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Moyen Orient et Monde - Reportage

Ils fuient Mossoul-Ouest pour « rentrer à la maison »

L'entrée des forces irakiennes dans la partie ouest de Mossoul a précipité à l'exode des centaines de résidents. Mais pour certains de ces civils, fuir Mossoul signifie enfin rentrer chez eux.

Des unités d’élite du contre-terrorisme (CTS) lors de leur avancée vers les quartiers ouest de Mossoul hier. Aris Messinis/AFP

La poussière ocre, à la fois épaisse et volatile, s'est infiltrée jusque dans leur bouche, leurs narines, et recouvre chaque pore de leur peau. Ils sont une dizaine – enfants, cheveux blancs, hommes abattus – à s'extraire en pagaille de la remorque du véhicule blindé qui vient de les déposer à un avant-poste qui borde la route reliant Bagdad à Mossoul. Au loin, les bâtiments blancs de la bordure de la seconde ville d'Irak se dessinent sur l'horizon assombri par les combats. Des larmes tracent un sillon clair sur un visage jauni par la poussière. Une vieille dame s'écroule par terre : sa canne ne suffit plus à la porter. Ils viennent de fuir les combats qui opposent les combattants de l'État islamique (EI) aux forces du contre-terrorisme irakien dans la périphérie de Mossoul-Ouest.

« Le téléphone est autorisé ici ? » s'enquiert immédiatement Mohammad Sultan en sortant de sa poche un portable épais comme une brique. Sous l'EI, les habitants qui possèdent un téléphone sont accusés de collaborer avec les autorités irakiennes et mis à mort. « Allô ? On vient d'être secourus. Nous sommes en sécurité maintenant, mais c'était tellement dangereux, on a failli ne pas réussir à fuir. Est-ce que tu peux venir nous chercher ? On veut rentrer », explique ce père de 46 ans à son neveu. Comme des milliers d'Irakiens de cette région quasi désertique du sud de Mossoul, Mohammad Sultan avait été déplacé de force par les combattants de l'EI juste avant que les forces irakiennes ne lancent leur offensive sur Mossoul le 17 octobre.

« Ils les ont obligés à quitter leurs maisons pour les utiliser dans Mossoul comme boucliers humains », précise le brigadier-général Sleiman Hachem, un officier du renseignement du contre-terrorisme irakien. Il estime à près de 2 000 le nombre de familles déplacées de force par l'EI dans cette zone. « Ils sont venus chez nous avec des armes et nous ont dit de partir dans un autre village. Dix jours plus tard, ils nous ont encore obligés à partir, cette fois pour aller à Mossoul. En comptant aujourd'hui, j'ai été déplacé trois fois en quatre mois ! » s'insurge Mohammad Sultan.

 

 (Repère : La bataille pour Mossoul : ce que l'on sait)

 

« Que ce bâton... »
Derrière lui, des volutes de poussière commencent à se former sur les prairies arides qui séparent cette base de la cité septentrionale. Entre les tranchées creusées par les jihadistes pour défendre le front ouest, une longue colonne de silhouettes anonymes serpente sur le flanc d'une colline, suivie à la trace par un hélicoptère. Ils sont d'abord quelques dizaines, mais l'hémorragie ne fait que commencer. Bientôt, ce sont des centaines de civils, sacs en plastique sur le dos, vieillards en chaise roulante, nourrissons dans les bras, qui fuient le grondement de l'artillerie et le sifflement des balles.

Assis à l'ombre d'un muret, les premiers arrivants se précipitent sur l'unique plat de riz et de haricots. « On a marché depuis la tour d'eau là-bas », explique Youssef Mohammad Jassem en pointant Mossoul du doigt. Né dans le village de Arbid, il en avait été déporté avec sa femme et ses six enfants, en même temps que 150 autres familles, pour servir de boucliers à l'EI. Prenant appui sur sa canne, le berger fulmine. « Il y a trois mois, nous avons tout perdu. Et maintenant, à nouveau, j'ai dû tout laisser derrière moi. Il ne me reste plus que ce bâton et mes moutons, assure-t-il, le regard sombre. Tout ce qu'on veut, c'est rentrer à la maison. »

 

 

Repère

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