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Liban - Colloque

Al-Azhar : Pluralisme et citoyenneté sont aux fondements historiques de la religion musulmane

Le pas vers un État de nature civile reste encore à franchir, soulignent certains intervenants.

En marge du colloque, le patriarche maronite a rencontré hier le pape copte. Photo ANI

Confirmant une réflexion que son institution mène depuis quelques années, le grand imam d'al-Azhar, Ahmad Tayyeb, la plus haute autorité sunnite du monde arabe, a solennellement affirmé que l'islam n'est pas incompatible avec le pluralisme religieux, « l'égalité en droits et en devoirs des musulmans et des non-musulmans », au sein d'un « État national constitutionnel ». La notion de « citoyenneté » n'est pas étrangère à l'islam, a insisté l'imam, bien au contraire, elle fait partie de ses fondements.

Ces trois points sont les plus marquants du congrès islamo-chrétien qui vient de se tenir au Caire (28 février-1er mars), et que reflète une déclaration finale particulièrement franche, condamnant toute violence exercée au nom de la religion, ainsi que toute forme de pouvoir politique basé sur la discrimination entre musulmans et non-musulmans.

Intéressante en soi, la déclaration gagne encore en importance dans la mesure où elle confirme une réflexion engagée par al-Azhar depuis plusieurs années. Ainsi, en 2012, dans un document intitulé La citoyenneté et l'avenir de l'Égypte, le cheikh Ahmad Tayyeb affirmait que l'islam ne prône pas un État religieux et optait pour le concept de citoyenneté. Par la suite, un important document sur les libertés, y compris la liberté religieuse, a été publié en 2014. Le texte plaçait al-Azhar à l'avant-garde d'un islam modéré prônant une charte des libertés privées et publiques comprenant la liberté de conscience.

Enfin, dans son allocution hebdomadaire à la télévision égyptienne, Ahmad Tayyeb affirmait, le 13 janvier dernier, que les chrétiens d'Égypte ne sont pas et ne peuvent être considérés comme des dhimmis, ni même considérés comme « une minorité », un terme chargé pour lui de « connotation négative ». Le colloque de mercredi et jeudi prouve qu'al-Azhar n'hésite plus à afficher publiquement ces principes non seulement comme de simples opinions, mais comme un engagement de la foi musulmane.

 

(Lire aussi : Du Caire, al-Azhar s’attaque à la notion « anachronique » de dhimmitude)

 

Ambiguïtés
Pour importants que soient ces progrès, toutefois, le discours que tient la grande instance religieuse sunnite continue d'être jugé ambigu et moins clair qu'il ne le faut par des intervenants chrétiens et musulmans, retour du Caire. « On a beaucoup parlé de citoyenneté, mais on n'a pas évoqué l'État de nature civile qui est son complément, estiment ceux-ci. On sent que le discours n'est pas encore tranchant par rapport à une tradition conservatrice. »

Et ces intervenants de relever que la notion d'État de nature civile n'a figuré ni dans le discours d'Ahmad Tayyeb ni dans la déclaration finale. « On en est toujours à parler de l'État "national" (dawla watania), observe-t-on. Le pas vers l'État de nature civile n'a pas encore été franchi, et après tout, on peut jouir de l'égalité civique que donne une même citoyenneté dans le cadre de l'État islamique. » Et la source de conclure en affirmant « qu'un progrès est toujours nécessaire pour en arriver à un modèle d'État moderne, civil, où toutes les religions sont sur un pied d'égalité dans le cadre d'une citoyenneté incluant la diversité ».

Les intervenants libanais de mercredi, comme le ministre Pierre Raffoul (représentant le chef de l'État Michel Aoun), le président Amine Gemayel, Farès Souhaid ou Nayla Tabbara (Fondation Adyan), avaient pour leur part souligné les spécificités du modèle de vivre-ensemble libanais, et en particulier l'existence d'une espèce d'osmose culturelle au sein de la société libanaise, de sorte qu'il existe une composante musulmane dans la personnalité de tout chrétien, et, réciproquement, une composante chrétienne dans la personnalité de tout musulman.

 

(Pour mémoire : Le cardinal Tauran : Les rencontres communes, « des dons » faits à l'humanité)

 

La déclaration d'al-Azhar
Voici, par ailleurs, dans une traduction libre, les quatre points-clés de la déclaration finale du colloque d'al-Azhar :

1- « La notion de citoyenneté est bien ancrée dans l'islam. Son rayonnement premier figure dans la Constitution de Médine et les pactes et documents du Prophète qui ont suivi, qui réglementent les rapports entre musulmans et non-musulmans. De ce fait, le concept de citoyenneté n'est pas une solution importée, mais une actualisation de la première pratique musulmane du pouvoir par le Prophète, dans la première société musulmane fondée. Cette pratique ne comprenait aucune discrimination ou exclusion à l'encontre d'une quelconque fraction de la société de l'époque, mais prévoyait l'exercice de politiques basées sur la pluralité des religions, des races et des couches sociales, une pluralité opérant dans le cadre d'une citoyenneté entière et égalitaire telle que figurant dans la Constitution de Médine (...) qui stipulait que les non-musulmans et les musulmans partagent les mêmes droits et les mêmes devoirs.

2- « Partant, les sociétés arabes et islamiques possèdent un patrimoine bien ancré de pratique du vivre-ensemble au sein d'une même société marquée par la diversité, le pluralisme et la reconnaissance réciproque. L'adoption des notions de citoyenneté, d'égalité et de droits entraîne la condamnation de ce qui contredit la citoyenneté et maintient des pratiques reposant sur la discrimination entre musulmans et non-musulmans contraires à la charia (...). Le premier facteur de cohésion et de consolidation de la volonté commune est représenté par l'État national constitutionnel reposant sur les principes de citoyenneté, d'égalité et du règne de la loi (...) .

3- « (...) Les participants chrétiens et musulmans au congrès d'al-Azhar déclarent que toutes les religions sont innocentes du terrorisme, sous toutes ses formes, et le condamnent le plus fermement possible (...).

4- « Dès lors, la protection des citoyens, de leur vie, de leurs biens, de leurs libertés et de tous les autres droits que leur confèrent leur citoyenneté et leur dignité humaine, est le devoir premier des États nationaux (...). »

Confirmant une réflexion que son institution mène depuis quelques années, le grand imam d'al-Azhar, Ahmad Tayyeb, la plus haute autorité sunnite du monde arabe, a solennellement affirmé que l'islam n'est pas incompatible avec le pluralisme religieux, « l'égalité en droits et en devoirs des musulmans et des non-musulmans », au sein d'un « État national constitutionnel ». La notion...

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LA LIBRE EXPRESSION

09 h 43, le 03 mars 2017

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  • FAUT PAS EXAGERER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 43, le 03 mars 2017

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