fait au contraire le jeu de Damas et de Moscou, puisqu'elle remet en question non seulement l'ordre international mais aussi les règles et les valeurs que celui-ci est censé sanctuariser. Autrement dit, plus Bachar el-Assad se permet d'outrepasser les règles du droit international, plus il affaiblit ses adversaires. Le calcul ne manque ni de cynisme ni de réalisme, mais il pourrait s'avérer assez coûteux cette fois-ci.
En quelques heures, les Américains – les seuls à vraiment pouvoir changer la donne – ont complètement changé de ton. Le président des États-Unis Donald Trump a affirmé hier avoir « changé son regard vis-à-vis de Bachar el-Assad », promettant une réponse américaine face à ce qu'il a qualifié d' « affront à l'humanité ». L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a pour sa part évoqué l'option d'une action unilatérale en cas de blocage au Conseil de sécurité. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui avait également modéré sa position ces derniers temps, a qualifié M. Assad d'« assassin ». Ces déclarations ont pour principal objectif de mettre la pression sur les Russes et de les pousser à faire des concessions. Mais elle témoigne aussi de la volonté de l'administration Trump de fixer à son tour ses propres lignes rouges. Non seulement pour se démarquer de l'administration Obama, mais aussi pour montrer qu'elle est prête à répondre aux provocations du régime syrien et de ses parrains russe et surtout iranien. La menace américaine s'explique également par le fait que la question des armes chimiques est très sensible pour l'allié israélien, qui craint que le Hezbollah s'en empare, alors que l'administration Trump n'a pas caché sa volonté de défendre les intérêts de l'État hébreu depuis son arrivée au pouvoir.
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Bah il était finis depuis longtemps Assad et son régime maintensnt c'est valider et confirmer !!
15 h 26, le 06 avril 2017